Ce jeudi 15 février, le plan de développement France-Comores en place depuis 2019 a eu droit à un court bilan de la part de l’Agence française de développement (AFD) devant le Sénat. Le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi a tenu à réagir, pointant du doigt l’inefficacité de cet accord.
Le plan de développement France-Comores est venu, ce jeudi, sur la table de l’audition du directeur du département des trois océans de l’Agence française de développement (AFD), Charles Trottmann, par le Sénat, dans le cadre du rapport d’information sur la coopération et l’intégration régionales des Outre-mer. Ce plan établit une aide au développement des Comores de 150 millions d’euros de la part de la France en échange d’un effort des Comores au niveau des réadmissions des ressortissants comoriens soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Présente dans l’archipel voisin,c’est l’AFD qui est l’outil financier en charge de l’exécution de cet accord.
La question a été posée par le sénateur de Guyane, Georges Patient, qui a qualifié l’opération menée depuis 2019 d’« échec » : « Je sais que la totalité des fonds n’a pas encore été versée, mais ceux qui l’ont été, avez-vous un contrôle, des indicateurs pour évaluer les résultats ? »
Charles Trottmann a commencé par défendre les premiers résultats de ce plan de développement, prévu pour jusqu’à 2028 ou 2029. « En 2018, 2019, au moment où ce plan France-Comores est élaboré, on était dans une situation de crise totale avec les Comores qui refusaient de reprendre leurs ressortissants qui étaient sous OQTF », rappelle-t-il. Sur ce point, il affirme que désormais, l’Union des Comores est « irréprochable », reprenant 25.000 ressortissants comoriens par an sans laisser-passer consulaire. « Les Comores n’ont jamais fait défaut sur cette partie de leur obligation », soutient-il.
Cinq hôpitaux et cinquante écoles construits ou rénovés
En revanche, il admet que la prévention des départs est davantage à travailler. Car ce plan de développement a en effet pour but de contribuer à endiguer l’immigration clandestine en partance de l’Union des Comores vers Mayotte en agissant sur les causes profondes de cette dernière. Ainsi, une équipe d’une quinzaine de personnes de l’AFD ainsi qu’une cinquantaine de collaborateurs d’Expertise France, qui met en œuvre un tiers du programme, travaillent par exemple sur la rénovation de cinq hôpitaux, sur la construction ou rénovation de cinquante écoles ainsi que sur la formation professionnelle de 8.000 personnes.
« Quand vous dites que les Comores respectent leur part du contrat, c’est faux », commence à répondre le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi lors de l’audition, arguant que la situation migratoire à Mayotte n’a jamais été aussi préoccupante. Il affirme que l’Union des Comores fait un « chantage à la bombe migratoire » au département français. « Désormais, des Africains des grands plateaux, qui ne connaissent pas forcément Mayotte, viennent aux Comores et on leur dit : « Non, en fait, il y a un eldorado là bas, allez-y ». Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec un flux aussi massif de migrants qui n’avaient pas l’habitude, jusqu’à présent, de venir à Mayotte », argumente le sénateur. Pour lui, le fait que l’Union des Comores accepte d’accueillir 25.000 de ses concitoyens expulsés de Mayotte par an est tout simplement un devoir, et non un service rendu à la France.
« Azali Assoumani se moque de nous »
Les mots du sénateurs sont forts, sûrement déçu après avoir encouragé ce plan de développement en 2019 : il est question de « 150 millions [d’euros] foutus à la poubelle », ou encore d’« Azali Assoumani [qui] se moque de nous ». Pour y remédier, Thani Mohamed Soilihi préconise que la France passe par un autre pays et que les migrants qui viennent à Mayotte de façon irrégulière soient amenés par avion vers ce pays pour y formuler leur demande de séjour ou de statut de réfugié à partir de là-bas, quitte à faire intervenir des Organisations non gouvernementales (ONG) dans le processus. Il veut ainsi s’inspirer de l’accord récent signé entre le Rwanda et le Royaume-Uni. La France, elle, s’engagerait à les accompagner « de façon humaine, condition dont ils ne bénéficient pas aujourd’hui, puisque c’est dans des kwassa-kwassa qu’ils risquent leur vie tous les jours ».
De son côté, le sénateur Saïd Omar Oili n’a rien ajouté sur le sujet, jugeant que pour une fois, il était pleinement d’accord avec son homologue.
La Russie soutient les revendications comoriennes
Dans une interview pour le journal comorien Al-Watwan parue le vendredi 16 février, l’ambassadeur russe à Madagascar, Andrey Andreev, a affirmé « le soutien continu de la Russie au droit légitime des Comores à restaurer la souveraineté sur l’île de Mayotte ». La Russie est en effet dans une démarche de renforcement des liens avec l’Union des Comores, pays avec lequel les échanges se multiplient au fil des années, avec, par exemple, des conférences sur le développement touristique, de l’assistance humanitaire ou encore l’octroi de bourses d’études pour les étudiants comoriens en Russie. Dans l’interview, il est également question de développer la coopération dans le secteur de l’agriculture par exemple, très important aux Comores. Une stratégie qui semble s’insérer dans celle plus globale d’étendre l’influence de la Russie en Afrique. C’est ainsi qu’au cours de l’interview, l’ambassadeur Andrey Andreev a insisté sur le droit des pays africains à choisir leurs partenaires internationaux librement.