Chaque fin d’année, le rituel est le même. Chacun jette un œil derrière son épaule, pour regarder le chemin parcouru, les résolutions tenues. Pourtant, cette année, ce chemin n’a ressemblé à aucun autre. Nos résolutions ? Le confinement les a souvent mises à mal. Nos projets ? Reportés pour raisons sanitaires. Alors une dernière fois, regardons les événements qui, depuis presque 365 jours, ont marqué nos vies. Et demandons-nous comment chacun, à son échelle, peut faire de 2021 une année meilleure.
Janvier : Nouvelle année, nouveau départ
Les institutions aussi ont tenu leurs bonnes résolutions. 21 ans après sa création, le vice-rectorat devient, au 1er janvier, un rectorat de plein exercice. Désormais, l’académie ne dépend plus de celle de La Réunion et est habilitée à prendre seule les décisions qui concernent l’éducation sur le sol mahorais, comme demandé depuis plusieurs années par les syndicats d’enseignants. L’État s’engage alors à mobiliser un demi-milliard d’euros pour la construction de neuf nouveaux collèges et quatre lycées supplémentaires, pour un total de 800 classes construites ou rénovées pour 2022, ce qui devrait à terme marquer la fin du système de rotation scolaire. La transformation de Mayotte en région académique signe également l’ouverture de formations supplémentaires dans le primaire, le secondaire et même au sein du CUFR.
Dans le même temps, les services de police connaissent une profonde restructuration. Les services de la police judiciaire, de la police aux frontières, de la sécurité publique, le renseignement, le recrutement et la formation fusionnent pour mutualiser leurs hommes et leurs moyens, la direction territoriale de la police nationale est née à Mayotte, mais aussi en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, sorte de territoires “pilotes”. Dans le 101ème département, la direction de cette nouvelle structure est confiée à Jean-Marie Cavier, épaulé par deux autres commissaires, à savoir le chef de la PAF et celui de la sécurité publique.
Dès la fin du mois, l’ARS, elle aussi devenue autonome au 1er janvier, adresse ses recommandations aux personnes voyageant à destination ou en provenance de la Chine, où depuis plusieurs semaines déjà, un mystérieux virus sévit. Alors que le Covid y a tué moins de dix personnes, les voyages ne sont encore soumis à aucune restriction, le risque de contamination à Mayotte étant à ce stade, jugé faible, mais pas totalement exclu.
Février : Après la fête, la défaite
Le 1er février, Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé arrive à Mayotte, et y amène une enveloppe de 360.000 euros pour la protection maternelle et infantile. Une bonne nouvelle, très vite chassée par de sombres faits divers. Le 7 février, un enfant d’une douzaine d’années trouve la mort, noyé, dans la retenue collinaire de Combani. Quatre jours plus tard, un garçon de neuf ans se noie à son tour dans le plan d’eau qui jouxte le remblai de M’tsapéré. Dans les deux cas, les bambins étaient venus profiter d’un bain avec leur bande de copains, et sans adulte, avant de se retrouver piégés par les eaux.
S’agissant de la sécurité publique, les nouvelles ne sont pas plus réjouissantes. Arès une accalmie relative, les lycées de Tsararano et de Kahani connaissent une recrudescence des intrusions de bandes armées dans leurs enceintes, pendant que le chemin vers l’école s’avère être de plus en plus dangereux à Kawéni, vols et agressions d’élèves s’y multipliant. En réaction, les enseignants du second degré décident d’organiser une journée île morte le 12 février. Près de la moitié des collèges et lycées sont alors fermés. Après une réunion organisée en urgence entre les différents acteurs institutionnels, le préfet annonce une poignée de nouvelles mesures, concernant notamment les transports scolaires, afin de sécuriser les élèves. Pourtant, dès la semaine suivante, Tsoundzou devient le théâtre d’un déferlement de violences. Au matin du 18 février, des élèves érigent un barrage pour réclamer des bus scolaires. La manifestation dégénère, les forces de l’ordre interviennent. Quatre policiers et un gendarme sont blessés dans les heurts. Quelques heures plus tard, une personne sera interpellée.
Le summum de la violence sera atteint le 24 février. Quelques heures plus tôt, à Kawéni, un policier abattait un homme d’une trentaine d’années, alors qu’il frappait à coup de matraques un autre homme. D’après les premiers éléments de l’enquête, l’agresseur aurait continué de frapper sa victime même après plusieurs sommations de la patrouille de la BAC qui venait de s’interposer. L’un des policiers décide alors de faire usage de son arme, touche l’homme à l’abdomen. Transporté à l’hôpital, il ne survivra pas et décédera le jour même.
Immédiatement, des barrages sont érigés à Kawéni. Les automobilistes sont agressés, et rapidement, des bandes saccages les commerces environnants. Après plusieurs heures d’intervention, les forces de l’ordre parviennent à disperser la plupart des émeutiers, mais d’autres attroupements seront observés tout au long de la nuit. Une dizaine de personnes seront interpellées.
Mars : Un parfum de Covid
Alors que la bataille des municipales fait rage, le Covid menace de plus en plus la santé publique en France. Pourtant à Mayotte, c’est d’abord l’épidémie de dengue qui inquiète et touche désormais l’ensemble de l’île. Depuis le début de l’année, plus de 2.000 cas ont été recensés, pour 175 hospitalisations et cinq décès. Mais sur l’île intense, les premiers cas de Coronavirus sont recensés, faisant craindre son arrivée proche à Mayotte. Mais sur une île où une large partie de la population n’a pas accès à l’eau courante, le respect des gestes barrières posent question. En réaction, l’ARS fait installer plusieurs rampes d’eau, accessibles à tous, gratuitement.
Le 14 mars, le premier cas insulaire est recensé. Il s’agit d’une personne ayant séjourné dans l’Oise avant de rejoindre le territoire, et qui ne présente aucun signe de gravité. Deux autres cas sont identifiés jusqu’au 17 mars, jour où l’île, à l’instar du territoire national, entre en confinement, un jour après la fermeture des écoles, ordonnée par le préfet, et celle des bars, des restaurants, et de tous les commerces considérés comme non essentiels. Dès le lendemain, les premières mesures sanitaires sont déployées à l’aéroport. 10 jours plus tard, le trafic aérien est interrompu, alors que Mayotte vient de franchir la barre des 50 cas. Le 30 mars, un premier décès est enregistré. Les distributions de bons alimentaires à destination des plus démunis s’organisent, et occasionnent parfois des scènes de cohue.
Parallèlement, le premier tour des élections municipales se tient le 15 mars, dans des conditions aménagées pour faire respecter les gestes barrières. Mayotte se hisse même en tête des scores nationaux de participation. Avec 55% des voies, Saïd Omar Oili, maire sortant de Dzaoudzi-Labattoir, est le seul candidat à être élu dès le premier tour. Alors que le second tour était initialement prévu pour la fin du mois, le gouvernement annonce son report en juin.
Avril : L’épidémie sévit
Mayotte continue de vivre au rythme du confinement. Le 1er avril, l’île enregistre 100 cas de Covid-19. Le 8, un nouveau décès est annoncé. Déjà les premières difficultés se font sentir par le monde économique, pendant que quelques commerces subissent une recrudescence des cambriolages. Premières denrées volées : les produits alimentaires.
Le 4 avril, le porte-hélicoptère Mistral et des dizaines de militaires débarquent à Mamoudzou dans le cadre de l’opération Résilience, avant de reprendre la mer pour La Réunion, pour y récupérer plusieurs centaines de fret à acheminer jusqu’à Mayotte. Un pont aérien est rapidement mis en place pour approvisionner l’ile en matériel médical ou de prévention, produits pharmaceutiques ou sanguins, ainsi qu’en denrées alimentaires. À la fin avril, 354 cas de Covid-19 étaient confirmés, pour 21 hospitalisations, dont quatre en réanimation, et quatre décès.
Alors que partout dans le monde, les bénéfices du confinement sur la nature offrent des perspectives enfin réjouissantes, Mayotte elle, nage à contre-courant. Sous l’effet de l’arrêt des patrouilles sur les plages, les associations environnementales dénoncent une recrudescence des braconnages de tortues. Fin avril, deux braconniers sont interpellés sur la barge alors qu’ils transportent de la viande de tortue fraîche. Ils avouent rapidement avoir abattu plusieurs animaux depuis le confinement. Jugés en comparution immédiate, ils seront toutefois relaxés pour vice de procédure, avant d’être condamnés trois mois plus tard à deux ans de prison ferme en appel. Mais ayant probablement quitté le territoire entre leurs deux procès, ils sont à ce jour introuvables.
La fin du mois est aussi marquée par le début du ramadan. Mais cette année, pas question de se rendre dans les mosquées, fermées pour raisons sanitaires. Comme chaque année, en revanche, le mois Saint a occasionné nombre de mourengués, dont certains ont fini en affrontements.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.