Circoncision 2/3

Santé : « L’enfant est toujours préparé »

Zoubert* est infirmier de bloc opératoire au Centre hospitalier de Mayotte depuis trente ans. Parallèlement, depuis près de vingt ans il endosse la fonction de circonciseur dans les villages de Mayotte. Un travail non légalisé mais « autorisé » à Mayotte, explique-t-il.

*Le prénom a été changé

MH : Qu’est-ce que la circoncision ?

Z : La circoncision consiste à retirer le prépuce, c’est à dire tout ce qui couvre le gland du sexe mâle afin [d’éviter l’accumulation de sécrétion] et favoriser une meilleure hygiène.

MH : Vous pratiquez la circoncision au domicile de l’enfant, comment se déroule la pratique ?

Z : Je pratique une technique chirurgicale mais sous anesthésie locale. Il faut savoir qu’une circoncision à l’hôpital suscite une indication. Elle est pratiquée par les chirurgiens sous anesthésie générale. Ils procèdent parfois à des blocs péniens (une anesthésie et une analgésie postopératoire lors de chirurgie de la verge, ndlr) pour soulager les douleurs de l’enfant pour les premières 24h. Depuis 2005, les infirmiers de bloc opératoire ne sont plus habilités à la circoncision chirurgicale au CHM, mais nous sommes autorisés à exercer en dehors, en respectant les mêmes conditions. Je me rends au domicile de l’enfant à la demande des parents. J’exige d’avoir les mêmes conditions : un endroit propre, une table bien dégagée, un éclairage suffisant. Il faut que toutes les conditions soient réunies.

MH : Combien de temps dure l’opération ?

Z : La circoncision peut durer de cinq à dix minutes. Tout dépend de la condition de l’enfant, s’il est bien préparé, etc. Une fois que l’anesthésie a fait son effet, au bout de cinq voire dix minutes, il n’y a généralement pas de problème. L’anesthésie elle, tient entre 25 minutes et 30 minutes.

MH : Qu’en est-il de la préparation de l’enfant ?

Z : L’enfant est toujours prévenu [en amont] par la famille qui le prépare à la circoncision afin d’éviter les problèmes pendant l’acte. Il s’agit d’une préparation mentale. Qu’il sache qu’il va être circoncis et surtout qu’il l’accepte. Avec une bonne préparation tout se passe très bien.

MH : Quel âge préconisez-vous pour la circoncision ?

Z : Dès que l’enfant commence à reconnaître son sexe. L’enfant reconnaît son sexe à partir de trois ans. Pour moi, c’est l’âge idéal car il est propre et se maîtrise, il comprend ce qu’on lui dit et sait ce qu’on lui fait.

MH : Comment se déroule la convalescence ?

Z : La convalescence se tient entre une et trois semaines. Une fois l’acte réalisé, on pose le premier pansement tulle gras avec des fils résorbables rapides qui doit tomber au bout du troisième jour. Les fils quant à eux sont censés tomber au bout d’une semaine. Il est important que le pansement tienne au moins 24h. Une fois le pansement retiré, au troisième jour post-circoncision, l’enfant doit rester propre et procéder à des bains moussants à base de bétadine. Une pommade antibiotique est également à appliquer. En cas de forte douleur, il peut prendre un antalgique. Généralement, l’enfant est en bonne forme au bout d’une semaine. Les parents jouent un rôle important pendant la convalescence de leur enfant. Ils apprennent à faire la première douche et la toilette. Il arrive que les parents emmènent leur enfant en mer, trois jours après la circoncision, afin qu’il prenne un bain de mer et fasse tomber le pansement. Une fois rincé, ils procèdent au bain moussant puis à l’application de la pommade. Depuis toutes ces années de pratique, on ne m’a jamais rappelé pour un problème.

MH : Combien coûte une circoncision ?

Z : Je ne fixe pas de prix. J’interviens généralement pour les enfants de mes amis ou de ma famille. C’est très rare que je le fasse avec d’autres personnes. C’est pour leur rendre service. Ils me récompensent soit avec de l’argent, des gâteaux ou autres. Je préfère les gâteaux (rires), c’est plus convivial et plus festif. D’autres circonciseurs fixent le prix entre 50 et 100€ par acte. L’essentiel pour moi c’est que ce soit bien fait.

MH : Vous pratiquez la circoncision depuis vingt ans, comment cela se passait-il à l’époque ?

Z : Je me suis mis à la pratique, sinon à la maîtrise de la technique de la circoncision niveau chirurgical, avec mes collègues chirurgiens. À l’époque on autorisait certains gestes aux infirmiers et aussi pour soulager l’hôpital et éviter que la circoncision soit réalisée de façon barbare et archaïque dans les villages. Soulager les enfants tout en restant dans la pratique de la religion. C’était pour moi plus que nécessaire de maîtriser la technique pour rendre service à la population.

MH : Que devient le prépuce ?

Z : À Mayotte, le prépuce est remis à la famille qui l’enterre.

MH : La circoncision a-t-elle un effet protecteur face à l’acquisition de maladies sexuellement transmissibles entre autres ?

Z : Depuis plus de dix ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS, ndlr) recommande la circoncision. Elle a prouvé statistiquement que les hommes non circoncis étaient plus exposés aux risques de contraction du VIH, de MST et autres. Lorsque le gland est couvert il y a plus de risques de rétention de bactéries que lorsqu’il est nu.

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