Préservatifs, stérilets, pilules, implants… Les moyens de contraception sont nombreux et variés en France, mais à Mayotte la plupart reste inaccessible à la population cible pour diverses raisons. Une tendance que l’agence régionale de santé souhaite inverser à travers sa nouvelle campagne « Ma contraception, mon choix » destinée aux femmes mais également aux hommes.
9.180. C’est le nombre de naissances enregistrées à Mayotte pour la seule année de 2020. Un chiffre qui reste bien trop élevé en comparaison avec les autres départements de France. Sur l’île, le taux de fécondité s’élève à 4.2 enfants par femme, contre 1.8 en métropole. Vous l’aurez compris, Mayotte préserve son statut de plus grande maternité de France. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce phénomène : environnement, religion, manque d’éducation sexuelle, ou encore l’absence de contraception.
Ce dernier élément est la raison pour laquelle l’agence régionale de santé de Mayotte a renouvelé sa campagne sur la contraception. S’agissant d’un enjeu majeur pour mieux réguler la démographie du territoire, l’autorité sanitaire mobilise tous ses moyens pour démocratiser un peu plus le sujet. « L’idée pour nous est de mettre la contraception en avant, que l’on puisse en discuter dans la société. Le but n’est pas de dire aux femmes combien d’enfants elles doivent avoir, mais plutôt de faire en sorte pour que les grossesses se fassent dans de meilleures conditions », indique Solenne Augier, chargée de mission santé sexuelle et reproductive à l’ARS. Pour cela, l’institution doit collaborer avec différents partenaires, tels que l’Éducation nationale, les associations et les communes.
Le travail commence dès l’école où les jeunes scolarisés sont sensibilisés à l’éducation sexuelle. « Il y a des interventions d’associations en milieu scolaire tournées autour de la sexualité au sens large. On leur parle de contraception, mais également de violences sexuelles, de consentement, etc. », poursuit-elle. Mais l’éducation sexuelle doit aussi se faire auprès des adultes qui ont plus de mal à libérer la parole. Pour y remédier, les associations, l’ARS et le réseau périnatal de Mayotte se déplacent dans les villages pour faire passer le message auprès des femmes et les hommes.
Pérenniser les actions
La mobilisation de l’ARS ne se résume pas à la semaine de la contraception (du 20 au 30 septembre). Elle a pour ambition de s’inscrire sur le long terme et vise plusieurs objectifs. « On veut faire évoluer les représentations sur le fait de devenir parents, informer sur les différents moyens de contraception et faciliter leur accessibilité. Nous devons aussi mieux faire connaître les lieux où on peut s’en procurer », détaille Solenne Augier. Le travail est colossal, mais nécessaire. Il est possible d’aller demander sa contraception à la protection maternelle et infantile (PMI), auprès d’une sage-femme ou dans les centres de planning familial. Mais il n’est pas évident pour une jeune fille ou une femme de s’y rendre sans avoir peur d’être jugée… Alors l’ARS essaye de multiplier les lieux où chacune peut aller sans crainte.
Ces actions sont primordiales puisque les chiffres sur les interventions volontaires de grossesse sont alarmants. Pas moins de 10% des femmes de l’île aux parfums y ont déjà eu recours. « On essaye de travailler là-dessus. Plutôt que de faire des IVG à répétition, il vaut mieux avoir recours à un moyen de contraception », rappelle la chargée de mission santé sexuelle et reproductive à l’ARS.
Briser les tabous
En 2021, dans le 101ème département français, la question de la contraception est encore taboue. Selon l’ARS, 40% des 18-44 ans ne prennent pas de contraceptifs à Mayotte et 33% des femmes qui ne veulent pas avoir d’enfant n’utilise pas non plus de contraception. Le contexte social et religieux peut justifier ces chiffres. « Les jeunes filles sont censées garder la virginité jusqu’au mariage, ce qui fait qu’elles n’osent pas avoir recours à la contraception », soutient Solenne Augier. Et même lorsqu’elles sont mariées, la pression continue. « Il y a encore des femmes qui nous disent qu’il faut qu’elles se cachent car leurs maris refusent qu’elles utilisent un moyen de contraception », continue la professionnelle.
Alors l’équipe de l’ARS et les professionnels de santé travaillent pour trouver des moyens de contraception qui ne sont pas visibles. « Il y a par exemple le dispositif intra-utérin, ou l’implant que l’on pourrait mettre ailleurs que sur le bras pour ne pas le sentir », précise encore Solenne Augier. Mais se cacher est-elle la meilleure solution ? Vraisemblablement pas ! La sensibilisation auprès des hommes est toute aussi importante puisqu’ils sont aussi concernés. 7% des pères déclarent avoir eu un enfant alors qu’ils étaient mineurs. La contraception n’est donc pas qu’une question de femme.