Retards de paiement et coûts supplémentaires : la relance timide du BTP à Mayotte

Si la plupart des entreprises de construction ont repris leurs activités à Mayotte, elles doivent faire face à plusieurs difficultés qui freinent la relance. Particulièrement dans leur viseur, les factures non payées par les collectivités. 

Entre les klaxons et le grondement sourd des moteurs, le bruit des perceuses et les cris des ouvriers ont eux aussi réinvesti l’environnement sonore de Mayotte. Signe positif pour la relance économique tant attendue, petits et grands chantiers de l’île, interrompus pendant un temps au début du confinement, ont en effet repris du service. Mais c’est une relance “timide”, depuis deux ou trois semaines, à en croire différents acteurs du secteur. “100 % de nos adhérents ont repris leur activité, mais on est aujourd’hui entre 50 et 70 % de productivité. La fin de l’activité partielle pour la majorité des entreprises devrait se faire d’ici fin juin”, analyse Julian Champiat, le président de la fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics (FMBTP). 

Le chômage partiel toujours de mise 

En effet, ils sont encore quelques-uns à avoir recours au dispositif de chômage partiel, alors même que les chantiers ont redémarré et que l’État ne prend plus en charge que 85 % de l’indemnité versée aux salariés. “Sur les dix salariés, 50 % sont encore en activité partielle, et cela impacte beaucoup notre activité”, témoigne Soibahadine Dahalani, gérant de SAS BET 976, un bureau d’études basé à Combani. En cause : la mise en place de nouveaux process, qui ont conduit à réorganiser les bureaux pour assurer le respect des gestes barrières. Mais ce n’est pas là la seule raison. “Nous partons du principe que nous allons continuer à demander le chômage partiel, car les collectivités accusent des retards dans le paiement de leurs factures”, explique le responsable d’une société de travaux publics, qui préfère garder l’anonymat. Or le paiement de ces créances constitue “la meilleure solution pour pouvoir relancer l’économie et la dynamique de l’île”, insiste cette même source, qui attend des versements depuis parfois six mois chez certaines collectivités. Pire, pour Soibahadine Dahalani, des factures restent impayées depuis l’année dernière ! 

Diminution de l’octroi de mer et télétravail

 

Contactées, certaines mairies confirment rencontrer des difficultés, mais assurent tout faire pour rester dans les clous. “Nous avons pu récupérer un certain nombre de subventions, et nous avons déjà réglé 1,5 million d’euros pendant cette période de la crise”, assure par exemple Assadillah Abdourahamani, le directeur général de services à la mairie de M’Tsamboro. Du côté de Koungou, on avance plusieurs raisons pour expliquer les difficultés rencontrées. “La diminution de l’octroi de mer a fortement impacté les trésoreries des collectivités”, avance Alain Manteau, directeur général des services techniques et directeur général des services par intérim à la mairie. Sans parler du coût de la reprise des chantiers, qui nécessitent des adaptations pour respecter les règles sanitaires. “Cela nous pousse à accepter des avenants assez lourds, de 8 à 10 % par chantier pour des masques, la mobilisation de véhicules supplémentaires, l’installation de barrières par exemple”, poursuit le directeur. En tout, ce sont dix à quinze petits chantiers d’entretien ou de rénovation, et au moins six gros chantiers de bâtiment qu’il faut relancer à Koungou en prenant en compte ces nouveaux et onéreux dispositifs. “De notre côté, nous avons réussi à ne pas tomber dans le rouge, mais c’est vrai que tout cela rend la tâche difficile”, développe le responsable. Outre l’aspect financier, la fermeture de la plupart des services pendant le confinement et la généralisation du télétravail ont aussi pu favoriser des retards dans le traitement des factures. “Mais là, nous avons repris à 100 % et je fais tout pour accélérer les démarches et payer les entreprises au plus vite”, insiste-t-il. 

Des retards qui coûtent chers 

En attendant, pour les entreprises du BTP, elles-mêmes frappées par les coûts liés à la crise sanitaire, ces retards de paiement constituent un frein supplémentaire à la reprise de leur activité. “Cela nous met nous-mêmes en retard, car nous avons des difficultés à payer les fournisseurs, donc parfois nous sommes reçus sur un chantier, mais nous n’avons pas les matières premières”, déroule l’une de ces entreprises. Des difficultés d’approvisionnement, qui s’expliquent aussi par la fermeture de l’aéroport, toujours effective à ce jour. Or les retards risquent de leur coûter cher, en pénalités ou en charges supplémentaires. “Actuellement, on perd 15 à 20 % de notre productivité, particulièrement pour les écoles où les entreprises interviennent une à une sur le chantier, donc ça rallonge considérablement les durées de travaux. Sur une journée de huit heures, on en passe une à la préparation pour les gestes barrières, l’hygiène, le nettoyage, etc. C’est du temps que les ouvriers ne passent pas à produire”, développe Soibahadine Dahalani. Sur la rénovation de l’école élémentaire de Cavani Sud par exemple, à laquelle il participe, seules quatre des dix entreprises peuvent intervenir actuellement. Une situation, qui pourrait prendre du temps à se normaliser : “En étant optimiste, je pense qu’on pourra récupérer les deux mois et demi de retard pris sur les chantiers d’ici un an”, table Julian Champiat. Encore faudra-t-il, pour y parvenir, s’affranchir de certains gestes barrières, envisager des volumes horaires plus importants, et honorer plus rapidement tous les paiements…

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