« Certains n’ont jamais vu de médecin », des pompiers soignent la population des bidonvilles

Une trentaine de sapeurs-pompiers venus de métropole se rendent dans différents lieux du centre de Grande-Terre pour apporter les premiers soins à la population. Ce jeudi, ils étaient à Kahani, dans des quartiers où se soigner n’est pas la priorité puisqu’il faut d’abord songer à trouver de la nourriture et de l’eau.
« Salam alikoum, un docteur est là, on va s’installer sur la place publique, si vous souhaitez venir. » Ce jeudi, Fatima Mouhoussini, une habitante de Kahani investie dans l’association de quartier Malezi-Ya, s’arrête à l’entrée des cases des bidonvilles du village pour faire passer le message. « Moi, j’ai mon enfant qui vomit tout le temps, je vais venir », répond une maman. Depuis quelques jours, la militante associative accompagne les pompiers secouristes venus de métropole. Installés au dispensaire de Kahani, ils se rendent dans plusieurs localités du centre et de l’ouest de Grande-Terre pour faire du « soutien d’urgence et du soutien sanitaire », explique le docteur Philippe Poinot. Spécialistes en poste médical avancé (PMA), ils font les premiers soins. Généralement, ils installent une grande tente siglée « Poste médical avancé », mais ils ne l’ont pas amenée à Mayotte. « On nous a dit que cela pouvait dissuader le public de venir, ils peuvent avoir peur de se faire contrôler par la police aux frontières », raconte le lieutenant José Navarro, pompier de l’Hérault, dans le service départemental d’incendie et de secours de ce département, des pompiers sont spécialisés dans le PMA. A la place, les sapeurs-pompiers vont vers la population. Depuis leur arrivée, ils se rendent dans les villages où la population est la plus vulnérable, notamment à Tsararano, Combani et Kahani. Des actions coordonnées avec la police municipale. A chaque fois, ils sont accompagnés d’un interprète comme c’est le cas avec Fatima Mouhoussini.

 

Ce jeudi après-midi, les sapeurs-pompiers installent leur équipement sous un faré près du city-stade du village. En deux ou trois mouvements, une salle de consultation est mise en place avec des chaises et tables d’écoliers. Quelques habitants défilent. « Nous soignons beaucoup de plaies infectées à cause d’une blessure avec une tôle », raconte Marion Remeur, pompier venue de Toulouse. « Nous nous occupons de personnes qui parfois n’ont jamais vu de médecin », explique le docteur. Souvent, les plaies n’ont pas été soignées. « La priorité est de trouver à manger plutôt que de se soigner », évoque Fatima Mouhoussini. Alors que les habitants de ce bidonville de Kahani ont souvent tout perdu, rechercher de la nourriture et de l’eau est prioritaire, se faire soigner vient après.
« Essayer d’oublier le moins de personnes possibles »
Souraya* est venue se faire consulter avec ses deux enfants, elle souffre d’une bronchite et d’hypertension. Mère célibataire, elle ne se rend pas au dispensaire. « Je ne peux pas attendre pendant des heures là-bas, je n’ai personne pour garder mes deux petits-enfants. Là c’est juste à côté de chez moi, c’est pratique. »
Depuis leur arrivée, les sapeurs-pompiers ont consulté 540 personnes, parfois jusqu’à 80 dans la même journée à Tsararano notamment. Alors que l’absence des secours dans les quartiers informel a été beaucoup critiquée, selon le docteur Philippe Poinot, leur action vise également à « montrer que le système essaie d’oublier le moins de personnes possibles ». Cependant, il reconnaît aussi que leur travail est « une goutte d’eau » à l’échelle des besoins de la population.
 * le prénom a été modifié.
Une polyvalence bénéfique
Parmi les 27 pompiers venus de métropole à Kahani, 80 % d’entre eux sont des sapeurs-pompiers volontaires. Ce statut offre des avantages car, de par leur métier, chacun apporte des compétences qui sont utiles pour aider Mayotte. Dans le groupe, quatre d’entre eux sont par exemple infirmiers, l’un est spécialisé dans les plaies et cicatrices, un autre infirmier anesthésiste, une autre infirmière aux urgences. Une complémentarité de spécialités utiles sur le terrain.
Dans une partie de la maternité de Kahani où ils ont installé leur base, le groupe a remis le courant et l’eau rapidement. « Parmi nous, il y a des électriciens, plombiers. Ces différents savoir-faire permettent de déplacer des montagnes », s’amuse le lieutenant José Navarro.

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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