Cancers du sein et du col de l’utérus : sensibiliser et prévenir à Mayotte pour sauver des vies

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes en France. On peut en guérir, à condition d’être dépistée très tôt. Même son de cloche pour le cancer du col de l’utérus. Il est moins fréquent mais tout aussi dévastateur.  Pour mieux sensibiliser la population, il ne suffit pas de porter un ruban rose pendant un mois. Les initiatives se multiplient, à l’image de l’association Amalca et du réseau de santé Rédéca Mayotte qui luttent pour sensibiliser et prévenir ces deux types de cancer. Mercredi 14 octobre, des professionnels étaient à Koungou pour faire passer des messages qui peuvent sauver des vies.

Entourée de ses amies, vêtue de l’intemporel châle qui couvre le haut de son corps et de son salouva, Kaouthara se rapproche d’un pas nonchalant, du stand installé place de la Poste à Koungou, sous un ciel gris. Il est vrai que le buste en silicone posé sur la table attire le regard et titille la curiosité des passants. C’était l’objectif recherché par le réseau de santé Rédéca Mayotte et l’association Amalca. Les deux organismes ont collaboré et se sont déplacés à Koungou pour faire de la prévention et de la sensibilisation autour du cancer du sein et celui du col de l’utérus.

Les médiateurs présents ce jour-là accueillent le groupe de Kaouthara avec grand enthousiasme. « Venez mesdames, n’ayez pas peur ! Venez discuter avec nous ! » Elles s’approchent en fronçant les sourcils. « Qu’est-ce que c’est ? » demande Kaouthara en désignant la poitrine artificielle. L’une des médiatrices explique l’objet de cette journée de sensibilisation et sans plus attendre, le groupe de femmes passe à la pratique. Kaouthara est la première à se lancer. Elle palpe les seins dans lesquels les professionnels ont volontairement inséré de petites boules similaires aux anomalies qui se trouvent sur un vrai sein malade. Après quelques secondes, la quadragénaire retire ses mains, et son visage s’assombrit. « J’ai senti une boule dans le buste que j’ai palpé. Et bizarrement, quand je touche ma poitrine je sens la même chose. Cela signifie peut-être que j’ai un problème… Je vais donc rapidement voir un médecin », s’inquiète-t-elle.

Jusqu’à présent, Kaouthara n’avait jamais effectué de palpation de sa poitrine. Elle a pourtant rencontré tous types de professionnels de santé, notamment lors de ses grossesses, mais selon elle, aucun n’a évoqué le sujet avec elle. Cette habitante de Koungou n’est pas un cas isolé à Mayotte, bien au contraire. Les associations regrettent le manque de prévention et de sensibilisation auprès de la population, particulièrement auprès des femmes qui ont moins de 50 ans. « Il n’y a pas d’âge minimum. On peut avoir la vingtaine et avoir ce cancer. Un dépistage peut sauver une vie. Plus les femmes sont dépistées tôt, plus les chances de guérison sont élevées », explique Nadjlat Attoumani, présidente de l’association Amalca. Cette ancienne malade a fait du cancer du sein son principal combat. Elle est donc particulièrement motivée à attirer du monde sur son stand, et ça marche.

En l’espace d’une demi-heure, les femmes affluent. Mariame Mahamoud, médiatrice au Rédéca, est quant à elle chargée de diffuser les messages importants sur le cancer du col de l’utérus. À l’aide de son schéma imprimé sur une feuille, elle explique très simplement la maladie. Contrairement au cancer du sein, les femmes sont plus informées sur celui du col de l’utérus. « Quand j’ai accouché de mon dernier enfant, on m’a fait faire le frotti », indique une des mamans présentes. « La plupart des femmes qu’on a vues ont déjà fait leur premier frotti, elles savent déjà un peu ce que c’est. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde », informe Mariame Mahamoud. Elles connaissent la maladie, mais ne s’en préviennent pas assez. Pour rappel, le premier frotti doit être fait à 25 ans, et il est nécessaire de faire le deuxième un an plus tard, puis un rappel tous les trois ans jusqu’à 65 ans. Ce jour-là, pas de consultation médicale, contrairement à ce qui avait été annoncé. Mais la médiatrice du Rédéca établit une liste de noms. Celles qui se sont inscrites pourront effectuer un frotti gratuitement dans 15 jours lorsque l’antenne mobile de Rédéca reviendra dans le village avec une sage-femme.

Les hommes tout aussi concernés

Les femmes ne sont pas les seules à avoir été attirées par le stand installé dans leur quartier à Koungou. À la surprise générale, les hommes sont tout aussi curieux. Ils se dirigent vers la table discrètement. Nourdine, un père de famille d’une cinquantaine d’années, reste en retrait, tapi dans l’ombre. D’un œil curieux, il observe ce que font les femmes postées devant lui. Lorsque les médiateurs lui demandent de s’approcher, il avance d’un pas timide. Les professionnels expliquent la raison de leur présence et incite Nourdine à passer à la pratique. Dans son boubou de prière, il s’attèle consciencieusement à palper le buste artificiel et détecte rapidement la boule placée dans l’un des seins. L’image en fait sourire plus d’un, mais qu’importe, Nourdine prend les choses très au sérieux. « Aujourd’hui, j’ai appris ce qu’est le cancer du sein, et j’ai surtout appris à le détecter. Il est important que les hommes soient aussi informés. Ainsi, nous serons plus vigilants à la santé de nos femmes, nos filles, nos sœurs, etc. » Les plus jeunes sont également au rendez-vous. Mohamed, âgé d’une vingtaine d’années arrive sur place avec l’un de ses amis. Son assurance éclipse la timidité de Nourdine. Sans hésiter, il palpe lui aussi les seins en question, sous les instructions de la présidente de l’association Amalca. « C’est la première fois que je fais ça. Je ne connaissais rien sur le cancer du sein jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, je peux en parler autour de moi pour informer mon entourage parce que ça peut toucher n’importe qui », dit-il. Malgré la pluie qui menace de tomber d’un moment à l’autre, les habitants du quartier place de la Poste à Koungou sont nombreux à venir se renseigner. Les médiateurs n’ont aucun moment de répit, leur mission est donc réussie.

Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.

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