L’équipe municipale de Pamandzi sens dessus dessous

Les élections sénatoriales s’annoncent dangereuses pour la survie de la majorité municipale actuelle à Pamandzi. L’opposition se renforce avec l’arrivée de deux adjoints de Madi Madi Souf, ce dernier voyant son fauteuil du premier magistrat de plus en plus contester. L’antagonisme entre lui et le président du l’intercommunalité de Petite-Terre, Saïd Omar Oili (candidat déclaré aux sénatoriales), refait surface parmi les sujets de discorde avec les conseillers municipaux frondeurs.

C’est une situation particulière qui prévaut dans la commune de Pamandzi depuis plusieurs mois. D’abord l’opposition (chose somme toute normale en démocratie, à chacun son rôle) qui dénonce un virement autoritaire et des propos désobligeants du maire et de son premier adjoint, Ibrahim Madi Mdhoihoma, puis timidement des élus de la majorité municipale. L’on s’en souvient, à l’occasion du blocage récemment de l’accès à l’hôtel de ville par certains administrés, ce dernier s’était suffisamment exprimé dans les médias pour rejeter toutes ces accusations portées à son encontre. Cependant, ça n’a pas réussi tout le monde, car ils sont au moins trois élus à avoir franchi le Rubicon et fait basculer la majorité au conseil municipal.

L’ambiance n’était d’ailleurs plus à l’union dans l’équipe conduite par le maire vendredi soir. Convoqué sur la base d’un ordre du jour unique, le conseil municipal s’est réuni à 17 h dans l’objectif de désigner neuf suppléants aux délégués qui devront prendre part aux élections prochaines des deux futurs sénateurs de Mayotte. Le maire étant absent du département, c’est son premier adjoint qui a présidé la séance. À l’ouverture des travaux, il désigne une secrétaire de séance, sans demander l’approbation de l’assemblée municipale, provoquant une réaction de l’opposition. Celle-ci lui fait savoir que « le maire et lui sont coutumiers de cette façon de procéder qui est contraire à la règle ». Un élu de la majorité demande à s’exprimer avant les débats, mais le président de séance refuse, conditionnant toute prise de parole à l’évocation du seul sujet inscrit à l’ordre du jour. Devant la cacophonie qui en résulte, un élu de l’opposition demande à son tour à s’exprimer. Malgré la réitération de la position, le premier adjoint réussit toutefois à prendre la parole et à imposer le calme. Il explique alors à l’assemblée municipale qu’il va présenter au vote une liste de neuf élus devant suppléer les délégués qui prendront part au vote des deux futurs sénateurs de Mayotte. Il demande si l’opposition entend présenter une autre liste contre la sienne. La réponse est affirmative et il est procédé au choix des deux listes. La majorité municipale subit alors un important revers en recueillant onze voix seulement contre vingt pour celle de l’opposition (s’ajoutent un bulletin blanc et un autre nul dû à une absence de procuration). 

Une liste faite sans concertation

La messe est dite et les membres de cette nouvelle majorité numérique constituée décide de quitter aussitôt la salle du conseil. Sur le parking de l’hôtel de ville, la parole se libère pour expliquer ce revirement inattendu. La première salve vient de Mahmoud Yahaya fils, cinquième adjoint au maire en charge de l’administration. « Trop, c’est trop. Cela a assez duré, il était nécessaire de faire comprendre au maire que c’est terminé, nous ne laisserons plus poursuivre cette manière de procéder ». Il justifie son choix (et celui d’autres élus de la majorité) d’avoir préféré la liste de suppléants présentée par l’opposition par le manque de concertation par le maire qui aurait concocté sa liste à leur insu. Il explique que le défaut de concertation est devenu la norme chez Madi Madi Souf et son premier adjoint, les accusant de « désinvolture » face à tout, y compris des sujets cruciaux relatif au développement de la commune. Premier objet de critique, des projets de développement d’infrastructures portés par l’intercommunalité qui ne verront pas le jour suite au refus du maire de les valider. Informations vérifiées par Flash Infos, des délibérations de l’intercommunalité de Petite-Terre énumèrent effectivement une liste de projets dont les documents n’ont pas pu être envoyés au contrôle de légalité, faute d’avoir reçu l’approbation du maire de Pamandzi. « Nous avons été élus par nos concitoyens pour faire avancer la commune de Pamandzi et non être ses fossoyeurs », note Mahamoud Yahaya fils. Sur ce, arrive derrière lui, Siti Anli, deuxième adjointe au maire en charge du social. Elle aussi confirme avoir participé à la mise en échec de la liste des neuf suppléants présentée par la majorité. Le ton est le même que son collègue, « plus jamais cela ». Elle développe son propos sur la mésentente qui plombe la majorité depuis plusieurs mois déjà, et qui de nouveau refait surface à l’occasion de ce conseil municipal. « Comment voulez-vous travailler avec un maire qui est tout le temps absent de Mayotte, qui refuse tout débat interne à sa majorité et qui refuse tout échange et compromis sur des sujets cruciaux pour nos concitoyens ? Il n’a qu’une vision, la sienne, qu’il impose sur tous les sujets, envers et contre tout le monde. Son premier adjoint n’est pas mieux, c’est le champion des outrances verbaux, qui n’hésite pas à me traiter, moi, sa propre collègue, de « bouse de vache », et j’en passe. Les gens doivent savoir ce qui se passe dans ce conseil municipal. Nous, nous voulons des gens qui désirent réellement construire Pamandzi pour le meilleur de ses habitants et non des gens imbus de leur personne. » Ousseni Maandhui, premier élu de la majorité de Madi Madi Souf à avoir pris ses distances avec son équipe, confirme le sentiment général. « La séance de ce soir a été celle de trop. À partir de maintenant, tout est possible, y compris de signer une motion de défiance pour désigner un nouveau maire. Les Pamandziens méritent mieux que ça. Nous verrons cela calmement au cours des prochaines semaines. »

Déçus de la majorité et opposition dans le même camp

De son côté, l’opposition n’est pas en reste, elle demande elle aussi une motion de défiance en vue de faire destituer Madi Madi Souf. Autant dire un séisme politique si cela venait à se concrétiser car le susnommé n’est autre que le président de l’association des maires de Mayotte (AMM), un poids lourd dans l’élection des prochains sénateurs de Mayotte. Elle critique aussi la désinvolture permanente du maire devant quasiment tout ce qui ne vient pas de son initiative propre, « son ricanement face à tous les projets portés par l’intercommunalité de Petite-Terre ». À l’instar des adjoints frondeurs, elle confirme l’hostilité et le refus absolu du maire (qui n’a jamais accepté de siéger aux réunions de l’intercommunalité) d’évoquer tous projets portés par ses représentants au sein de cette institution. Une opposition qui prend acte de « la nouvelle majorité de progrès » numériquement constituée vendredi soir et demande à son tour la destitution du maire Madi Madi Souf dans l’intérêt supérieur de Pamandzi et ses habitants. Elle reproche au maire ses absences répétées du territoire et des réunions du conseil municipal. Pire, elle fait remarquer (éléments corroborés par les élus frondeurs de la majorité municipale) des déplacements hors territoire d’élus accompagnant ou pas le maire hors validation du conseil municipal. Ce serait le cas pour certains d’entre eux affirme l’opposition et les frondeurs de la majorité. « En tous cas, nous n’avons vu passer aucun projet de délibération au sujet de ces déplacements. Alors que nous avons la certitude qu’ils sont hors territoire avec lui et ce n’est pas un fait nouveau », affirme une éminence de l’opposition municipale. Madi Madi Souf que nous avons réussi également à joindre au téléphone, confirme bien son absence du territoire, mais défend ne pas connaître le déroulement de cette séance du conseil municipal de Pamandzi en date du 9 juin.

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