Le médecin a essayé d’expliquer au mari le danger que courrait sa défunte épouse si on ne lui donnait pas le sang dont elle avait besoin. Mais celui-ci s’y est opposé, alors que la femme qui souffrait d’une anémie sévère avait donné son consentement. Un drame de plus qui relance le débat sur la place de la femme dans la société comorienne.
Depuis mercredi, on ne parle de que cette histoire, révélée sur Facebook par le docteur lui-même. Selon le récit du médecin, tout se serait passé il y a quelques jours. Une femme enceinte s’est présentée à l’hôpital, un centre situé au nord de la Grande Comores. Après examens, on constate qu’elle était atteinte d’une anémie sévère, c’est-à-dire un manque de sang ( les globules rouge) et donc nécessitait en urgence une transfusion, sinon le pire pouvait arriver à tout moment. » J’explique à la patiente le problème. Elle a très bien compris« , a relaté le médecin dans son poste devenu viral. Le problème, la patiente pose une condition : il faut que son mari donne son autorisation. C’est à ce moment-là que les choses vont se compliquer. Puisque celui-ci n’acceptera pas. » J’appelle le mari et lui explique la situation de sa femme, mais malheureusement, il refuse catégoriquement qu’on lui transfuse. Je tente de les convaincre en montrant à la patiente que c’est sa décision qui compte et non celle de son mari car sa vie en dépendait en vain« , a poursuivi le praticien. Après cet évènement, la patiente rentrera chez elle. Le lendemain, le pire arriva. Elle succombe avec le fœtus.
Après la publication de l’information, nombreux sont ceux qui veulent accabler le docteur. Selon eux, il aurait dû faire tout pour que la transfusion ait lieu, afin de sauver la vie.
Code de la santé
Au lendemain de la célébration de la journée mondiale des droits des femmes, une telle histoire ne pouvait pas passer inaperçue. Le sujet divise même l’opinion, bien que certains tentent de faire valoir le code d‘éthique qui régit le corps médical pour disculper le médecin. » Je pense que le médecin n’a commis aucune faute et a fait ce qu’il devait faire. La patiente est sortie contre l’avis médical en refusant les soins, étant prévenue de l’issue fatale« , a clarifié, un chirurgien de la place qui a opté pour l’anonymat. Son argumentaire est partagé par de nombreux praticiens comme ce médecin d’origine comorienne qui exerce en France. » J’ai eu un cas miliaire d’un patient de confession juive, hospitalisé dans notre service qui présentait une anémie sévère. Il a refusé la transfusion car il exigeait le sang d’un juif, il est décédé. Et il n’y a pas eu de poursuites judiciaires« , a-t-il ajouté avant de rappeler que tant que le malade ne montre pas une infirmité mentale et accepte de signer sa décharge (sa sortie contre l’avis du toubib), le médecin est alors exempté de toute responsabilité. Et juridiquement ? A ce propos, Me Abdoulbastoi Moudjahidi pense que le médecin a respecté la volonté du patient qui est libre d’interrompre ou de refuser un traitement, selon le code de la santé. Toutefois, ce texte autorise d’après l’avocat à accomplir les actes « indispensables à sa survie et proportionnés à l’état du malade. Ceux-ci ne sont pas forcément le traitement refusé précisera-t-il. A présent, la question qui revient est y aura-t-il une enquête ? La ministre comorienne de la Santé, Loub Yacout Zaidou s’est juste feinte d’un tweet, publié mercredi. » Ce genre de drame doit interpeller plus d’un. Plus jamais une telle injustice. La femme doit savoir dire non aux caprices d’ancien temps de son époux« , a-t-elle écrit sans annoncer quoique ce soit.
Discrimination
Mais pour une partie de l’opinion, cet acte « ignoble », met en lumière les discriminations que subit la femme comorienne à qui on apprend à se soumettre aux ordres des hommes. Badiant Halifa Elbeit, fervente défenseure des droits de la femme, va jusqu’à utiliser le terme de feminicide. D’après elle, la responsabilité de cette tragédie n’incombe qu’à cette société » qui éduque les filles à obéir aux maris, et qui de surcroît humilie celles qui divorcent ou qui ne sont pas mariées« . En effet, la regrettée avait expliqué au docteur qu’elle ne pouvait accepter la transfusion parce que son mari la menaçait de divorcer. » L’emprise est le signe de violence psychologique, sexuelle. Demandez aux hommes de considérer les femmes comme des êtres humains et non des objets à leur disposition« , réclame Badiant, dans un post publié sur son mur. Car pour elle, « cette femme est morte parce que son mari l’a décidé.