Un accord a été trouvé entre l’intersyndicale et le conseil départemental de Mayotte, ce lundi soir. Les syndicalistes font état de « deux avancées significatives » (voir encadré) et doivent désormais faire valider l’accord auprès de leur base, mardi matin. La journée de lundi s’annonçait pourtant difficile avec le blocage total des traversées entre Grande-Terre et Petite-Terre. Reportage.
Le bras de fer engagé depuis une semaine par l’intersyndicale (FO, CFDT, CGTMa) des agents départementaux s’est poursuivi, ce lundi, avant qu’un accord ne soit tombé en fin de journée (voir encadré). La journée avait pourtant mal commencé pour le Département de Mayotte avec l’entrée dans la danse du personnel navigant de la DTM (direction des transports maritimes (DTM, ex-STM) venu prêter main-forte aux grévistes. Un ralliement qui était annoncé depuis plusieurs jours et n’a pris personne de court malgré l’immense désagrément causé aux usagers des barges, à Dzaoudzi comme à Mamoudzou. Aucune des barges n’a circulé depuis le lever du jour, à l’exception des urgences médicales. C’est dans ce climat d’indifférence générale et sous un soleil de plomb que des centaines d’usagers (hommes, femmes, enfants, personnes âgées) se sont entassés toute la journée dans la zone d’attente des gares maritimes de Petite et Grande-Terre dans l’espoir d’un hypothétique assouplissement du mouvement.
Des bateaux-taxis à dix euros
Toutefois, les agents de la DTM se sont montrés des plus intransigeants. Pour les personnes arrivées par avion en provenance de métropole, de La Réunion, de Madagascar comme pour celles arrivées par bateaux depuis les Comores, les colliers de fleurs odorantes ont fini par se faner sous l’effet d’une chaleur caniculaire et dégager des effluves nauséabonds. « Tout part en c******* dans cette île. Les petites gens comme les dirigeants sont tous malades, incapables du moindre discernement. Ils se veulent tous jusqu’au-boutistes même lorsque cela vire au ridicule », observe Absoir Abdoul Kadher, un entrepreneur de la place qui craint les conséquences de ce nouveau conflit social qui risque de durer. Certains se sont résolus à trouver un sommeil réparateur et bienfaisant, allongés sur les bancs « abris-bangas » de la gare maritime. D’autres, très nombreux, sans doute mieux préparer à faire face à cette interruption programmée des rotations des barges ont choisi de recourir au système D, en empruntant les vedettes des opérateurs touristiques du lagon, à raison de dix euros par personne et par bagage, tout supplément étant surfacturé cinq euros.
Pour cela, il fallait s’armer de patience et en file indienne tant l’offre a été largement en dessous de la demande. Ali Madi, maestro de la chanson traditionnelle mahoraise, tente de rejoindre M’bouanatsa dans le sud où il doit se reposer quelques jours pour sa convalescense. Avec sa petite valise à la main, il n’a pas assez d’énergie pour aller griller au soleil dans la longue file indienne des candidats aux bateaux-taxis à quinze euros la traversée par personne. Il interroge : « pourquoi les responsables du Département et des services de l’État, n’ont pas su anticiper cette situation catastrophique pourtant annoncée ? Ce pays ressemble à un bateau sans gouvernail, c’est impensable en 2024, avec nos anciens élus, rien de tout cela ne se serait produit de cette manière. On nage dans l’infantilisme totale. Regardez ces enfants au bras de leurs mères sous le soleil après une nuit de voyage par avion. Personne pour leur offrir une simple petite bouteille pour atténuer leur calvaire. Ça couterait quoi aux uns et aux autres de prévoir un service minimum pour de ces personnes en détresse ? » Un huissier de justice vient le rejoindre et se propose de l’aider pour atteindre la vedette qui pourrait lui faire traverser le bras de mer qui sépare Dzaoudzi de Mamoudzou. Une main samaritaine que l’on ne saurait refuser en pareilles circonstances.
A l’entrée de l’embarcadère, les agents en grève installent des barrières métalliques pour remplacer l’habituelle barrière à roulement, décorées pour l’occasion du tissu aux couleurs bigarrées, à l’effigie de Zena Mdéré, et hisser les couleurs rouges et blancs du syndicat Force ouvrière (FO). « Nos élus préfèrent aller sabler le champagne et manger les petits fours à la Technopôle de Dembéni plutôt que d’ouvrir des négociations avec nous dans l’intérêt de tous. Ça en dit long sur leurs véritables intentions », rétorque un employé exacerbé par la colère et les multiples commentaires des usagers privés de barges. « Le pays est bloqué, mais ce n’est pas urgent pour nos responsables élus. Couper un ruban tricolore prime sur le bon fonctionnement du territoire renvoyé à des échanges à 14 heures seulement », s’est-il plu à rajouter.
Ces derniers toutefois ont été bénéfiques puisqu’un accord a été trouvé à l’issue.
« Deux avancées significatives »
Trouver une issue satisfaisante entre l’exécutif du département de Mayotte et ses agents en grève n’était pas gagné, les élus s’appuyant sur les observations de la Chambre régionale des comptes pour légitimer leurs exigences quant à la réalisation effective d’heures de travail dues et déjà payés, à savoir 1.607 heures par an. Au cours de la commission permanente du 11 octobre, il a été voté par les élus du conseil départemental de Mayotte un allongement de 19 minutes par jour du temps de travail des agents, en vue de garder quatre jours correspondant aux fêtes musulmanes. Ce lundi, en marge de l’inauguration de la Technopôle, Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental, se disait flexible sur ce point. En revanche, il reconnaissait que la marge de manœuvre sur les rémunérations ou l’augmentation du tarif des tickets-restaurant. Lors de la signature des contrats d’engagement avec l’État en décembre 2023, sa collectivité a promis de limiter l’augmentation de ses charges. Au cours de ce lundi après-midi, il était lui-même à la table des négociations qui auraient abouti sur « deux avancées significatives » sur les différents points de revendications présentées durant la grève. Une validation est attendue ce mardi matin, mais les syndicats estiment avoir obtenu un bon accord sur la question des heures de travail à rattraper et pour ce qui concerne les salaires.
Journaliste politique & économique