Alors que le préfet et la délégation gouvernementale s’envoleront dans les jours prochains à Paris pour un point d’étape avec le gouvernement, Dominique Sorain et ses experts ont donné, hier, un point presse pour mettre en avant les premiers axes de réflexion envisagés.
« Il y a beaucoup de dossiers à traiter », reconnaît le préfet et délégué du gouvernement, Dominique Sorain. Pour autant, même si le délai d’un mois pour établir un document de référence est court, le haut fonctionnaire se veut confiant et rassurant sur l’issue de la démarche : « Il y a une très forte mobilisation autour de ce plan pour Mayotte ». Santé, sécurité, éducation, infrastructures, appui aux collectivités ou encore environnement : l’ampleur du chantier est en effet vaste et complexe pour la délégation gouvernementale et ses six experts missionnés pour rencontrer, chacun dans leur domaine, les acteurs du territoire et dégager des pistes de réflexion. Enjeu : établir, dans deux semaines désormais, un document de référence. C’est sur ce dernier que se basera le Plan Mayotte promis par le gouvernement.
Alors que la délégation gouvernementale s’envolera dans les prochains jours vers Paris en vue de préparer la rencontre de jeudi prochain entre le Premier ministre et des élus mahorais, un point presse s’est tenu hier pour présenter les premières pistes de réflexion qui seront proposées au gouvernement. Point d’annonces donc – « Nous n’en sommes pas au stade des arbitrages. Je ne vais pas vous dire : +On va prendre ça, ça et ça+ », prévenait d’ailleurs Dominique Sorain –, mais des axes prioritaires que chacun des six spécialistes a présentés.
Quatre « défis » pour le secteur de la santé
« Le système de santé mahorais fait face à des défis exceptionnels », reconnaissait le docteur Grégory Emery, sous-directeur adjoint performance à la direction générale de l’offre de soins, et chargé de la partie santé de ce plan. Après deux semaines de rencontres et de visites, il dégage quatre premiers axes. Premier d’entre eux, « la nécessité de renforcer la capacité de prise de décision au niveau local » car « il est important que le projet régional de santé se fasse dans un cadre spécifique dédié à Mayotte. » Doit-on y voir l’annonce d’une Agence régionale de santé de plein exercice ? « C’est au Premier ministre d’arbitrer ».
Deuxième point : « Une offre de soins atypique, avec un seul établissement de santé, qui n’est plus calibré pour faire face aux besoins de la population ». Est mis en avant notamment le futur hôpital de Petite-Terre et une modernisation des sites hospitaliers. L’attractivité, nerf de la guerre en termes d’effectifs, fait évidemment partie des enjeux : « Il est nécessaire de conforter les professionnels de santé et de leur reconnaître des spécificités [liées au territoire] ». Comment l’améliorer ? Pas de détails, mais « la formation et la coopération constituent des éléments forts d’attractivité. » L’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail constitue également un levier pour attirer les praticiens. Dernier défi mis en avant : des mesures de protection sociale, notamment destinées à permettre au Centre hospitalier de Mayotte de « retrouver un fonctionnement financier plus pérenne ». Dans les faits, la fin de la gratuité des soins est mise en avant comme une voie possible, tout comme l’arrivée de la CMU-C.
Économie et administration
Nicolas Clouet, inspecteur de l’administration en charge de l’économie, de l’évolution institutionnelle et du renforcement des services de l’État, a débuté son intervention par le rappel des mesures d’urgence prises en faveur des entreprises : moratoire des dettes allongé, recul des échéances, mise en place de prêts d’honneur, activité partielle, etc. À plus long terme, des aides directes aux entreprises et une zone franche globale d’activité ont notamment été revendiquées.
Pour les questions d’ordre institutionnel, c’est la collectivité unique Département/Région demandée par les élus qui semble être la piste première. Quels changements si cette évolution était actée ? La collectivité aurait 51 élus au lieu de 26, et l’élection serait basée sur des listes et non plus sur des candidats. « C’est une chose qui est à l’étude et qui sera présentée au Premier ministre », a confirmé Nicolas Clouet. En cas d’évolution institutionnelle, un rattrapage du budget régional a également été demandé par les élus du Département.
Enfin, l’attractivité du territoire pour combler les postes manquants, ainsi qu’une plateforme d’ingénierie publique permettant de renforcer les services de l’État et de doter le territoire de compétences encore manquantes, sont au rang des priorités.
Social
Une plateforme indispensable pour Sylvie Especier, également sous-préfète, responsable cellule nationale de coordination et d’appui à l’action territoriale, et chargée des questions d’ordre social. « Je fais moi-même le constat de la nécessité d’avoir une plateforme d’appui au Conseil départemental, notamment dans le dossier difficile des mineurs isolés. (…) Mais il s’agit moins d’un aspect financier que de la difficulté à lancer des appels à projets ou à déployer le schéma départemental de l’enfance et des familles », a-t-elle expliqué.
Deuxième gros dossier : celui de la formation, « le pari de l’avenir. Mais force est de constater que c’est un dossier extrêmement lent. » Dernier point avec les prestations sociales. « La convergence existe, mais elle est incomplète et lente. Nous avons donc besoin d’étudier une accélération de l’alignement des prestations sociales sur le droit commun », a-t-elle convenu.
Sécurité
Pour Antoine Poussier, sous-directeur de la protection du ministère de l’Intérieur, trois enjeux ont été identifiés. La lutte contre l’immigration irrégulière en premier lieu, « évidemment déstabilisante pour la société mahoraise. » Dans ce domaine, un état-major de sécurité est prévu et une réflexion devrait être engagée pour améliorer « nos capacités de détection et d’interception [des kwassas] », tout comme un plan de lutte contre les filières et l’économie qui se développe autour de l’immigration clandestine. La prévention devrait aussi être soutenue, avec l’amélioration de l’aide à la parentalité, et le soutien « à tous les partenariats qui peuvent exister en matière de lutte contre la délinquance. »
Éducation
Trois grandes catégories se distinguent pour Pierre Lussiana, inspecteur général de l’Éducation nationale et de la Recherche : une « gouvernance prospective » avec, entre autres, la possibilité d’un rectorat de plein exercice ; l’évolution du réseau d’écoles et d’établissements en raison du « sous-dimensionnement du réseau existant » ; et enfin, tout ce qui a trait aux ressources humaines, avec là encore la question de l’attractivité du territoire.
Infrastructures et logements
Philippe Schmit, inspecteur général de l’administration du Développement durable, met en avant, lui aussi, plusieurs axes. Le premier est un « besoin évident d’infrastructures ». Des infrastructures dont certaines ont pu être à l’étude : « Beaucoup sont dans les cartons. Il faut regarder quelle est encore leur pertinence. » Parmi elles : le contournement de Mamoudzou ou la piste longue de l’aéroport. Une question liée à la problématique du prix des billets, pour laquelle « il faudra qu’une réflexion soit engagée ». Le port est lui aussi considéré comme une priorité.
La sécurité sur les routes est le deuxième axe d’étude avec des solutions à trouver « en local, mais avec aussi des renforts nationaux. » En termes de « vie quotidienne », il s’agit de développer des services de transports : « Nous essayons de faire converger le Département, la Communauté d’agglomération Dembéni Mamoudzou, et l’État. Nous sommes en bonne voie. » L’environnement enfin, avec une « forte dégradation du lagon ». Pour y remédier, c’est une « nouvelle politique de l’assainissement et de la production d’eau qui est à instaurer. »
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