La Chambre régionale des comptes de La Réunion – Mayotte, une structure de la Cour des comptes, vient de rendre son rapport d’observations définitives relatif au contrôle des comptes et la gestion du Département de Mayotte sur les exercices 2012 et suivant, concernant l’octroi de subventions. Elle y révèle de nombreux dysfonctionnements.
Le versement de subventions constitue un des enjeux économiques et sociaux du territoire. « De 2012 à 2016, le montant total des sommes payées était de 100,25 millions d’euros, soit 7,6% des dépenses du Département, dont 45,85 millions d’euros aux personnes de droit privé et 54,40 millions d’euros aux organismes publics », relève la Chambre régionale des comptes de La Réunion – Mayotte, une structure de la Cour des comptes. Elle fait état de « l’absence de stratégie et de priorités affichées » par le Département. Le contrôle de la politique de subventionnement depuis 2012 a montré de réelles insuffisances, ce qui présente des risques juridiques et financiers, selon la chambre.
Vers une charte pour les élus ?
Parmi les points abordés par la Cour des comptes dans ce rapport, un volet est consacré aux subventions au bénéfice indirect d’élus. En effet, plusieurs sociétés comptent parmi leurs associés des conseillers départementaux de l’ancienne mandature. Ainsi, d’anciens élus ont bénéficié de l’attribution de subventions pour des projets d’hôtels ou de chambres d’hôtes, à l’instar de cette subvention de 200 000 euros attribuée à la société Tsingoni Hôtel en 2015, pour la réalisation d’un hôtel de luxe à Combani. Selon les statuts, l’associé unique de la société était alors le vice-président du Conseil départemental. Le gérant était un agent contractuel du Département, souligne également la Cour des comptes. Cette subvention a été annulée en 2016 pour une incompatibilité avec les fonctions du porteur de projet et un dossier incomplet.
La société Tanoura a perçu, quant à elle, une somme de 250 000 euros, pour un projet de chambres d’hôtes et d’activités touristiques à Kani-Kéli alors que son activité se limitait alors à de la location de véhicules. Le gérant était là encore agent contractuel du Département. Les associés étaient des membres de la famille d’un conseiller départemental, ancien président du Conseil général. Le dossier de demande ne comportait aucun élément concernant le financement du projet ou les statuts de la société ni aucun devis de construction. Aucun contrôle sur place n’a à l’époque été effectué alors qu’il s’agissait de la subvention la plus importante attribuée en matière d’économie depuis 2012.
C’est dans ce contexte que la Chambre régionale des comptes souligne que la qualité des porteurs de projet ne peut justifier de dérogation. Elle regrette l’inégalité de cette pratique. Cela ne dispense en aucun cas la collectivité d’effectuer des contrôles. La Cour des comptes propose la mise en place d’une charte de l’élu, qui rappelle des principes déontologiques et des règles de comportement.
Le manque de suivi des demandes de subventions par l’ensemble des services ne permet pas de produire de données fiables concernant les aides accordées. Entre novembre 2014 et mars 2015, 400 000 euros d’avances ont été versés par le Département à des structures, sans qu’aucune opération n’ait été réalisée depuis par les bénéficiaires, alors que les conventions sont arrivées à échéance. Selon la Cour des comptes, le Département ne demande pas le reversement des fonds injustement perçus. Certains agents et élus tireraient profit de ces dysfonctionnements, affirme aussi la Cour des comptes.
Pas assez de contrôles
Par ailleurs, certaines subventions versées par la Direction des affaires européennes et de la coopération régionale ne semblent pas présenter d’intérêt général pour le Département. Une partie de ces subventions consiste en l’organisation de voyages touristiques d’agrément. Ainsi, une subvention de 25 000 euros a été attribuée à l’association Kourouweli de Pamandzi, en 2014, pour la réalisation d’un échange culinaire au Maroc. Sur un séjour d’une durée de 12 jours, le seul élément lié à la culture mahoraise a été un après-midi d’échange autour de la cuisine et une soirée culturelle de danses traditionnelles mahoraises.
À noter que le Département ne dispose pas d’une application informatique de gestion des subventions qui permette d’assurer le suivi d’un dossier depuis le dépôt de la demande jusqu’au paiement et au contrôle. En 2015, l’association Mayotte Plage Propre a ainsi reçu 35 000 euros de subventions. Le Département n’a pas été en mesure d’identifier le service ayant instruit le dossier. La chambre recommande donc d’enregistrer les demandes de subventions au moyen d’une application unique, afin de partager les informations entre les services concernés.
Les manquements et les faiblesses dans le circuit des subventions sont fréquents, déplore la Cour des comptes. Elle insiste sur la nécessité d’un renforcement des contrôles par les services.
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