Ce mercredi 5 mai s’est déroulé le premier forum citoyen à Dembéni dans le cadre de la concertation préparatoire au projet de loi « Mayotte ». Les habitants ont répondu en masse à l’appel de la préfecture et ont pu partager, sans filtre, leurs idées. Tous y sont allés de leurs revendications plus ou moins loufoques. Pêle-mêle.
Papier entre les mains, Hamadi Mroudjae parcourt une dernière fois ses quelques mots avant de se lancer dans le grand bain. Le passage en revue des cinq grands thèmes (l’égalité en matière de droits sociaux, le renforcement de l’État régalien, l’accélération du développement, le renforcement du conseil départemental, la jeunesse et l’insertion) annonce l’ouverture ce mercredi 5 mai de la première concertation à la Maison pour tous de Dembéni en vue de la préparation du projet loi « Mayotte ». « C’est maintenant à vous de vous exprimer, c’est votre moment. Tout ce que vous direz sera noté et synthétisé et remontera au ministre des Outre-mer », précise le préfet, Jean-François Colombet, en guise de coup d’envoi. Kofia sur la tête et veston trop large sur les épaules, le président des agriculteurs de la commune se lance dans un one man show endiablé. Son aura et sa gesticulation détonnent et réveillent même une assemblée, tantôt piquante, tantôt somnolente.
« Il manque des centres de formation professionnelle pour les déscolarisés. Il en faut rapidement, nous sommes pris à la gorge. C’est une catastrophe, nous sommes dépassés par les événements », pointe du doigt le notable de Tsararano, qui milite pour juger les délinquants dans leur pays d’origine et construire un centre éducatif fermé sur l’île aux parfums. Tout naturellement, l’immigration clandestine est au cœur de toutes les interventions. « Il faut demander l’aide de l’Europe pour surveiller les frontières », insiste Hamadi Mroudjae. Un souhait partagé par Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du Département, toujours à l’affût pour réclamer publiquement la venue de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.
Reconduire les mères et leurs enfants
Casquette vissée sur le caillou, un habitant – qui n’a pas souhaité décliner son identité – propose pour sa part des mesures drastiques dans l’espoir de lutter contre l’explosion des naissances issues de mères étrangères. « Pour décourager ces arrivées massives, il faudrait que les femmes en situation irrégulière qui accouchent au CHM fassent l’objet d’une reconduite systématique avec leur bébé », préconise-t-il, sans sourciller. Autre nécessité à ses yeux : les deux parents doivent justifier dix ans de séjour sur le territoire. Dans le cas contraire, « aucun développement ne sera possible, nous passerons notre temps à construire des salles de classe ». Une hypothèse acclamée par une grande partie des 150 convives du jour.
D’autres sujets animent particulièrement le débat. À l’instar de la convergence rapide des droits sociaux, prônée par Zouhoura Attoumani, éducatrice spécialisée. Une manière selon elle d’enterrer la hache de guerre avec La Réunion. D’ailleurs, Taendhum Anassa, DGA ressource au sein de la mairie hôte, veut voir le délai de ce rattrapage, initialement prévu pour 2036, divisé « par trois au minimum ». Et en profite pour exiger « une cotisation retraite pour tous ». Sur ce volet-là, le député LR Mansour Kamardine ne cache pas non plus son exaspération. « Nous ne voulons pas une énième ordonnance, mais une extension des codes du travail, de la santé et de la sécurité sociale dès le 1er janvier », résume le parlementaire. Selon lui, il s’agit ni plus ni moins d’un gage de respect à l’égard de la population du 101ème département. « Si nous ne convergeons pas, les Mahorais vont continuer à fuir le territoire… Et ça, c’est triste ! », déplore-t-il au terme de son allocution.
Si la concertation permet de donner successivement la parole aux élus et aux citoyens, Bacar Kassime ne l’entend pas de cette oreille. « Il y a deux débats : celui des officiels à l’avant et le nôtre à l’arrière », se désole-t-il, déçu par la même occasion de l’absence de représentants de l’institution judiciaire. Car à ses yeux, il faut « durcir les sanctions à l’encontre des mineurs ». Au point de remonter dans le temps pour exposer l’état de la violence sur l’île. « Il y a 15 ans, nous nous faisions agresser à coup de marteaux, de machettes, de pierres et de tournevis. Aujourd’hui, nous parlons de ciseaux, de matériel pédagogique scolaire… Si nous laissons faire, il sera banni du milieu éducatif », avance-t-il, avec une pointe d’humour. Avant de lancer un coup d’œil vigilant vers les assesseurs, pour s’assurer qu’ils prennent scrupuleusement ses idées en note, comme on lui avait promis une heure plus tôt. Croix de bras, croix de fer !