Alors que trois communes, Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, viennent d’être reconfinées à cause de la hausse inquiétante des cas de Covid-19 dans leur population, le reste du département vit toujours sous la règle du couvre-feu, instaurée par la préfecture le 21 janvier. Une semaine après la mise en place de cette nouvelle mesure, le message semble être passé. Reportage avec la police municipale de Mamoudzou.
19h53, flexion de genou numéro 1. Accroché d’une main au panneau “Cédez le passage”, l’agent de police municipale qui attend les voitures en provenance de Mamoudzou centre fait le flamand rose. De quoi reposer son pied droit. Puis le gauche. Bientôt deux heures que le couperet est tombé, et aucune lueur de phare ne traverse en cet instant l’obscurité de cette portion de route.
Cela fait déjà une semaine, et l’instauration du couvre-feu le 21 janvier, qu’Anfane M’Godo, le directeur de la prévention et de la sécurité urbaine par intérim de la police municipale de Mamoudzou, et sa brigade de nuit surveillent le rond-point SFR, en lien avec les équipes de la police nationale. “À priori, nous savons qu’ils sont postés au rond-point de la barge, donc les automobilistes qui arrivent de ce côté ont déjà été contrôlés”, explique le chef pour justifier la répartition de ses gars, en bas de la côte Sogea. Une coordination rendue possible par le pacte de sécurité signé en octobre 2020 entre la mairie et la préfecture, précise quant à lui Malidi Mlimi Saïd, l’élu chargé de la sécurité à la commune chef-lieu, venu faire son troisième check-up du dispositif.
37 agents à faire tourner pendant 24h
Campés devant la boutique SFR, ce sont donc six à sept agents de la police municipale qui sont mobilisés sur ce poste fixe, de 18h à 2h du matin, avant d’être relayés par la police nationale pour la fin du couvre-feu. Une nouvelle note de service est toutefois venue réajuster le dispositif mercredi soir. À compter de ce jeudi, la bande doit garder les yeux ouverts jusqu’à 4h du matin, afin de “dégager les équipes qui devaient nous remplacer pour leur permettre de faire des rondes dans les villages”, poursuit Anfane M’Godo. Roulement et temps de travail obligent, le chef de la police envisage donc de réduire sa patrouille nocturne à quatre hommes, pour ne pas se retrouver en sous-effectifs pendant le reste de la journée. Entre les formations des uns et les congés des autres, difficile d’avoir la totalité de ses 37 agents sur le pont matin, midi, soir et nuit…Surtout qu’au rond-point, la consigne du couvre-feu a plutôt bien imprégné les esprits.
350 contraventions
Mais il n’en est pas forcément de même dans les hauteurs reculées de Kawéni. “Là-bas, il faut sans doute retravailler un peu le dispositif, car il y a encore des jeunes qui ne respectent pas la consigne”, fait valoir Malidi Mlimi Saïd. Comme pour lui donner raison, trois ou quatre adolescents un brin oisifs balancent leurs guiboles sur un muret à une dizaine de mètres de là. Mise à part cette petite troupe, ceux qui font vrombir leurs moteurs devant les agents de police semblent avoir une bonne raison d’être là, pour la plupart. “Au tout début, nous avons eu quelques contraventions, parfois jusqu’à une dizaine par nuit”, retrace Anfane M’Godo. Désormais, entre la valse des camions Colas et SMTPC, les pompiers et les livreurs en scooter, rares sont les badauds qui s’aventurent dans la nuit sans leur précieuse attestation. Les 40 fonctionnaires de police mobilisés pour faire appliquer la nouvelle restriction – et au moins autant chez les gendarmes – y sont sans doute un peu pour quelque chose. Bilan des courses, à J+7 : plus de 4.000 véhicules sont passés sous la lampe-torche, pour un résultat de 350 contraventions. Soit, à 135 euros l’amende, un joli pactole de 47.250 euros, qui devrait a priori être rétrocédé à la collectivité et aux communes.
Perdus dans les attestations
Mais la jauge baisse. Ce jeudi soir au rond-point SFR, les habitués défilent, prévoyants pour la plupart. Comme cet homme qui colle automatiquement sa pochette plastifiée toute préparée à la vitre, l’autre main sur le volant de sa petite Clio, presque sans un regard. Ou cette équipe de boulangers, qui passe visiblement tous les soirs. “Eh, vous nous faites du bon pain !”, hèle l’un des fonctionnaires de Mamoudzou, sans prendre la peine de passer la tête par la vitre baissée. Un ou deux chanceux parviennent quant à eux à passer entre les mailles du filet. “Ça c’est l’attestation du confinement, là on vous contrôle pour le couvre-feu…”, tente d’expliquer le policier, pédagogue. L’histoire ne dit pas si le document présenté par le fautif venait de Bouéni, aujourd’hui reconfinée, ou du premier confinement de 2020… Outre ces quelques surprises, le temps passe lentement pour la patrouille. “Avec ce travail de nuit, ma femme me dit qu’on ne se voit plus !”, soupire l’un. “C’est vrai que c’est long. Mais bon, il faut qu’on soit là”, renchérit l’autre. Bon élève.