Loi d’urgence : Le Département de Mayotte émet un avis réservé face aux premières dispositions

Pour la loi d’urgence proposée en conseil des ministres ce mercredi, ainsi que pour le plan “Mayotte Debout”, les élus mahorais font part de leurs réserves quant aux dispositions censées répondre aux besoins du département touché par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre. Toutefois, il y a peu de chances qu’ils soient écoutés, le gouvernement n’ayant pas demandé leur avis.

Que contient le texte ?

La loi d’urgence comporte 22 articles répartis dans sept chapitres. Les quatorze premiers (soit cinq chapitres) sont dédiés uniquement à la construction. Comme annoncé par François Bayrou, le Premier ministre, lundi 30 décembre, dans l’enceinte même du conseil départemental de Mayotte, les mesures visent à simplifier et accélérer les procédures pour reconstruire plus vite. Cela comprend la création d’un établissement public, le financement des travaux des écoles par l’État, des dérogations aux règles d’urbanisme, de maîtrise du foncier et des allégements en termes de marchés publics.

Le reste porte sur la facilitation des dons à destination de Mayotte ou des mesures économiques (activité partielle, suspension des cotisations sociales, prolongation des droits au chômage).

Qu’est-ce qui déplaît aux élus ?

Plusieurs choses, mais c’est le futur établissement public dédié à la refondation de Mayotte (sur le modèle de celui créé pour Notre-Dame-de-Paris) qui inquiète davantage le conseil départemental de Mayotte (les maires et les parlementaires ont participé aussi à la rédaction d’amendements). Le gouvernement a, en effet, l’objectif de « confier à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte la mission de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, en lien avec les ministères et leurs opérateurs et de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction ». L’idée n’est pas nouvelle, elle apparaissait dans une version antérieure de la loi Mayotte (rejetée par le Département en janvier 2022). Cependant, elle n’a toujours pas le succès escompté, trois ans après. « Il est indispensable dans l’esprit de la reconstruction de Mayotte que le président soit un président exécutif issu des collectivités locales, président du conseil départemental ou maire, de façon à mettre en avant les élus du département et favoriser ainsi la réussite des opérations tout en limitant autant que faire se peut l’exposition à la critique », défend le CD dans sa contribution, alors qu’un avis réservé a été voté à l’unanimitéau sujet de cette loi d’urgence. « On nous ressert une structure dans laquelle les élus locaux n’ont pas pied », déplore Soula Saïd Souffou. Le conseiller départemental du canton de Sada-Chirongui pointe aussi une démarche qui “n’est pas conforme” aux promesses d’associer les Mahorais puisque le Département a dû s’autosaisir pour émettre un avis.

Sur les expropriations aussi, autorisées par l’article 10, les élus mahorais se veulent vigilants. Les élus tiennent à affirmer leur attachement au droit de la propriété. En cas d’expropriation, ils demandent à l’État de veiller à une juste indemnisation du propriétaire tenant compte de la valeur réelle du bien exproprié ou à défaut de procéder à un échange par un bien équivalent”, défendent-ils.

Qu’ont-ils proposé ?

Sur les hébergements d’urgence, le conseil départemental de Mayotte demande à ce qu’ils soient en dur et aux normes sismiques et cycloniques. “La vraie question est celle de la reconstruction des habitats illégaux (bangas). Le projet de texte n’est pas explicite sur cette question qui est essentielle aux yeux des mahorais et de leurs élus. Politiquement et juridiquement, il paraît indispensable de prévoir un durcissement des mesures visant à empêcher la construction ou la reconstruction de ces habitats par-delà les dispositifs dérogatoires existants”, rappellent les élus locaux. Dans les autres propositions du territoire, sur la reconstruction, il est proposé que “les constructions doivent être nouvelles et non à l’identiques afin d’éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets en cas de nouveau cyclone” ou encore sur la commande publique, les élus estiment que “l’éviction de la publicité paraît bien dangereuse et susceptible de favoriser toutes les fraudes” et disent préférer “une diminution de la durée de publication pour tenir compte de l’urgence”.

C’est quoi la suite ?

Sans grande surprise, la loi d’urgence dont tous les ministres ont eu connaissance, ce mercredi, sera peu ou prou la même que celle qui a été envoyée aux élus mahorais au cours du dernier week-end, avant son arrivée au Parlement, le lundi 13 janvier. La concertation au niveau local, en tout cas celle défendue par Manuel Valls, ministre de l’Outremer, pendant les quelques jours pendant lesquels il était à Mayotte,concernera davantage la loi programme prévue “dans les trois mois”.

Un plan “Mayotte Debout” pas satisfaisant non plus

Dévoilé dans l’enceinte même du conseil départemental de Mayotte, le 30 décembre, le plan “Mayotte Debout” (qui comprend la loi d’urgence de ce mercredi) a subi le même sort que la loi présentée en conseil des ministres. Les élus ont estimé qu’il pouvait aussi être amélioré et ont, là aussi, émis un avis réservé à l’unanimité. Dans leurs remarques, ils demandent par exemple l’enfouissement total du réseau électrique, pas de factures d’électricité pour les six prochains mois, pareil pour les factures d’eau, le plafonnement du prix des bouteilles d’eau, un fond d’urgence catastrophe naturelle pour la reconstruction, notamment ceux qui ne sont pas assurés, la suspension de l’inscription de nouveaux élèves ayant des parents en situation irrégulière pour les cinq prochaines années, la reconstruction du CHM ou encore le plafonnement du prix des billets d’avion vers Paris (800 euros l’aller-retour) et La Réunion (300 euros l’aller-retour).

La convention avec la Croix Rouge adoptée

Comme lundi, le débat sur la signature de la convention avec la Croix Rouge est revenu sur le tapis. Le président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, avait reconnu qu’en absence de ladite convention (octroyant vingt millions d’euros à la Croix Rouge), le report était de circonstance. Sauf que ce mercredi, le document n’était toujours pas présenté lors de cette assemblée plénière extraordinaire. En conséquence, et parce qu’ils considéraient n’avoir pas assez d’informations, trois élus de l’opposition n’ont pas souhaité valider ce rapport. Elyassir Manroufou (Mamoudzou 2) et Soula Saïd Soufou ont voté contre, Hélène Pollozec (Mamoudzou 3) a préféré s’abstenir.

Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.

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