Reconstruction de Mayotte : la Loi programme dans le viseur des Femmes leaders

Démonstration de force réelle ou simple instant de colère passager ? Les Femmes leaders et d’autres associations locales ont appelé à une mobilisation générale ce jeudi matin au Conseil départemental à Mamoudzou. Dans leur viseur, le texte de loi de programmation pour la reconstruction de Mayotte. Elles veulent empêcher sa validation par l’assemblée départementale.

Les Mahorais sont appelés à se rendre au Conseil départemental à Mamoudzou, ce jeudi matin, afin d’empêcher les élus de valider le projet de loi programme soumis par le gouvernement. Cet appel du mouvement des Femmes leaders, et de plusieurs autres associations de défense des intérêts des Mahorais, a été lancé lors d’une conférence de presse ce mercredi 9 avril, dans les locaux de la mairie de Mamoudzou. La société civile a été représentée dans toute sa diversité au travers des personnes qui s’y sont déplacées (les religieux du Conseil cadial, d’anciens élus départementaux et communaux, les collectifs de citoyens , des syndicats, des propriétaires fonciers, des associations locales diverses et des cadres des secteurs publics et privés). Première à s’exprimer lors de cette conférence de presse, Saandati Abdou, présidente des Femmes leaders, a annoncé la couleur dans un ton grave et solennel, « nous sommes ici pour dire la vérité (aux Mahorais) : le projet de loi sur le développement accéléré de Mayotte est une imposture. On nous promet un avenir, mais on nous prépare une prise de pouvoir déguisée. J’espère que nos élus actuels en ont conscience ». Et pour mieux illustrer son propos, la présidente des Femmes leaders explique que ce texte n’est pas une loi de développement étant donné qu’il ne prévoit aucun projet clair, aucun financement défini, aucun calendrier sérieux. « Il n’accélère rien puisqu’il repousse la convergence sociale à 2031, alors même que Mayotte est le département le plus pauvre, le plus cher, et le plus abandonné de France ». Encore plus critique à l’égard du texte prévu pour être examiné ce jeudi matin par le Conseil départemental en assemblée plénière, Saandati Abdou estime que le projet de loi porté par Manuel Valls, ministre des Outre-mer, recentre tous les leviers entre les mains de l’État central.

Un appel aux élus locaux et nationaux

Elle dénonce la création d’un établissement public qui va se substituer aux élus locaux, sans qu’ils aient leur mot à dire sur sa direction, ce qui représente à ses yeux un recul démocratique grave. La dirigeante des Femmes leaders, considère les dispositions d’expropriation pour cause d’utilité publique prévues par la loi programme pire que celles qui étaient initialement prévues dans la loi d’urgence et qui avaient été retirées suite aux vives critiques de la population. “Il prévoit la prise de possession immédiate de terrains privés, sans protection, sans justice, sans recours. C’est une menace directe sur les terres des Mahorais », s’insurge celle qui se demande à quoi peut réellement servir cette mesure sans contrepoids.

« Nous refusons cette loi, nous appelons tous les élus à ne pas la voter, nous appelons les citoyens à se mobiliser, pacifiquement mais fermement. Mayotte n’a pas besoin d’une dictature, ni de lois d’exception, ni de voir remplacer ses élus par des autorités militaires (allusion faite au général Fico placé par le gouvernement Bayrou à la tête du nouvel établissement public chargé de la reconstruction de l’île) », déclame-t-elle. Selon Saandati Abdou, mais également d’autres voix qui se sont exprimées après elle, les besoins de notre île sont connus : eau, écoles, hôpitaux, routes, port, aéroport, développement économique et social véritable, justice, sécurité, contrôle des frontières et surtout respect des individus. La présidente des Femmes leaders prévient, « si cette loi passe, elle entrera dans l’histoire comme un coup de force (de l’État), et nous serons dans l’Histoire comme ceux qui l’auront dénoncée ». En conclusion de son intervention, elle a demandé à tous les élus locaux et nationaux de prendre leurs responsabilités et de rejeter le texte présenté par le gouvernement.

Mahamoud Azihar dénonce une volonté d’exproprier les Mahorais

Mahamoud Azihar
Mahamoud Azihar a longuement expliqué à l’assistance les aspects qu’il considère nocifs pour Mayotte dans la loi de programmation.

Invité à s’exprimer au cours de cette conférence de presse, l’ancien directeur général de la SIM (aujourd’hui gérant d’une société de conseils) Mahamoud Azihar, a expliqué à l’assistance la nocivité, selon lui, du texte porté par le gouvernement Bayrou.  » À l’occasion de la loi d’urgence, j’avais déjà dit que le fameux article 10 était en réalité ce que visait la loi à 90 %, parce-qu’il visait à exproprier les Mahorais, de façon sauvage, au delà de ce que prévoit le code de l’expropriation français. Tout le reste n’était là que pour décorer ! » Selon lui, ce texte est destiné à faire déclarer comme d’utilité publique des logements sociaux qui entrent en réalité dans le patrimoine d’une société de droit privé. À ses yeux il ne fait l’ombre d’un doute que le même article 10 qui a été balayé presque à l’unanimité par l’Assemblée nationale, est reconduit « de manière encore plus méprisante et plus arrogante » dans la loi de programmation.

Journaliste politique & économique

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