Mieux vaut prévenir que guérir dit-on. Cet adage ne peut pas être plus vrai que pour le cancer du sein et du col de l’utérus. Ce sont des maladies curables, si elles sont détectées assez tôt. Il est même possible de les éviter en ayant une bonne hygiène de vie. Depuis quelques années à Mayotte, les acteurs de la santé ont compris l’importance de la prévention et de la sensibilisation. Dans ce domaine, le Centre régional de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) est très actif. Sa sage-femme, Maria Chevolleau nous prodigue tous les conseils qui peuvent sauver une vie.
Mayotte Hebdo : Quelles sont les missions du Centre régional de coordination des dépistages des cancers ?
Maria Chevolleau : Il y a des CRCDC dans toute la France. Ils sont missionnés par le ministère de la santé pour assurer l’organisation, l’information et la mise en œuvre des programmes de dépistage des cancers du col de l’utérus, du sein et du colorectal. Il doit aussi informer et sensibiliser la population.
MH : Combien de dépistages faites-vous par an ?
M.C : On fait environ 8000 frottis par an, avec des résultats en majorité normaux. On a tout de même 20% qui sont pathologiques. Dans ces cas-là, on les envoie à l’hôpital pour des examens complémentaires.
Par rapport au cancer du sein, nous n’avons pas encore de statistiques car c’est tout récent, c’est depuis l’année dernière.
MH : Quelle est votre méthode de sensibilisation ?
M.C : A notre niveau au CRCDC, on va dans les centres de formations pour les adultes, mais également dans les collèges et lycées afin de faire de la sensibilisation sur les cancers du sein et du col de l’utérus. Et puis les patients peuvent venir consulter dans nos locaux situés à Boboca à Mamoudzou, mais nous avons également un camion itinérant et on sillonne toute l’île avec.
Pour le cancer du sein, on a une population cible, ce sont les femmes âgées entre 50 et 74 ans. On a des médiatrices de santé qui vont sur le terrain pour sensibiliser la population et elles font venir les femmes chez nous. Nous faisons de la prévention avec elles en leur apprenant la palpation à partir de 25 ans. C’est fait par un médecin ou une sage-femme. Mais on peut aussi se palper soi-même. Cela peut se faire tous les ans, plusieurs fois dans l’année. On cherche soit des anomalies dans les seins. Il peut s’agir de boules ou une dépigmentation de la peau. On vérifie s’il n’y a pas de problème autour du mamelon. Parfois la peau à ce niveau peut être verte ou avoir l’apparence d’une peau d’orange alors que c’est normalement lisse. On regarde aussi sous les aisselles pour voir s’il n’y a pas de ganglions. Mais également au niveau des clavicules.
Pour le cancer du col de l’utérus, la prévention se fait beaucoup plus tôt. Normalement on devrait vacciner tous les adolescents filles et garçons entre 11 et 14 ans, deux doses, puis faire un rappel entre 15 et 19 ans. Cela doit se faire avant le premier rapport sexuel. Ce vaccin est très efficace puisque dans certains pays comme l’Australie, il est généralisé à tous les enfants et ils ont quasiment zéro pourcent de cas de cancer de l’utérus. En France cette année, il y a une politique du gouvernement qui consiste à généraliser ce vaccin. Il ne sera pas obligatoire mais fortement conseillé.
MH : Concernant le cancer du sein, la population cible est âgée entre 50 et 74 ans, pourtant il y a des témoignages de femmes qui ont eu cette maladie plus tôt…
M.C : Oui parce qu’il y a plusieurs facteurs qui peuvent causer un cancer. Les facteurs héréditaires, les perturbateurs endocriniens, l’alimentation, le manque d’exercice. Ce sont des cas exceptionnels mais ça existe.
On dit souvent qu’il faut faire l’auto-palpation entre 50 à 74 ans car dans les statistiques mondiales le cancer du sein apparaît généralement à partir de 50 ans. Cependant, on s’est aperçu que dans l’Océan indien et surtout à Mayotte, il apparaît à partir de 40 ans. C’est pour cela qu’on sensibilise beaucoup toute la population.
MH : Quelle est la période la plus propice pour s’auto-palper ?
M.C : Il faut le faire chez une femme qui n’est pas enceinte, qui n’allaite pas et une semaine après les règles. Parce qu’avec une grossesse, l’allaitement ou quand on a ses règles, on a une augmentation de la glande mammaire et ça risque d’affoler tout le monde alors qu’il n’y a rien. Il est important de le faire régulièrement car on peut en guérir s’il est pris en charge à temps. 9 femmes sur 10 guérissent du cancer du sein, si c’est pris en charge très tôt. Et puis il ne faut pas oublier aussi qu’il y a 0,5% des hommes qui ont le cancer du sein.
MH : Êtes-vous confrontés à des difficultés propres à Mayotte ?
M.C : Parfois c’est compliqué de faire un frottis parce que les patientes ne veulent pas, puisque ça concerne la partie intime. Pendant le ramadan, elles disent que ça va casser leur jeûne. Alors nous travaillons avec les cadis, on fait des émissions avec un représentant religieux. Mais c’est vrai qu’on se heurte beaucoup à des croyances, et c‘est compliqué. Cependant grâce à la sensibilisation, les plus jeunes sont plus réceptifs.
Je rappelle que la seule manière de savoir si on a le cancer du col de l’utérus c’est de faire des frottis. De plus, le virus HPV peut mettre 30 ans avant de se développer. Il n’y aucun signe avant, contrairement au cancer du sein où on peut sentir une anomalie. D’où l’importance de faire des frottis à partir de 25 ans jusqu’à 65 ans.