À M’tsapéré, dans la commune de Madmoudzou, le premier centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) ouvert en décembre 2023, a été présenté au public ce lundi. Mais l’équipe composée de la seule pédopsychiatre de l’archipel mahorais compte énormément sur l’ouverture d’autres CMPEA sur le territoire, entre autres, pour répondre à la demande.
Le tout premier et seul centre médico psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) de 0 à 18 ans à Mayotte a ouvert ses portes en décembre 2023 pour le grand Mamoudzou. Il s’agit de la réunion de deux services du centre hospitalier de Mayotte (CHM) qui ont déménagé dans de nouveaux locaux, rue Maevantena, à M’tsapéré, à Mamoudzou, à la demande, dès 2022, de la cheffe de service Virginie Boiard.
Une bonne nouvelle même si, « on n’est pas très bien situés », livre celle qui est aussi la seule pédopsychiatre de l’archipel, devant des partenaires et l’agence May santé recrutement pour présenter la structure. « C’est un quartier avec beaucoup d’insécurité avec des phénomènes de bandes. Il y a des jeunes qui ne peuvent plus venir comparé à quand on était au CHM car M’tsapéré n’est pas neutre », regrette-t-elle, ce lundi 22 avril, dans une salle d’attente encore sans climatisation malgré les six mois de travaux. Le bâtiment se scinde en deux parties : l’une pour les enfants, l’autre pour les adolescents.
« Ça a déshabillé Paul pour habiller Jacques »
« On est contents d’être ici mais une grande partie du personnel se déplace en périphérie donc j’ai enlevé des moyens à Mamoudzou. Ça a déshabillé Paul pour habiller Jacques », déplore la responsable. En effet, le seul service pédopsychiatrique, ouvert à Mamoudzou du lundi au vendredi, se rend aussi via l’unité mobile de pédopsychiatrie (UMPP), créée en 2023, au CMP pour adultes de Petite-Terre les mardis, à celui de Bandrélé les mercredis et jeudis, et deux jours par semaine au dispensaire dans le nord, où il n’y a pas de CMP. En plus de se rendre chez les partenaires : l’Éducation nationale, des associations, des services sociaux et les structures médico-judiciaires (il existe une seule unité (UMJ) à Mayotte au CHM qui se déplace sur le territoire) pour effectuer du soutien et des formations.
Chaque intervention est censée mobiliser cinq professionnels : la pédopsychiatre, l’infirmière, la psychomotricienne, l’orthophoniste et une éducatrice spécialisée. Mais le CMPEA, sursollicité, est aussi confronté à des problématiques de recrutement : il manque depuis septembre un poste d’orthophoniste, et depuis fin mars, une psychologue pour les adolescents.
« On n’est pas même pas à dix équivalents temps plein. Les journées sont très denses. Ça fait trois ans que je suis toute seule en tant que pédopsychiatre, ça commence à tirer un peu », confie celle qui essaie de recruter aussi de son côté. Mais elle compte surtout sur les sorties d’écoles fin juin pour combler l’équipe, en espérant que les nouvelles recrues potentielles ne soient pas toutes dirigées vers d’autres services à Mayotte comme cela a été le cas l’année passée malgré les besoins en psychiatrie, nous glisse-t-elle.
« On est passé à un an d’attente »
En tout, en 2023, le service a accompagné 650 enfants et adolescents en file active, pour le grand Mamoudzou et la périphérie. « On est entre guillemets victimes de notre succès. En octobre 2021, je pouvais quasiment voir les enfants la semaine suivante. Là, on a eu 130 demandes en 2023. On est passé à un an d’attente quasiment pout tout. C’est là qu’on voit qu’il y a plein de besoins », déclare celle qui en est à traiter les demandes de février 2023. Elle estime que rien que dans le grand Mamoudzou, environ 70 enfants et adolescents sont en attente d’obtenir leur premier rendez-vous, d’autres patientent aussi pour le deuxième. « Et ça va augmenter je pense. C’est catastrophique parce que ce sont des enfants et des familles en souffrance […] Mais dans tous les CMPEA en métropole il y a de l’attente. La psychiatrie c’est le parent pauvre de la médecine. Et pourtant, c’est l’avenir de notre société les enfants. »
Mais à Mayotte, d’autres problématiques s’ajoutent. « On n’a pas d’alternative à la consultation ambulatoire, on n’a pas d’hôpital de jour, pas de lits d’hospitalisation pour les enfants et adolescents… On [L’ARS] nous avait dit 2025, je pense que ce sera 2026 quand la psychiatrie va déménager en Petite-Terre pour 10 lits d’adolescents prévus », détaille-t-elle. Il sera alors possible d’hospitaliser les jeunes à partir de 13 ans. En attendant les adolescents au CHM sont mélangés aux adultes. Les enfants sont, eux, évasanés hors-territoire, à La Réunion (unité pour enfants et adolescents, Vanille) ou en métropole.
Un CPEAM dans le nord ?
« Et si on ouvre un CMPEA dans le nord et dans le sud, là c’est toute une équipe qu’il faut recruter », s’inquiète celle qui attendait la décision finale de l’ARS rendue de façon officieuse ce mardi lors d’une réunion avec le CHM concernant l’implantation potentielle d’autres CMPEA. Dont, le plus probable, selon nos informations, serait d’abord dans le nord de Grande-Terre dans des locaux du CHM pour des raisons financières et administratives ne permettant pas encore à l’ARS de louer d’autres espaces.
Une fois ces structures obtenues, l’étape suivante sera pour Virginie Boiard de réclamer un hôpital psychiatrique de jour. « On a beaucoup de projets, le problème c’est le fonctionnement », poursuit celle qui aimerait par exemple développer des consultations en groupe de mamans adolescentes (dont grossesses issues de viols) ou encore des consultations transculturelles avec des cadis pour les cas où la médecine « traditionnelle » n’est pas la voie de traitement empruntée pour le patient (À Mayotte, le premier réflexe et parfois le seul peut résider en des prières coraniques pour éloigner les mauvais esprits et calmer les crises délirantes attribuées aux djinns).
Les démarches à effectuer
Pour rentrer au centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA), une fiche de renseignement est à remplir par la famille ou un professionnel dans un premier temps en passant par le secrétariat. Une commission mensuelle d’admission permet ensuite de préparer deux à trois entretiens d’accueil pluridisciplinaires. Ils incluent l’enfant et la famille pour décider du projet de soin personnalisé.
L’équipe propose des séances individuelles : médicales avec la pédopsychiatre, de la psychothérapie avec une psychologue, un suivi infirmier, des consultations avec une psychomotricienne, une orthophoniste, et des éducatrices pour un accompagnement éducatif et social. Elle propose aussi des consultations groupales selon l’âge et la souffrance mentale, et en famille (voire à domicile).
La famille est intégrée dans le parcours car, signale la cheffe de service : « Lui (enfant ou adolescent) peut évoluer mais si la famille continue à avoir le même regard sur lui, ça ne va rien changer ». Seuls les plus de 13 ans peuvent venir non-accompagnés, à condition d’avoir une autorisation signée par leurs représentants légaux.