Les ministres de l’Outre-mer et de l’Intérieur, Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin, arrivent ce samedi dans le 101ème département pour une visite de quatre jours. Loi Mayotte, insécurité, crise sanitaire… Les deux membres du gouvernement sont attendus de pied ferme pour répondre à ces enjeux primordiaux. En exclusivité pour Flash Infos, ils répondent aux critiques d’une partie de la population et posent les jalons de leur vision stratégique pour le territoire.
Flash Infos : Après plusieurs annonces suivies de reports, vous posez enfin les pieds ce samedi à Mayotte. Votre venue était très attendue quelques mois plus tôt, après la série de trois meurtres en Petite-Terre puis l’assassinat de deux lycéens en moins d’une semaine. Comment expliquer aux Mahorais cette visite tardive au regard des événements ?
Sébastien Lecornu : J’ai exprimé dès le début de mon arrivée au ministère ma volonté de venir à Mayotte. Je connais déjà, par ailleurs, bien le territoire pour m’y être déjà rendu. Hélas, la crise sanitaire en a malheureusement décidé autrement. Pour autant, cela ne nous a pas empêché d’agir. Faire une visite sans annonce concrète est une chose, mais venir – certes plus tard – avec des dossiers qui vont concrètement avancer, c’est beaucoup mieux ! C’est tout le sens de ce que j’ai impulsé avec ce futur projet de loi programme pour Mayotte, notamment pour les dix ans de la départementalisation.
Gérald Darmanin : Mayotte est pourtant bien présente dans mon quotidien de ministre de l’Intérieur depuis mon arrivée. Je m’étais engagé voilà plusieurs mois à venir à Mayotte pendant plusieurs jours, mais tout comme le ministre des Outre-mer, la situation sanitaire nous a poussé à reporter cette visite. Dans l’attente, différents acteurs de l’archipel ont été reçus par mon cabinet lors de leur passage à Paris, et il ne se passe pas une semaine sans que le préfet, mais également les directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des étrangers en France, ne me fassent un point complet sur la situation mahoraise et les dossiers qui nous occupent. Ces directeurs m’accompagnent d’ailleurs dans cette visite, afin de travailler efficacement, au contact des forces et des agents sur le terrain, pour faire avancer ces dossiers. Je connais les défis particuliers de Mayotte et j’ai veillé personnellement à ce que des moyens exceptionnels soient mobilisés lors des épisodes dramatiques que vous mentionnez. De la même manière, nous avons veillé, avec le ministre des Outre-mer, à renforcer encore pour cette année 2021 les effectifs de la police et de la gendarmerie, notamment s’agissant des brigades nautiques de la gendarmerie et de la police, dont les effectifs ont doublé depuis 2017. Je suis donc heureux aujourd’hui de pouvoir être à Mayotte pour approfondir, auprès de nos effectifs et des élus, les travaux engagés : c’est bien ici que les bonnes décisions doivent se prendre pour répondre aux défis qui se posent en matière de sécurité.
FI : Sur un autre registre, Mayotte, territoire particulièrement attaché à la République française, fêtait en mars derniers les dix ans de la départementalisation. Pourquoi ne pas avoir fait le déplacement cette fois-là alors que vous aviez une annonce forte à faire, celle qui vous amène finalement aujourd’hui : la loi Mayotte ?
S. L. : Tout simplement parce que nous ne pouvions pas encore nous faire vacciner ! Mayotte sortait à peine de la crise sanitaire qui avait touché le territoire et nous ne voulions prendre aucun risque : nous avions mis en place des mesures d’isolement à l’aller et au retour pour protéger les Mahoraises et Mahorais d’une éventuelle autre vague. Il vaut mieux un échange à distance, suivi d’effets concrets, qu’une visite ministérielle sans lendemain ! Hélas, nous en avons connu dans le passé… Le succès des consultations citoyennes qui ont suivi cette annonce témoigne que la méthode était la bonne. Le fond, plutôt que la forme…
FI : Justement, où en est la préparation du texte sachant que la synthèse de la consultation a été envoyée en juillet et qu’il est question d’avancer vite sur ce projet de loi ?
S. L. : Mon objectif est clair : présenter en Conseil des ministres le projet de loi avant la fin du mois de janvier prochain. J’ai été transparent dès le début, nous ne pourrons hélas pas entamer la discussion parlementaire sous cette mandature. Mais au moins, notre ambition pour Mayotte sera définie et tout sera prêt pour le début du prochain quinquennat. Après plusieurs mois de travail – dont une réunion des ministres autour du premier ministre hier même (mercredi) – j’arrive avec des avancées concrètes. Autour des cinq thématiques que j’avais définies pour structurer ce projet (aller vers plus d’égalité en matière de droits sociaux, le renforcement de l’État régalien afin de faire face aux enjeux sécuritaires, migratoires et de sécurité civile, l’accélération du développement de Mayotte, le renforcement du conseil départemental, la jeunesse et l’insertion ) – je vais commencer à donner des orientations précises de ce que nous, avec le président de la République, le premier ministre et l’ensemble du gouvernement, voulons faire pour le territoire. Ce projet de loi et les échanges entre ministres ont aussi permis d’identifier des mesures que nous pouvons prendre sans passer par la loi. Ce déplacement servira à les annoncer et les expliquer. À ce titre, la présence du ministre de l’Intérieur à mes côtés est importante, car le projet de loi doit aussi s’articuler avec des annonces structurantes d’un point de vue régalien.
G. D. : Le ministère de l’Intérieur prendra toute sa part dans ce projet de loi déterminant pour les Mahoraises et les Mahorais. Mon premier objectif est de poursuivre le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine. C’est également l’une des attentes prioritaires des habitants ici. Nous irons donc plus loin, au-delà de la mobilisation des moyens que le président de la République a engagé. Les règles d’acquisition de la nationalité par le droit du sol ont été durcies spécifiquement pour Mayotte en 2018, nous irons plus loin dans la loi à venir, par un nouveau durcissement des conditions. Il s’agira également de mieux réguler l’immigration familiale.
FI : Vous vous doutez que les Mahorais sont sceptiques après les nombreux plans pour Mayotte rédigés depuis plusieurs décennies… En deux mots, qu’est-ce que cette loi va changer dans le quotidien des habitants ?
S. L. : Un projet de loi, ce n’est pas un simple plan ! De plus, c’est rare qu’un projet de loi soit consacré uniquement à un territoire, et c’est la première fois qu’un projet de loi est consacré à Mayotte ! Il y a certes eu des plans précédemment, avec des résultats concrets, mais un projet de loi ce n’est pas pareil. Cela mobilise l’ensemble du gouvernement, le Parlement, et cela nous permet d’inscrire de manière structurante des avancées concrètes de premier ordre : ce ne sont pas des mesurettes conjoncturelles. Cette fois, on change la loi pour prendre en compte, dans la République, les enjeux spécifiques de Mayotte, et de par là-même améliorer et parachever une départementalisation réussie. Je pense notamment au droit de la nationalité pour lutter contre l’immigration clandestine ou à l’adaptation des normes de construction pour développer plus rapidement les infrastructures et le logement sur le territoire, tout en respectant le patrimoine naturel exceptionnel de l’archipel. Prendre en compte ses particularités, mais offrir la même promesse républicaine partout en France, y compris sur le territoire mahorais. La convergence vers l’égalité des droits constitue l’un des sujets importants sur lequel nous avons d’ores et déjà pris des décisions très importantes dans le cadre de la mandature actuelle. Si je veux que les Mahoraises et Mahorais ne retiennent qu’une seule chose de ce projet de loi, c’est que cette fois, nous voulons aller vite pour développer le territoire. Je sais qu’ils en ont marre d’attendre, et il y a urgence !
FI : Les attentes sont aussi très fortes concernant l’immigration clandestine. Le gouvernement d’Emmanuel Macron n’a eu de cesse de communiquer sur le renforcement des moyens de la LIC (opération Shikandra, destruction des bidonvilles avec la loi Elan…). Si les chiffres semblent probants sur le papier, la population dénonce toujours sur le terrain les arrivées massives de kwassas kwassas, et a le sentiment très ancré qu’elles pourraient toutes être empêchées grâce aux technologies modernes… Que répondez-vous face à ces critiques ?
G. D. : Les chiffres sont pourtant très parlants, l’opération Shikandra a permis d’obtenir de vrais succès : en 2019, dernière année de référence, nous avons atteint un niveau record d’éloignement avec 27.400 éloignements. Depuis le 1er janvier, 14.700 éloignements ont été conduits, et ceci malgré les très nombreuses contraintes sanitaires. Depuis le début de l’année 2021, 75% des kwassas kwassas détectés ont été interceptés ou ont fait demi-tour : comparé à 2019, ce sont plus de 1.300 étrangers en situation irrégulière qui n’ont pas réussi à atteindre Mayotte. Les opérations de destruction des bidonvilles se poursuivent, elles sont concrètes et visibles pour les habitants. Nous allons poursuivre et accentuer notre mobilisation, par le recours à la surveillance aérienne, qui reprendra dans les jours à venir et, je suis en mesure de vous l’annoncer, sera totalement pérennisée en 2022. De nouveaux intercepteurs plus performants sont en construction et seront livrés début 2022. Le dispositif est donc en constant renforcement et amélioration. Les Mahorais ne doivent pas avoir de doute, sur ce sujet, notre détermination est totale.
FI : Plus précisément au sujet de l’insécurité, le gouvernement met en avant la hausse constante des effectifs (gendarmerie et police). Pourtant, les chiffres de la délinquance explosent. Face à un sentiment d’abandon, on constate de plus en plus d’appels à se faire justice soi-même. Comment comptez-vous regagner la confiance des Mahorais ?
G. D. : Dès son élection, le président de la République a décidé d’augmenter de 10.000 le nombre de policiers et gendarmes en France. Grâce aux parlementaires de la majorité qui ont voté cet effort important, et je salue ici la députée Ali Ramlati ainsi que nos deux sénateurs Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté de 45% depuis 2017, cela représente 381 policiers et gendarmes nets de plus en quatre ans, aucun autre territoire n’a bénéficié d’un tel renforcement des effectifs. Cet effort est justifié par la pression migratoire, mais également par la violence que subissent ici nos concitoyens. En début d’année, et en lien étroit avec le ministre des Outre-mer, j’ai décidé l’envoi très rapide de renforts pour faire face à cette violence : deux pelotons de gendarmes mobiles et une dizaine d’enquêteurs de gendarmerie, soit 42 gendarmes projetés rapidement. Notre objectif était bien de sécuriser le territoire, de mettre fin aux violences, mais également d’interpeller plus rapidement les auteurs pour les mettre à la disposition de la Justice. C’est ce qui a été fait car douze individus ont été interpellés puis placés sous écrous dans le cadre de trois homicides, faisant suite à des affrontements entre bandes. Seul ce travail de présence sur le terrain et d’enquête permettra d’obtenir des résultats durables. La lutte contre cette délinquance de plus en plus violente constitue l’un des objectifs que je fixe au préfet de Mayotte et aux forces de police et de gendarmerie, je leur rappellerai au cours de mon déplacement. Mais pour aller plus loin, nous aurons besoin du soutien des élus pour développer encore la médiation sociale, la vidéoprotection, les polices municipales : c’est parce que nous aurons une réponse globale et cohérente que nous ferons reculer cette violence et ces phénomènes de bande. L’État sera à leurs côtés pour progresser sur ces sujets.
FI : À l’inverse des autres DOM, Mayotte n’est pas encore touchée par la « quatrième » vague. Quelles décisions fortes comptez-vous prendre pour que l’île aux parfums ne revive pas un pic épidémique comme en début d’année civile ?
S. L. : Je ne cesserai de le redire : la seule solution pour se protéger du virus et de ses variants, c’est la vaccination ! Si nous voulons éviter à Mayotte ce que nous vivons dans les Antilles et en Polynésie – et j’aurais l’occasion de le dire sur place – il faut se faire vacciner. Les doses sont présentes en nombre sur le territoire, Mayotte, comme tous les Outre-mer, ont été les premiers territoires dotés de la République ; nous avons très tôt élargi la cible vaccinale pour tenir compte des spécificités de la pyramide des âges de Mayotte ; les centres de vaccinations sont présents en nombre et je tiens à saluer le dévouement des élus et des volontaires. Il faut maintenant poursuivre l’effort et que chacun aille se faire vacciner, ou puisse convaincre son entourage si c’est déjà fait pour lui. Je peux comprendre qu’il faille faire de la pédagogie autour de ce vaccin, nous continuerons à le faire, mais nous sommes dans une course contre la montre face à cette épidémie.
Pendant ce temps-là, l’équipe du Petit Dom les attend de pied ferme
C’est devenu une tradition. Depuis 2015, toute visite ministérielle s’accompagne d’un bizutage respectueux, mais incisif du Petit Dom. La venue de Sébastien Lecornu et de Gérald Darmanin ne dérogent pas à cette règle, malgré leurs annulations à répétition « qui ont bien failli nous lasser ». Voici le message retranscrit en intégralité :
On n’y croyait plus ! Je viens – Je viens plus ! Je viens-je viens plus !
Bon c’est vrai aussi que y’a des sujets bien plus essentiels que les 375 km2 de terres tropicales plantées au beau milieu des îles de la Lune…
Mais alors du coup… On ne sait plus trop…
Visite de courtoisie ? Loi programme ? Vigilance sanitaire ? Misère humaine ? Rattrapage social ? Détresse sécuritaire ? Grands projets ?
Allez hop ! Vous avez 4 jours pour régler tout ça !!!
Bah oui, mais à force de reculer… Faut sauter plus haut, et plus loin !
En attendant, notre Petit Dom, il est bien énervé ! Ça fait si longtemps qu’il dénonce et que rien (ou pas grand-chose) ne change…
Les gosses viennent toujours à l’école pour avoir le goûter, au collège pour avoir la collation, et au lycée pour… se sentir en sécurité !
– Les promeneurs se comparent les cicatrices et les porte monnaies vidés,
– les automobilistes font toujours le bonheur des carrossiers,
– les travailleurs ne décollent plus le pied gauche de l’embrayage,
– les scootéristes se foutent du masque mais louent le casque, (et les coudières, et les genouillères, et les armures…),
– les restaurateurs usent leurs casseroles au rythme de nos QR codes,
– les chefs d’entreprises pansent leurs salariés éborgnés (et leur compte d’exploitation 2020),
– les villageois, passé le soir, tremblent toujours sous leurs draps,
– les fonctionnaires sont toujours ravis de faire leur rentrée au commissariat,
– les touristes sont toujours surpris qu’on les salue à coup de Chombo,
– les assoiffés subissent toujours les affres d’incompétents escrocs libres comme l’air (bah voui… C’est comme ça !).
Qu’est-ce qu’on oublie encore… ? …
Ah si… Ce qui change assurément, c’est que grâce au Pass sanitaire, maintenant, on se sent en « sécurité » !!! C’était vraiment prioritaire à Mayotte. Merci.
Nous vous souhaitons quand même une belle visite de notre île aux parpaings… N’en veuillez pas à notre Petit Dom de la ponctuer de quelques petites insolences !
L’équipe du Collectif Ton Petit Dom
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.