Dans la capitale Moroni, autrefois mieux lotie que l’arrière du pays, de nombreux quartiers ne sont alimentés que le soir, de 19h à 5h du matin. Une crise énergétique qui met en lumière l’échec du pouvoir d’Azali Assoumani qui, en huit ans, n’a pas réussi à résoudre les problèmes d’électricité, malgré les milliards de francs dépensés.
D’ici quelques mois, la campagne pour les élections présidentielle et gubernatoriales devra débuter. Si en 2017, soit donc un an après son retour dans les affaires, il se vantait d’être parvenu à ramener une stabilité énergétique, le président comorien Azali Assoumani risque de ne pas pouvoir compter sur cet argument pour sa réélection. L’Union des Comores, plus particulièrement l’île de la Grande Comore et celle d’Anjouan, font face depuis plus d’un mois à des longs délestages. A tel point que même la capitale jadis épargnée subit de plein fouet ces coupures qui perturbent déjà l’activité économique. Dans certains quartiers de Moroni, le courant ne revient que le soir. Par conséquent, les activités de la plupart des entreprises implantées dans ces zones tournent au ralenti. Le patron de Graphica, la société qui imprime les journaux comoriens, dit ne pas comprendre que la capitale soit alimentée uniquement le soir. « Nous passons toute la journée sans travailler. Normalement, il y a dix employés qui s’occupent des autres travaux comme les prospectus, les carnets scolaires, mais pas seulement. Maintenant, ils restent là sans rien faire », déplorait Hamidou Mhoma, contacté par Flash Infos.
Activités en stagnation
Dans son quartier, le courant ne revient qu’à partir de 19h. « Nous sommes traités comme la périphérie où on fournit l’énergie le soir pour regarder les télénovelas. Les entreprises de production et de service se meurent à petit feu dans l’indifférence de la société nationale de l’électricité. Le bémol, personne n’est en mesure de nous dire quand est-ce que ce calvaire prendra fin », a poursuivi le chef d’entreprises, qui rappelle qu’à cause de cette situation, ils risquent de ne pas être en mesure de respecter les délais fixés par leurs clients. Ce que le directeur de Graphica a décrit est loin d’être un cas isolé. En effet, à quelques mètres de son entreprise, dans la zone de Maluzini, au sud de la capitale, la souffrance reste la même. « Les délestages nous obligent à fermer tôt et cela nous handicape énormément dans notre activité. Le temps de travail est réduit et celui de nos coworkers locataires, est aussi touché », témoignait pour sa part Youssouf Abdoul-madjid, directeur des opérations de Comores Lab, l’un des plus importants espaces de coworking, d’entreprenariat et d’innovation du pays. L’entreprise dispose certes d’un générateur de secours, mais avec la hausse des prix des carburants, les charges ne font qu’augmenter. Youssouf Abdloumadjid démontre : « On est à près de cent litres la semaine. Cela fait partie de nos postes budgétaires les plus élevés en tenant compte de la maintenance qui dépend elle aussi des heures d’utilisation. L’absence de courant allonge les délais de livraison et alourdit par ailleurs les charges par ce que nous devons palier le courant public par un groupe électrogène ». A en croire le jeune directeur, ce quartier a toujours été délaissé même quand le reste de la capitale était alimentée régulièrement.
« La problématique du courant plus importante que l’eau »
Loin d’être épargné, le secteur de la transformation qui pourtant connaît une éclosion ne parvient pas à joindre les deux bouts. « Dans l’agroalimentaire, où un produit suit un circuit pour aller être transformé, nous sommes parfois contraints de le jeter s’il n’y a pas d’électricité. Ça dépend du type et de la qualité du produit. Donc la problématique du courant est plus importante que l’eau », a souligné un chef d’une entreprise de transformation qui, en cette période de délestages, n’a eu d’autre choix que d’imposer un chômage technique à une partie de ses employés. A noter que le retour de ces délestages soulève de nombreuses questions dans la mesure où depuis 2016, l’État dépense des milliards de francs pour l’achat de groupes, toujours pas en bon état, selon certains. Rien qu’en 2022, relevait le mois dernier le journal Al-Watwan, les autorités ont déboursé 3.144.000 euros pour acquérir des groupes destinés à la société nationale d’électricité (Sonelec). Un an plus tôt, le pays avait décaissé plus d’un million d’euros sans que les problèmes énergétiques ne soient résolus.
Si Mohéli ne connait pas de délestages ces temps-ci, cela ne veut pas dire pour autant que les autres îles se portent bien. Du côté de la Sonelec, l’on évoque pour le cas de la Grande Comore, une révision des groupes, lesquels auraient dépassé les horaires de fonctionnement. Aucune date pour la reprise de la fourniture du courant n’a en revanche été annoncée.