Compositrice et vidéaste, l’une des pionnières de l’art multimédia en France, Christine Coulange est directrice artistique du groupe Sisygambis. Son court métrage de 6 minutes, « Peuples de l’océan Indien », ainsi que sa vidéo de présentation du port de Longoni, ont été projetés samedi dernier lors de l’inauguration de la deuxième exposition de configuration du Muma. Zoom sur le travail d’une artiste originale qui a décidé d’intégrer Mayotte à ses projets.
Au cours de longs voyages en Europe, en Asie et en Afrique, Christine Coulange du groupe Sisygambis a capté les rituels, les fêtes saisonnières, les rassemblements religieux, mais aussi les marchés, les actes quotidiens, les rencontres humaines, qui donnent à sa démarche artistique tout son sens humaniste. Ce vaste travail aboutit, en France et dans les pays de tournage, à des installations vidéo-musicales de divers formats, dans des espaces publics ou des lieux culturels.
De ses 15 ans de voyages sur la route de la soie et dans l’océan Indien en général, elle a rapporté des images et des musiques qui servent aujourd’hui de matière à son court-métrage artistique intitulé « Peuples de l’océan Indien ». Elixir puissant qui relie l’Australie et Mayotte, d’un bout à l’autre de l’océan Indien, ce court métrage au rythme saisissant est un concentré d’images sonores rares. Il a été projeté dans une première version en anglais au prestigieux festival Vivid Sydney (Australie, un million et demi de visiteurs).
Une nouvelle version en français a quant à elle été dévoilée lors de l’inauguration de la deuxième exposition de préfiguration du Musée de Mayotte (Muma) samedi dernier. Cette version intègre deux séquences tournées avec les femmes de Mayotte : le groupe Madania qui chante et danse le Debaa et la pêche au Djarifa à Bambo ouest (traduction du texte en langues Shimaore et Kibushi). Une autre vidéo du groupe Sisygambis a également été projetée lors de cette exposition. Création purement maritime, elle invite les spectateurs à prendre la mer sur un boutre longeant les côtes de Mayotte et à entrer dans le port fermé de Longoni.
Une résidence de création de trois ans à Mayotte
En amont des Journées du Patrimoine, « Peuples de l’océan Indien » a commencé à être montré dans l’espace public, sur les écrans CitéCom de l’île depuis le 15 septembre. Les passants auront la chance de pouvoir l’admirer à toute heure jusqu’au 30 de ce même mois. « L’idée est d’insuffler de l’artistique et des valeurs culturelles dans la société de consommation qui nous submerge », explique Christine Coulange. Ces projections inaugurent une résidence de création de trois ans à Mayotte qui conjuguera créations artistiques, développements numériques et ateliers pédagogiques dans le but d’intégrer le territoire de Mayotte au projet « De la Méditerranée à l’océan Indien », développé par Les 7 portes/Sisygambis depuis 2008. Les contenus audiovisuels spécifiques à Mayotte s’intègreront à la base de données, aux deux web-documentaires, aux créations collectives, aux performances et installations à venir.
Vendredi dernier, à l’auditorium du CUFR, Christine Coulange a présenté au public mahorais sa démarche de création proche des peuples et de leurs cultures. Elle y a dévoilé son prototype de web-documentaire sur la musique de transe ainsi que son projet d’une plateforme multilingue intitulée « Métissages artistiques et modernité, de la Méditerranée à l’océan Indien ». Celle-ci a été développée avec l’université Paris 8-CreaTIC et les experts de la chaire ITEN à l’Unesco. Ce projet transmédia innovant, fruit de la collaboration d’artistes, de chercheurs et d’étudiants, sera ensuite présenté au colloque international «Humanisme numérique», à Paris, en octobre 2016. Il permettra à tous les artistes présents dans les créations de Sisygambis de correspondre et d’intégrer de nouvelles matières, quelle que soit la langue qu’ils pratiquent. Il permettra également de valoriser les créations et de stimuler les échanges entre un public international multilingue et les artistes concernés.
Christine Coulange et Gérard Galian, qui tourne avec elle des images aux Comores depuis le début du projet, réalisent aussi ce mois-ci des interviews sur le port de Longoni et les origines de Mayotte pour un web-documentaire développé avec l’Institut du Monde Arabe (IMA, Paris). Celui-ci traverse les ports de la Méditerranée et de l’océan Indien : Tanger, Alexandrie, Dar-Es-Salaam, Zanzibar, Grande Comore, Mayotte. Il sera diffusé sur Internet en parallèle à la grande exposition « Aventuriers des mers », présentée à l’IMA et au Mucem (Marseille). Sisygambis signe 4 pièces pour cette exposition.
Un fil conducteur : la musique de transe
Le web-documentaire « De la méditerranée à l’océan Indien » a pour fil conducteur la musique de transe. « L’idée est de fixer le travail réalisé sur un support contemporain et interactif », explique Christine Coulange qui, au cours de ces nombreux voyages, est partie plus particulièrement à la découverte des musiques de transe. Ses vidéos artistiques mêlent ces musiques traditionnelles à des musiques modernes, essentiellement électroniques, qu’elle a composées elle-même. Dans les années 90, elle avait en effet monté un duo musical avec son compagnon Nchan Manoyan, aujourd’hui disparu. C’est en sa compagnie que l’artiste a ensuite décidé de partir à la découverte des différentes cultures du monde via la musique qui, selon elle, « est un formidable laissez-passer pour pénétrer au cœur des traditions et cultures du monde ».
« De la Méditerranée à l’océan Indien » a été enrichi ces derniers mois par des scènes de musiques soufies tournées aux Comores. Sisygambis a d’ores et déjà commencé à introduire des musiques mahoraises telles que le debaa à son projet. Cette intégration de Mayotte au sein du travail de Christine Coulange se poursuivra donc au cours des trois années de résidence de création qu’elle compte effectuer sur l’île au lagon.
Nora Godeau
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