Depuis la semaine dernière, l’internat du lycée de Tsararano a rouvert ses portes. Non pas pour préparer une éventuelle rentrée scolaire le 11 mai, mais pour accueillir des patients atteints du Coronavirus qui ne peuvent s’isoler chez eux et protéger leur entourage. Pour l’heure, le centre d’hébergement compte quatre hôtes et pourrait en recevoir 80.
Bureau du CPE transformé en quartier général des infirmières, masques sur les visages et gel hydroalcoolique sur les tables… Seule la sonnerie du lycée qui continue à retentir vient rappeler que c’est bien dans un établissement scolaire que le centre d’hébergement social est venu s’installer. Et remplacer ainsi les 110 élèves que comptait encore l’internat avant les dernières vacances par des patients atteints du Coronavirus. Au nombre de quatre, ce mardi. De quoi expliquer le pesant silence qui s’installe dans les couloirs quand le tocsin scolaire se tait.
“Nous avons misé sur une capacité de 80 places pour ne pas mettre plus de deux personnes dans les chambres, bien respecter les gestes barrières et de distanciation sociale, etc.”, explique Mathilde Hangard, responsable de la planification de crise sanitaire liée au Covid à l’ARS. “L’idée était que ces centres puissent permettre un isolement de la personne lorsque cet isolement n’est pas possible à domicile pour différentes raisons. Pour l’instant, nous avons privilégié cette stratégie même si dans un futur proche d’autres solutions seront peut-être à envisager. Lorsque l’on a visité l’internat, on a eu un bon échange avec le personnel et on s’est dit que le lieu correspondait bien à nos besoins”, poursuit-elle en arpentant des locaux propres comme un sou neuf. Il faut dire que les équipes de nettoyage passent deux fois par jour dans un protocole des plus strict. Deux fois aussi, pour les infirmières et une visite médicale pour chaque patient. En tout, ils sont une quinzaine à intervenir quotidiennement et pour diverses tâches dans le centre.
Pallier l’ennui des journées confinées
De quoi rythmer la vie des hôtes, même s’“il y a forcément un peu d’ennui, car ce sont des personnes qui ont tellement l’habitude de vivre avec leur famille, en collectivité qu’ici c’est forcément un peu plus compliqué, car c’est une tout autre dynamique, il n’y a que quatre patients”, confie une responsable de la Croix-Rouge qui déploie deux travailleurs sociaux – des éducateurs — dans le centre. Petit à petit, les professionnels s’adaptent pour répondre au mieux aux besoins des personnes hébergées et tenter de rendre leur séjour, qui rime avec séparation, moins douloureux. Entre les repas, des jeux de société, des projections de films, des temps de parole sont ou seront ainsi organisés pour pallier l’ennui des journées confinées.
Rappelons que cette mise à l’écart “se fait sur la base du volontariat”, comme le souligne Mathilde Hangard. “On a préféré pour des raisons sanitaires ne mettre que des patients qui ont été testés positivement. Lorsqu’un patient suspect se présente dans un centre de référence, il est diagnostiqué et ce n’est qu’après, si le test est positif que les équipes sociales du CHM entrent en jeu pour vérifier si la personne a les conditions pour s’isoler à domicile ou non. Et si ce n’est pas le cas, lui proposer un hébergement en centre. Si celle-ci est d’accord sur le principe, elle vient visiter le centre et est accueillie par des travailleurs sociaux de la Croix-Rouge et une infirmière qui ont un entretien avec la personne afin de vérifier que celle-ci est bien d’accord pour rester ici jusqu’à la disparition des symptômes. On lui explique comment se déroule la vie au centre, la prise des repas, etc. À partir de là, le choix définitif se fait”, déroule la représentante de l’agence régionale de santé.
Dispositif novateur
Un choix qui peut, au-delà des conditions de vie, être guidé par un aspect plus social de la santé. “Il y a aussi à Mayotte toute la problématique de l’acceptation de la maladie, qui n’est pas forcément évidente, on ne connait pas cette maladie, elle fait donc forcément peur et des personnes peuvent se retrouver stigmatisées. Donc pour se protéger socialement elles comme leur entourage, préféreront venir se mettre à l’abri ici”, estime encore Mathilde Hangard.
Dans le centre, si la stigmatisation est évidemment proscrite, les barrières sont quant à elles bien matérialisées. Vert ou orange, chaque couloir, chaque secteur est identifié en fonction de son public. En secteur orange, donc, les équipements de protection sont de rigueur quand en zone verte, les infirmières peuvent tirer leurs masques pour discuter entre elles. Après une petite semaine d’ouverture, les mouvements commencent à se rôder, la vie du centre se fluidifie peu à peu. Tout comme la communication entre les différents partenaires. “C’est aussi un dispositif qui est lourd au niveau institutionnel et qui pour chaque petite question demande souvent que le lien soit fait entre différentes personnes. C’est quelque chose qui est nécessairement un peu compliqué au départ, mais qui devient plus naturel au fur et à mesure”, avoue la responsable de planification à l’ARS, plaidant toutefois que “c’est normal, c’est tout nouveau, c’est une première”. Une première, qui on l’espère, n’aura pas vocation à se multiplier.
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