Anchya Bamana : « L’aide sociale à Mayotte ne doit oublier personne, c’est notre priorité »

Maire de Sada mais aussi présidente de l’union départementale des centres communaux d’action sociale (CCAS), Anchya Bamana témoigne des difficultés d’assurer la continuité des droits des administrés tout au long de la crise sanitaire. Et après les premiers couacs de la distribution alimentaire, l’élue de la collectivité appelle tous ses homologues à l’unité et à plus de coordination.

Flash Infos : Comment expliquer que les distributions alimentaires, notamment gérées par les CCAS, ont parfois donné lieu à des attroupements, allant à l’encontre de la distanciation sociale ?

Anchya Bamana : Les acteurs ont du mal à se coordonner, je n’ai pas peur de le dire. On est en train de gérer une crise, certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous organiser pour répondre aux besoins de la population. Nous avons toujours plaidé le dialogue, pour que tous les élus s’associent à ce projet dans le respect du confinement et des gestes barrières sans empêcher les services de fonctionner, et on y arrive petit à petit. Depuis le début de la semaine, les choses commencent à se délier dans la distribution et l’organisation sur le terrain. On ne peut en aucun cas se permettre de créer des rassemblements, d’autant plus à l’approche du mois de ramadan. Ce n’est pas simple du tout, et c’est pourquoi nous devons tous nous unir.

F.I : Concrètement, comment agir, alors que certains élus en lice pour les municipales sont accusés d’instrumentaliser la crise sanitaire à des fins électorales ?

A.B : L’aide sociale ne doit oublier personne, c’est notre priorité. Personne ne doit tirer la couverture de son côté. Les maires, la collectivité et l’État doivent assurer la continuité pour qu’il n’y ait pas de rupture des droits, pour personne. Par exemple, le gouvernement a envoyé cette semaine plus de moyens, comme des chèques-services, et il a aussi appelé les associations à participer aux distributions. Dès lors, j’ai dit au sous-préfet que nous, élus, nous devions absolument être au courant de l’arrivée de ces nouveaux moyens dans nos communes pour, encore une fois, mieux se coordonner et surtout éviter les doublons entre les différentes aides de l’État, celles des communes et celles du département. Car s’il y a des doublons, nous risquons d’oublier d’autres publics dans le besoin.

F.I : Justement, les CCAS ne sont, en temps normal, pas autant mobilisés par la distribution alimentaire. Qu’en est-il des autres publics vulnérables que vous suivez habituellement ?

A.B : En effet, nous avons différents types de bénéficiaires, et tous ne vivent pas nécessairement dans les bidonvilles mais peuvent quand même vivre dans une grande précarité. Chaque CCAS a une liste de personnes vulnérables parmi lesquelles il y a des familles monoparentales, des personnes âgées ou handicapées, des bénéficiaires du RSA, etc. L’enjeu est de pouvoir aider tout le monde. Tous les CCAS ont une autonomie de gestion et d’action donc tous ne fonctionnent pas de la même façon. Mais à Sada, nous avons ouvert deux numéros de permanence pour que nos services continuent à fonctionner. Une assistance sociale appelle régulièrement les familles et les personnes que nous suivons habituellement. Elle s’assure notamment que les personnes âgées ou handicapées ont tous les médicaments nécessaires à leur traitement.

F.I : Les CCAS de Mayotte disposent-ils de suffisamment de moyens pour aider tous les publics fragiles et fragilisés par la crise sanitaire ?

A.B : Non, les moyens ne suffiront pas. C’est pourquoi j’ai lancé un appel pour que les élus de

Mayotte se réunissent pour faire remonter ensemble les difficultés financières que l’on peut rencontrer et il y en a forcément. Le budget que nous déployons pour la gestion de cette crise, nous ne l’avions pas prévu au départ, donc il est tout à fait naturel que les collectivités, au même titre que les entreprises, touchent des aides. Or, nous devons remonter cette demande au niveau de la préfecture et de nos partenaires car les collectivités doivent être accompagnées dans cette démarche. Mais les élus doivent se mobiliser ensemble, sinon le manque de dialogue risque de nous compliquer la tâche. C’est pourquoi nous faisons un point avec le préfet chaque semaine. Nous avons demandé à l’État de l’aide pour équiper nos agents de terrain et là-dessus, je tiens à remercier l’agence régionale de santé qui en a fourni des masques pour chacun d’entre eux.

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