Dans son dernier rapport présenté lors d’une séance plénière au rectorat, le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) a mis en exergue les compétences politiques de chacun sur l’île. Il fait apparaître plusieurs difficultés liées à la départementalisation et l’existence d’un régime d’exceptions qui perdure.
Le temps des vacances a fait craindre un moment que le quorum ne serait pas atteint, ce lundi après-midi, dans la salle Samuel-Paty du rectorat. Cette séance avait pourtant un grand intérêt pour le Cesem (conseil économique, social et environnemental de Mayotte), celui d’entendre et d’adopter un rapport d’un an intitulé : « À Mayotte qui fait quoi ? Entre opportunité d’agir et l’intérêt à réagir ». L’étude, qui devait s’intéresser au départ aux dix ans de la départementalisation, a été recentrée sur la répartition des compétences entre État et collectivités locales. « Dans les faits, l’exercice des compétences des collectivités se heurtent à plusieurs difficultés, comme la faiblesse des dotations ou le manque de maîtrise d’ouvrage », lance en introduction la présidente de la commission des affaires générales, financières et internationales, Saouda Abdou. « Avec le contrat de convergence 2019-2022, après les manifestations de 2018, il y avait pourtant de grands espoirs », poursuit-elle. « Mais sur le 1.6 milliard d’euros promis, 681 millions sont valorisés, c’est-à-dire sans engagements fermes. »
Un manque de chefs de file
Plusieurs problèmes sont ainsi relevés par l’instance qui s’est entretenue avec une vingtaine de personnalités ayant ou ayant eu des fonctions politiques sur le territoire (sous-préfets, anciens ou actuels élus). « Pour chaque politique publique, on se demande qui est le chef de file », donne comme exemple celle qui cosigne le rapport. En effet, en intégrant petit à petit le millefeuille administratif français, les collectivités mahoraises n’ont eu de cesse de voir des changements de compétences. « Les évolutions statutaires et règlementaires se sont faites avec une méconnaissance des institutions », ajoute Saouda Abdou. Toutefois, les rapporteurs ne veulent pas être trop durs avec les élus locaux. « Ce n’est pas une fuite en avant. Il y a un manque de moyens, notamment financiers et humains. » À cela s’ajoutent, selon eux, des difficultés d’ingénierie.
Plus que faire un constat, ils émettent aussi huit propositions à destination des acteurs politiques locaux, en commençant par demander « une rénovation et un rééquilibrage des relations entre l’État et les collectivités territoriales ». La présidente de la commission va même plus loin en demandant la fin de « la relation parent-enfant » que les deux entretiendraient. Renforcement des moyens du conseil départemental, une structuration des activités primaires, une valorisation de la culture locale, des actions pour l’environnement figurent également dans les préconisations que le Cesem est prêt à développer sous forme de forums.
Des dérogations à tire-larigot
Pointée régulièrement comme un frein à la convergence, l’existence de dérogations n’a pas échappé à la commission rédigeant le rapport. « Mayotte est devenue un territoire de dérogations institutionnalisées », regrette Saouada Abdou. Ce système est notamment pointé par le rapporteur de l’étude, Boina Hebja Haoussi. Le syndicaliste de la CGT parle d’ailleurs de « discriminations organisées ». « Normalement, on prend une dérogation pour faire autrement. Là, c’est pour ne pas faire », estime-t-il.
Les autres membres, dont des syndicats ou représentants d’organisations professionnelles, ont remercié la commission pour son travail et pu émettre un premier avis. Sur la différenciation avec la métropole, plusieurs ont convenu qu’il ne faut plus forcément attendre de l’autre, mais « savoir expérimenter ».