Sociologue de formation, Mariam Saïd Kalame vient de rentrer deux fois dans l’histoire (politique) de Mayotte, en seulement quelques mois. Celle qui a battu (avec Soula Saïd-Souffou) Mansour Kamardine et Tahamida Ibrahim à la tête du canton de Sada-Chirongui vient d’être désignée porte-parole du parti Renaissance, avec effet ce jeudi 9 mars. La conseillère départementale de Sada-Chirongui n’a rien perdu de la combativité qui la caractérise.
Flash Info : Quel est le premier bilan que vous dressez après quelques mois passés à la tête du canton de Sada-Chirongui ?
Mariam Saïd Kalame : En ma qualité d’élue du canton de Sada-Chirongui, je suis satisfaite d’avoir été entendue par les électrices et les électeurs et au-delà de toutes les Mahoraises et Mahorais au-devant desquels j’ai pu dégager beaucoup d’énergie pour promouvoir des projets et des idées pour l’avenir de notre département. Et vous pouvez me croire, ça n’a pas été facile car rien ne m’a été épargné, mais c’est le jeu classique de la politique. Certaines dates restent ancrées à vie dans mon esprit. Le 22 juillet 2022, à 12 h 05, je reçois un coup de file m’annonçant que le Conseil d’État venait d’annuler définitivement l’élection de Mansour Kamardine et de sa binôme Tahamida Ibrahim à la tête du canton de Sada-Chirongui. La préfecture de Mayotte avait 45 à 90 jours pour organiser un nouveau scrutin. Finalement, les nouvelles élections se sont tenues deux mois plus tard en septembre. Dans ma tête, à aucun moment je n’avais envisagé ce qui allait suivre. Dans mon groupe politique, personne ne m’avait annoncé que je repartais en campagne à la mi-août sans le binôme (N.D.L.R. Mohamed Abdou) qui m’avait accompagné en 2021 et qui s’était énormément dépensé devant la justice pour faire annuler cette élection. Je l’ai appris de la bouche même de l’intéressé un matin à 6 heures, « je t’informe que pour des raisons personnelles et professionnelles je ne serai peut-être plus de la partie ». Malgré le contexte particulier qui prévalait, il m’a fallu donc six semaines pour trouver un binôme, bâtir un projet, mener campagne et gagner les élections.
F.I.: Votre prise officielle de fonction n’est pas passée inaperçue. Quelle impression vous laisse cette expérience ?
M.S.K : Mes impressions à propos de l’accueil qui nous a été réservé, mon binôme Soula Saïd-Souffou et moi-même au cours de la journée du 17 novembre 2022, c’est que les élections ont été respectées. Et conformément aux souhaits des électeurs de Sada-Chirongui, nous avons tendu la main à la majorité en place au conseil départemental. Celle-ci n’en a pas voulu, le mot d’ordre a été « ne nous les envoyer pas ! ». Notre péché a été d’avoir battu Mansour Kamardine et Tahamida Ibrahim, deux membres importants de la majorité, dans une élection partielle. J’assume pleinement ce fait et je n’en éprouve aucun regret pour cela ! Je n’ai donc éprouvé aucune rancœur, je suis restée imperturbable parce que j’étais là dans cet hémicycle en qualité d’élue d’une population. Il y a un point commun à toutes les différentes fonctions que j’ai occupé dans cette île, c’est le service à la population. J’ai été désigné pour siéger à un minimum de commissions. C’est la loi qui veut cela et il n’y a rien de particulier à souligner. Je me fais un plaisir fort à siéger, avec les mêmes personnes qui m’ont méprisé en novembre 2022. Je siège régulièrement, je travaille aux commissions, je donne mon avis et tout se passe correctement. C’est juste un jeu de rôle. Au risque de me répéter, non, je ne regrette pas d’être là, et je crois beaucoup à l’avancement des choses en faveur de cette île. Vous entendrez parler de moi très bientôt. Je viens en effet d’être désignée porte-parole du parti Renaissance (celui du chef de l’État Emmanuel Macron) à partir du jeudi 9 mars. C’est la première fois que j’adhère à une formation politique. Dans le souci de satisfaire les attentes de la population de Sada-Chirongui, je me dois d’étudier toutes les possibilités qui se présentent afin de leur donner raison de nous avoir choisi mon binôme et moi pour défendre leurs intérêts au sein de l’assemblée départementale.
F.I. : Vos adversaires mettent en exergue un manque d’expérience politique par comparaison à votre ancien concurrent, Mansour Kamardine. Vous leur répondez quoi ?
M.S.K: Je vais être claire avec vous. Ma première aventure électorale remonte à 2021 dans la municipalité de Chirongui sur la liste de Roukia Lahadji. Je siège au conseil municipal de Chirongui, bien avant le Département. A 50 ans passés, j’ai eu le temps de construire une famille, une carrière professionnelle, me faire de la place en qualité de fonctionnaire et une notoriété sur l’ensemble de ce territoire pendant vingt ans, à des postes à responsabilité. Donc ce n’est aucunement une recherche de promotion sociale qui m’amène au conseil départemental. Ma vision de la politique, c’est se mettre au service de la population. En dehors des « bobos et maladies » dont nous les humains sommes parfois sujets, nous sommes élus pour être au service de la population. Ma décision [de me porter candidate à la fonction d’élue départementale] a été mûrement réfléchie, je me suis lancé dans cette aventure en mon âme et conscience et en parfaite connaissance des rouages politiques auxquels peuvent se heurter des hommes et des femmes élus. A travers mes expériences professionnelles précédentes, au sein de cet hémicycle, j’ai appris que les problèmes se règlent en dehors de la politique politicienne. Il faut mettre en valeur les techniciens et travailler avec eux si l’on veut faire avancer les choses et faire aboutir les dossiers. Et c’est ce que j’ai organisé pour ce mardi matin à 9 heures dans les locaux de la mairie de Chirongui avec les agents de toute une direction de nos services. Le refus de certains aux commandes du Département de nous attribuer des bureaux mon binôme et moi (N.D.L.R. la majorité départementale considère que les conseillers d’opposition peuvent se partager leurs locaux) ne sera pas un frein pour nous d’assurer les missions qui nous sont confiées. Et jamais je ne m’abaisserai à manquer du respect au président du conseil départemental (N.D.L.R. Ben Issa Ousseni) ou à tout autre élu pour cela. Ils ont une légitimité conférée par la population à travers le choix des urnes, ils sont tous respectables, qu’ils siègent au sein du groupe de la majorité ou de l’opposition.
F.I. : Comment se passe votre relation de travail avec votre binôme ?
M.S.K. : Je tiens à rendre un hommage appuyé à mon binôme Soula Said-Souffou, une personne qui aime particulièrement Mayotte, qui a toujours su distinguer les besoins et défendre les intérêts de notre île. Il en a fait la raison de sa vie et l’a prouvé à diverses occasions, dans les conditions difficiles du déroulement de ces élections départementales partielles de 2022. En seulement cinq semaines, il a su s’adapter et participer à la construction du projet politique que nous défendons ensemble dans le cadre de cette mandature. Je prends l’engagement que cette expérience ira jusqu’au bout et que nous ferons tous les deux tout ce qui est en notre capacité pour mener notre mandature à son terme dans le seul intérêt de notre population.