C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : organiser des assises de l’outre-mer dès le début de son mandat présidentiel. Présentées et lancées le 4 octobre dernier, ces assises s’étaleront sur sept mois pour permettre aux outre-mer d’exprimer leur volonté et de choisir leur développement.
Offrir la parole à chaque Ultramarin, ou presque* : c’est le but des Assises de l’outre-mer. Il faut dire, comme le souligne le ministère, que nombre de citoyens loin de l’Hexagone ne se sentent plus au cœur des préoccupations gouvernementales : « Beaucoup d’Ultramarins penser que leur voix ne compte plus. Les dernières élections au printemps dernier l’ont cruellement montré, quand plus de la moitié des Français d’outre-mer ont choisi de ne pas choisir en s’abstenant à l’élection présidentielle. »
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, alors candidat, et lancées le 4 octobre dernier par la ministre Annick Girardin, ces assises doivent permettre à tous les acteurs de la vie en outre-mer – pouvoirs publics, entreprises et société civile – de s’exprimer sur les besoins de leur territoire. En ligne de mire : la rédaction d’un « Livre bleu outre-mer », qui servira de socle aux politiques publiques du quinquennat en matière du développement des territoires ultramarins. Une initiative inédite menée en plusieurs étapes.
Sept mois, trois étapes
Trois étapes jalonneront les sept mois de ces assises. La première, une phase de diagnostic à laquelle il est déjà possible de participer**, et ce jusqu’au 22 novembre, permet aux internautes de mettre en avant les priorités souhaitées pour leur territoire, en classant par ordre d’importance les grands chantiers à mener : équipements publics, développement économique, emploi, environnement, santé, culture, jeunesse, sécurité et protection des populations. Autant dire que tous les domaines proposés concernent l’île aux parfums de très près.
En parallèle, du 18 octobre au 31 janvier, un concours d’innovation est ouvert. Les porteurs de projets pourront y déposer leurs idées en faveur du territoire. Les dossiers reçus seront soumis à partir du 15 janvier (et jusqu’au 28 février) à une consultation numérique. Une fois encore, chaque Ultramarin pourra soumettre son opinion et son avis dessus afin d’en déterminer les plus pertinents.
Enfin, à partir du 1er mars, après pré-sélection, les projets retenus seront de nouveau soumis au public. Il votera pour en désigner les meilleurs jusqu’au 30 avril. Une sélection finale sera alors effectuée en tenant compte de l’avis des votants. Les lauréats – auréolés d’un label « outre-mer » – seront dévoilés le 15 mai.
Les Assises de l’outre-mer entremêlent donc deux piliers : les citoyens emmenés à s’exprimer au sujet de leurs territoires et à proposer des projets, les rendant acteurs du développement ; ainsi qu’un pilier institutionnel, constitué des services de l’État, d’élus locaux et de « forces vives de l’outre-mer », comme les décrit le ministère.
*Sauf Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui font l’objet d’un plan de reconstruction spécifique suite au passage de l’ouragan Irma, et les Terres australes et antarctiques françaises, inhabitées.
**Participation en ligne sur * www.assisesdesoutremers.fr
Rozette Issouf : une Mahoraise dans l’équipe
Autre aspect des Assises de l’outre-mer : une « Équipe projets Ultramarins », qui servira de « Trait d’union » entre la consultation citoyenne et les services institutionnels. Cette équipe réunira diverses personnalités qui donneront leur avis sur les projets présentés et participeront à la rédaction du Livre bleu outre-mer. Elles seront également jury d’un concours d’innovation sociale à destination des Ultramarins.
Si on peut citer, au sein de l’équipe, l’ancien directeur d’HEC, Bernard Ramanantsoa, Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, le comédien Pascal Légitimus, ou encore Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer, etc., Mayotte n’a pas été oubliée puisque la psychologue Rozette Issouf fait également partie des 17 personnalités retenues. Elle détaille sa mission et les objectifs de ces assises.
MH : Quel va être votre rôle au sein de l’équipe des Assises de l’outre-mer?
RI : En premier lieu, je fais partie d’une équipe. Le » je » en soi n’existe pas, il laisse place à un « nous »diversifiés, pluridisciplinaires, complémentaires, avec des personnes connues ou inconnues qui vont se regrouper régulièrement sous la présidence du ministre de l’outre-mer. Nous partageons certainement des valeurs humaines qui privilégient l’intérêt supérieur du collectif. C’est avant tout pour moi, une aventure collective avec une quinzaine de personnalités qui vont travailler ensemble pour centraliser les projets remontés des ateliers nationaux et locaux. Nous en prendrons compte, procèderons à un tri pour faire émerger des projets structurants, cohérents, qui répondront aux besoins de chaque territoire. Les citoyens de l’outre-mer d’ici et d’ailleurs ont un rôle décisif : ils sont les experts de leurs problématiques rencontrées dans leur territoire. Ils seront acteurs dans ces assises en faisant entendre leur parole par le biais du site dédié à cela, et ouvert à tous les citoyens d’outre-mer, qu’ils résident dans un territoire ultramarin ou en Métropole. Et comme le rappelle l’écrivaine Hélène Keller dans une de ces citations: « Seul, nous pouvons si peu, ensemble, nous pouvons faire tellement ». Et comme l’indique l’objectif des assises des outre-mer, il faut « Construire ensemble l’avenir des outre-mer ».
MH : Pour quelle raison avez-vous été choisie ?
RI : Cela fut une grande surprise pour moi-même. Cela m’est tombé dessus, je suis juste une simple citoyenne qui est passionnée par l’accompagnement de la souffrance psychique des êtres-humains. Je m’investis à petite échelle avec des interventions dans des journées d’études et des conférences suite à mes travaux de recherches. Je suis dans l’aide de l’autre. J’ai certainement des qualités d’écoute, relationnelles, et d’autres compétences qui leur ont peut-être plu. Je ne saurais vous dire. En tout cas, je n’ai rien demandé : « moins on me connait, mieux je me porte », moins on parlera de moi, mieux cela sera. Car je fais naturellement les choses sur le terrain et je n’y attends aucune reconnaissance. J’ai choisi mon métier par vocation et non par défaut. Tous les projets qui peuvent servir au bien-être des autres m’intéressent et je suis très sensible au sort des citoyens de l’outre-mer. Je suis honorée de faire partie de cette équipe et de pouvoir apporter mes compétences pour enrichir et faire entendre « la voix des Ultramarins ».
MH : Ces assises représentent-elles une réelle piste d’action ?
RI : C’est sûrement une réelle piste d’action. On est dans le concret et on ne fait pas à la place de l’autre, on lui permet d’agir, de s’exprimer, de proposer. Ce projet ne peut que faire avancer les choses et proposer des pistes d’actions concrètes dans chaque territoire d’outre-mer. Et comme je dis aux personnes que j’ai pu suivre en thérapie: « les réponses sont en vous et non à l’extérieur ». Il faut mobiliser les ressources intérieures de tous les citoyens de l’outre-mer afin de créer une synergie collective positive. Beaucoup de nos citoyens se sentent incompris parce que non écoutés. Les assises de l’outre-mer leur permettront à ce titre de faire part de leur avis, de devenir acteur de l’avenir de leur territoire. Nous avons sept mois pour y travailler. « Ensemble, nous pouvons y arriver » dans l’écoute des uns et des autres, dans la compréhension, dans les échanges et les remarques constructives. Soyons optimistes, soyons fous et croyons au pouvoir de « l’union fait la force »!
Enfin, nous avons tous notre rôle à jouer dans ces assises de l’outre-mer. Le premier pas vers le changement positif, c’est l’expression de ses besoins, c’est aussi la confiance en soi et la capacité à s’affirmer et à faire valoir ses droits dans le respect mutuel des uns et des autres. Ainsi, une bonne collaboration de tous les acteurs institutionnels, politiques et civils garantira, certainement, le bon fonctionnement des assises. Steve Jobs; le cofondateur d’Apple nous le confirme : « Les meilleures choses qui arrivent dans le monde (…), ne sont pas le résultat du travail d’un seul homme. C’est le travail de toute une équipe. »
En 2009, des états généraux de l’outre-mer étaient déjà organisés
« Ces assises ne seront pas une réédition des états généraux de 2009 », a affirmé la ministre des outre-mer, Annick Girardin. Il y a presque 10 ans en effet, une consultation était mise en place dans les outre-mer. En cause : la crise antillaise du début de l’année. Durant un mois, une grève contre la vie chère paralyse la Guadeloupe et la Martinique. Face à la montée des tensions, le président d’alors, Nicolas Sarkozy organise une vaste consultation des outre-mer : il s’agit des états généraux, censés identifier les problèmes et les régler. Dès le printemps 2009, elle est mise en place aux Antilles, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et dans l’Hexagone, et débouche sur la rédaction d’une synthèse sur les attentes et besoins des Ultramarins. Au total, 137 décisions seront prises par le gouvernement pour refonder la politique menée à l’égard de nos territoires. Deux ans plus tard, c’est Mayotte qui est touchée par un vaste mouvement social.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.