Vendredi, le préfet Jean-François Colombet a animé l’ultime forum institutionnel dédié à la loi spécifique au département annoncée par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu. Le 1er juin, les plus de 230 propositions formulées doivent atterrir sur son bureau pour une première mouture attendue au mois de juillet. Lors de cette dernière consultation, les responsables présents ont tenté d’apporter leur dernière touche, sur l’égalité en matière de droits sociaux, mais aussi sur la place de la culture et les freins à l’insertion des étrangers.
Ambiance intimiste pour le dernier rendez-vous de la loi Mayotte, qui signe la fin d’une consultation de près de trois semaines des “forces vives” du territoire. Une cinquantaine de participants ont répondu présents à la mairie de Koungou, pour ce forum institutionnel axé sur le thème de l’égalité en matière de droits sociaux. Mais comme poussés par la fièvre de la dernière chance, les citoyens, administrateurs de collectivité ou représentants de la voix politique réunis ce vendredi ont brassé large pour tenter d’apporter une touche finale aux quelque 230 propositions qui doivent atterrir sur le bureau du ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu le 1er juin. Prochaine étape au mois de juillet, où le locataire de la rue Oudinot viendra peut-être sur l’île aux parfums pour présenter le projet de loi ficelé, avant son passage en conseil des ministres. “Tout le monde sait que la loi ne sera pas adoptée avant la fin du mandat, mais ce qui est important, c’est que le projet soit approuvé pour que les Mahorais aient un moyen de faire pression, même s’il y a un changement de majorité”, a martelé le préfet Jean-François Colombet.
230 propositions, 1.000 participants
Alignement des minima sociaux, relèvement du plafond de la sécurité sociale, mais aussi titres de séjour des étrangers, accès au logement, valorisation de la culture, statut des intermittents, prise en charge du handicap et même l’inévitable question de l’insécurité sont revenus sur la table des débats, dépassant souvent le thème fixé par l’ordre du jour. Peu importe. “Tout sera remonté, nous allons être fidèles à notre engagement”, a réitéré le délégué du gouvernement, qui a salué la participation des Mahorais à cette grande consultation. “Ces échanges ont été très intéressants, depuis le 6 mai, nous avons entendu des choses très pertinentes”, a-t-il souligné en guise de conclusion. Bilan préliminaire : le travail préparatoire pour cette loi programme aura permis de faire le tour de 13 communes, avec seize forums et événements distincts, pour un total de 1.000 participants.
L’égalité en matière de droits sociaux pour le dernier forum
Pour rappel, cette consultation annoncée par Sébastien Lecornu le 31 mars dernier à l’occasion des dix ans de la départementalisation, devait s’articuler autour de cinq thèmes : l’égalité en matière de droits sociaux ; le renforcement de l’État régalien afin de faire face aux enjeux sécuritaires, migratoires et de sécurité civile ; l’accélération du développement de Mayotte ; le renforcement du Conseil départemental ; la jeunesse et l’insertion. Et si c’est le dernier qui aura davantage fait travailler les méninges, avec plus de 80 propositions reçues, c’est le premier axe qui devait clore les débats ce vendredi.
Un enjeu tout aussi crucial pour Mayotte, comme l’ont exposé la commissaire à la vie des entreprises et au développement productif (CVEDP) Marjorie Paquet, ex-directrice de la DIECCTE (direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), et la directrice de la CSSM (Caisse de sécurité sociale de Mayotte), Ymane Alihamidi-Chanfi. Malgré l’entrée en vigueur du code du travail de droit commun depuis 2018, le montant du SMIC à Mayotte reste inférieur à celui de l’Hexagone ou des autres Outre-mer, a rappelé la commissaire. Et “il n’y aura d’égalité en matière de droits sociaux que quand le code de la sécurité sociale s’appliquera à Mayotte”, a souligné pour sa part la patronne de la CSSM.
“Il faut aussi soutenir des valeurs”
Mais très vite, les échanges ont dépassé le cadre initial de ce forum. Les titres de séjour trop restrictifs accordés dans le 101ème département se sont ainsi invités à cette dernière consultation. “Quelqu’un qui a un titre d’un an ne bénéficie pas des aides au logement, alors qu’en métropole, il suffit d’un an. Ces titres de séjour temporaires ne permettent pas aux gens de partir mais pas non plus de bénéficier des droits… Et on bloque les gens, ici à Mayotte”, a par exemple déploré un éducateur sportif et chargé d’insertion et d’emploi à la municipalité de Koungou. “On a besoin que ces personnes puissent accéder à des titres de 10 ans pour pouvoir évoluer dans le parc social”, a abondé une autre administratrice de l’intercommunalité du nord.
Et plus largement, c’est la place des étrangers à Mayotte, source de crispations quotidiennes, qui a alimenté les échanges. “Il faut aussi soutenir des valeurs. À Mayotte, les étrangers ne sont pas suffisamment protégés. On parle beaucoup d’immigration clandestine mais il est urgent de poser les bases : si Mayotte se développe, Mayotte attire autour de soi et les populations qui viennent chez nous ont le droit à une protection, tout cela contribue à la cohésion sociale et à la paix”, a-t-on pu entendre, de même qu’une proposition pour régulariser massivement certains étrangers en situation irrégulière sur le territoire depuis des dizaines d’années. “Je ne pense pas qu’on soit à la veille d’une régularisation massive, je vous le dis franchement”, a rétorqué le préfet Jean-François Colombet en mentionnant entre autres les 150 visas bricolés chaque année par la préfecture pour des jeunes étrangers afin de leur permettre de poursuivre leurs études. Et de rappeler une proposition déjà formulée pendant les deux semaines passées : celle d’un titre de séjour au mérite pour les étrangers qui n’ont, en substance, “pas fait de vagues”. Prêt à distribuer les bons points !