Confinement : les auto-écoles au point mort

 

Entre répercussions économiques et zones d’ombre quant à la reprise de leur activité le 11 mai, les auto-écoles évoluent dans le flou. Avec, pour nombre d’entre elles la peur de la faillite.

À chaque fois c’est un peu le même refrain, avec quelques notes qui changent. Que ce soit pour le chômage partiel, les aides de l’État et du département ou encore les prêts accordés ou non par leurs banques, les auto-écoles semblent toutes rencontrer leur lot d’embûches dans leur tentative de sortir vivantes de la crise. Et aujourd’hui, elles veulent surtout attirer les regards sur leur situation, elle aussi, de plus en plus critique à mesure que le confinement s’étire. “Depuis le 17 mars, il n’y a eu aucune rentrée d’argent”, souffle un des gérants de l’île. “On a dû fermer totalement depuis le début du confinement”, assène un autre d’entre eux. Avant d’ajouter : “j’ai l’impression qu’on parle beaucoup des bars et des restaurants, mais ce serait bien qu’on ne nous oublie pas…”.

Les problèmes que rencontrent Mohamed El Amine, gérant de ECM (Ecole de Conduite Mahoraise) et nombre de ses confrères font écho aux remontées effectuées ces dernières semaines dans d’autres secteurs. Outre l’interruption brutale de leurs activités, ce sont en effet les difficultés à obtenir des aides qui épuisent ces chefs d’entreprise. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. “J’ai mis mes comptables sur le coup, mais je peux vous dire que si vous ne vous y connaissez pas, c’est vraiment compliqué”, poursuit le professionnel de la conduite. En cause : des lourdeurs administratives ou des incompréhensions sur les dispositifs. Par exemple, certaines aides du département, qui ne sont pas cumulables, ou bien qui sont conditionnées au refus d’un prêt par la banque. Ou encore des papiers qui manquent, pour finaliser le dossier sur la plateforme mise en ligne par le conseil départemental le 14 avril dernier ; et notamment, la fameuse attestation sociale, décriée par les entrepreneurs mahorais, car ils sont nombreux à ne pas pouvoir la fournir.

Le précédent de 2018

Comme Mohamed El Amine, Abdou Said, le gérant de Mayotte Conduite, bataille justement depuis au moins trois semaines pour obtenir le précieux sésame, mais ses nombreux coups de fil à l’Urssaf sont restés pour l’instant lettre morte. “Certes, ils veulent que les entreprises soient à jour au niveau de leurs impôts et de leurs charges sociales, et c’est bien normal”, reconnaît Mohamed El Amine. “Mais il faut adapter cela au contexte local : on sort tout juste d’une crise en 2018, forcément, nous avons quelques arriérés”. Quant aux prêts, le gérant de ECM préfère ne pas en entendre parler : “j’ai déjà 80.000 euros à rembourser, je ne vais pas m’amuser à faire un nouveau prêt pour l’instant, même à taux réduit”.

Alors pour l’instant, Mohamed El Amine se contente des 1500 euros du fonds de solidarité de l’Etat, qu’il a réussi à obtenir, et du chômage partiel pour ses sept salariés. C’est déjà ça, même si ces aides restent “très largement insuffisantes pour couvrir toutes les charges”, liées à la gestion d’une auto-école, entre l’entretien du local, les véhicules… D’autres pourtant, non même pas eu sa chance. “Je viens de recevoir l’allocation de l’État au titre de l’activité partielle : pour la période du 17 au 31 mars, nous n’avons reçu que 1.100 euros pour nos trois salariés, je ne comprends pas”, s’affole un autre gérant d’auto-école. De la poudre aux yeux, pour ce patron, qui a pourtant avancé les 70% du salaire brut (84% du salaire net) de ses employés.

Le flou du déconfinement

“Toutes ces difficultés ajoutent de la pression sur les gens”, confirme Abdou Saïd, qui s’inquiète aussi de voir arriver certaines échéances de prêt, alors que sa demande pour un PGE, un prêt garanti par l’État, ne semble pas aboutir. Alors Abdou Saïd ne voit pas d’autre option : il va falloir reprendre du service. Mais là encore, c’est la grande inconnue. Impossible pour l’instant de savoir si et comment les auto-écoles vont pouvoir remettre le contact. La question devrait vraisemblablement s’éclaircir avec l’intervention du premier ministre Édouard Philippe mardi, à 15h en métropole, pour présenter le plan de déconfinement. Mais quoi qu’il s’y dise, le gérant n’en démord pas : “je ne vais pas pouvoir attendre quatre mois sans travailler”. Il a d’ailleurs déjà rappelé “deux trois élèves” pour “au moins préparer les plannings” à partir du 11 mai. “Histoire de reprendre le travail de manière progressive”, espère-t-il.

Nicolas Fontaine, l’un des gérants de Fast Line Formation, est moins optimiste. Vu la taille de l’habitacle, la reprise des leçons de conduite ne pourra sans doute se faire qu’au prix de précautions sanitaires très contraignantes. Mais là encore, peu d’informations circulent jusqu’aux auto-écoles. Protections pour les élèves, les moniteurs et les inspecteurs, installation d’une vitre entre les sièges, désinfection après chaque cours… Les hypothèses vont bon train, “mais pour l’instant, on est trop peu informés”, déplore-t-il. Et tout cela risque en plus d’être à la charge des auto-écoles. “Aujourd’hui, même un masque et un gel, nous n’arrivons pas à en avoir, alors je ne vois pas comment nous allons pouvoir faire dans trois semaines”. Le 11 mai, les auto-écoles risquent fort, une fois n’est pas coutume, de ne pas pouvoir passer la seconde…

 

 

 

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