Dimanche 13 juin, une quarantaine de professionnels de santé de Mayotte ont cosigné une lettre ouverte à destination des candidats des élections cantonales 2021 afin de les alerter sur le contexte sanitaire de l’île.
Interpeller les autorités sur la situation sanitaire, voilà l’objectif de la lettre ouverte signée par une quarantaine de soignants aux quatre coins de l’île. En période de crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, les soignants s’interrogent quant à la prise en charge et au traitement des autres pathologies sur l’île aux parfums. “Alors que tous les efforts sont exclusivement concentrés sur la vaccination anti-covid, (…) qui s’occupe de la Santé, avec un grand S ?”, écrivent les professionnels.
Un problème généralisé dans le domaine de la santé
Car les dysfonctionnements dans le domaine médical sont légions, s’inquiète ainsi l’un des cosignataire du courrier. “Ce que nous pointons du doigt c’est un ensemble de choses. Ce qu’il est important de relever c’est la problématique générale à laquelle nous sommes confrontés dans le domaine du soin à Mayotte. Les soignants ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Ils ne portent aucune accusation dans cette lettre, ils espèrent simplement pouvoir être entendus”, précise-t-il.
Comme exposé dans la lettre, le désert médical “se creuse” à Mayotte. Les spécialistes quittent le territoire et peinent à être remplacés. Les services publics sont saturés et beaucoup rencontrent de graves difficultés de fonctionnement. Les travailleurs libéraux, quant à eux, n’ont pas la capacité de pallier les manques de moyens des hôpitaux et constatent une dégradation de certains patients souffrants de pathologies chroniques, faute de suivi. Par ailleurs, l’accès aux soins en dehors du territoire mahorais pose également problème car “entravé par les motifs impérieux et l’obligation vaccinale anti-covid, mesures profondément discriminatoires imposées à la population de Mayotte”.
Les maladies psychiatriques grandes oubliées du territoire
Pire encore, la psychiatrie est au bord du gouffre. “Les candidats évoquent souvent la santé de manière générale mais quid de la santé mentale des Mahorais ?”, interpelle Ismaël El Habib, infirmier libéral et vice-président de l’Urps (union régionale des professionnels de santé) océan Indien. “Avec le départ des psychiatres du CMP (centre médico-psychologique, ndrl), ce sont des milliers de patients qui vont se retrouver sans suivi. Le problème est non seulement sanitaire mais aussi sécuritaire car ces malades sont très instables. En tant que soignants, nous dialoguons au quotidien avec les médecins pour réajuster les traitements. Sans eux, nous ne pouvons rien faire. Notre rôle est de constater et d’apporter des soins, mais nous ne pouvons pas diagnostiquer ou encore moins prendre la responsabilité de modifier les traitements”, poursuit le soignant.
Un avis partagé par Allaoui Saindou, lui aussi infirmier libéral et président du SNIIL (syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux). “Il est primordial que l’unité de psychiatrie soit rouverte afin que les patients puissent bénéficier d’une prise en charge adaptée. Dans le cabinet infirmier où je travaille, nous accueillons des patients de psychiatrie depuis toujours mais aujourd’hui, nous sommes très inquiets quant à leur suivi. Nous espérons que cette lettre permettra d’alerter les autorités compétentes et que celles-ci prennent connaissance de la situation.”
Une bouteille lancée à la mer
Le contexte n’est d’ailleurs pas anodin, en pleine période de campagne électorale et alors que les élections départementales approchent à vitesse grand V. Par le biais de cette lettre ouverte, les soignants souhaitent aujourd’hui une réponse des instances de santé et une prise en considération des élus. “Nous vous prions, chères candidates, chers candidats, de prêter oreille aux maux et aux besoins de santé des Mahorais, tafadali, car si nous ne réagissons pas rapidement, notre île court à la catastrophe sanitaire réelle.” Un appel au débat et à la réflexion afin de penser ensemble le système de santé mahorais de demain.