Pour le premier jour de sa nouvelle visite ministérielle, la quatrième en trois mois, Philippe Vigier a privilégié deux rendez-vous sans présence de la presse. Le ministre délégué à l’outremer s’est notamment entretenu un long moment, ce mardi, avec des représentants de la société civile et les élus à propos de la loi Mayotte, mais surtout de l’insécurité récurrente sur l’île.
Promise « dans les six mois » par Élisabeth Borne en juillet, la loi Mayotte est toujours en négociations. Elle a été notamment abordée, vendredi matin, au siège du ministère de l’Outremer, à Paris entre les élus mahorais et Philippe Vigier. Prolongeant le processus, le ministre chargé de l’Outremer a voulu reprendre la discussion sur le sol mahorais cette fois, après un comité de pilotage à la Case Rocher à Dzaoudzi. Ce mardi après-midi, le lieu choisi était l’hémicycle Bamana avec deux rendez-vous, un temps avec des représentants de la société civile, puis un autre en compagnie des élus mahorais (conseillers départementaux, maires, parlementaires) qui a duré deux heures. A la sortie du premier entretien, les participants ont noté qu’un sujet était évidemment sur toutes les lèvres plus que la loi Mayotte en elle-même, la sécurité. « A chaque fois que le ministre est là, il se passe des choses. C’était encore le cas ce matin à Dembéni. On a l’impression que c’est fait exprès », note Saïd Mouhoudhoiri, du collectif des citoyens 2018. Avec les Assoiffés de Mayotte, ainsi que le Codim (Comité de Défense des Intérêts de Mayotte), les collectifs ont demandé à l’unisson plus de mesures pour un retour au calme dans les villages mahorais (voir par ailleurs). Pour les collectifs, il faut instaurer « l’état d’urgence ». « Ça permettra de dégager des moyens exceptionnels pour lutter contre l’insécurité. Tant que cet état n’est pas décrété, le jeu de cache-cache continuera », constate Safina Soula, faisant de cette demande une priorité. Pareil pour le séjour territorialisé, qui empêche les personnes en situation légale à Mayotte de se rendre dans un autre département français, la militante le voit comme « une discrimination » pour une île faisant partie du territoire national.
Davantage à l’écoute
En septembre, élus et représentants de la société civile ont remis un document composé de 120 propositions au ministre pour que le gouvernement ait une base de travail en vue de l’élaboration de la loi Mayotte. Selon les participants aux deux réunions, le ministre n’est pas venu avec une contre-proposition, même s’il a semblé « à l’écoute ». Parlant « d’une énième réunion », Saïd Mouhoudhoiri attend plus de concret, rappelant que des promesses ont déjà été tenues. Le Mahorais, comme nombre des participants de cette réunion, a vu dans ce rendez-vous au siège du Département une préparation à la venue d’Élisabeth Borne, la Première ministre, la semaine prochaine.
Car la numéro 1 du gouvernement est fermement attendue, tant les problématiques s’amplifient dans le 101e département français. Et ce n’est pas Philippe Vigier qui a passé presque quatre heures dans l’hémicycle Bamana qui dira le contraire, promettant aux élus que « l’État est à leurs côtés » quand il était encore question d’insécurité. Enjeu important dans un territoire où la moitié de la population a moins de 18 ans, l’éducation a aussi été abordée. Comme nombre d’élus, les collectifs mahorais défendent une université de plein exercice « avec des formations de qualité ». Safina Soula fait d’ailleurs le lien avec la santé, rappelant qu’un nouvel hôpital à Combani nécessitera du personnel formé sur place, poussant pour la création d’un CHU (centre hospitalier universitaire). Concernant la crise de l’eau, pourtant sujet majeur ces derniers mois et sur lequel le ministre s’est beaucoup illustré, « elle a été survolée », concède les participants aux deux réunions.
Ce mercredi, le ministre se fera davantage visible avec la visite du pôle d’innovation intégré de Mayotte (PI2M) à Coconi, lauréat de l’appel à projets « Plan Innovation Outre-mer » de France 2030. Puis, il doit parler culture à Kawéni, d’abord avec les acteurs du secteur, puis en abordant la question des équipements au LPO de Kawéni.
Un sixième escadron de gendarmes mobiles envoyé
La flambée de violences dans les communes de Tsingoni, Koungou et Dembéni, a poussé Gérald Darmanin a envoyé un sixième escadron de gendarmes mobiles à Mayotte. « Pour rétablir intégralement l’ordre public à Mayotte, j’ai décidé de l’envoi d’un escadron supplémentaire de gendarmes mobiles. Nous sommes aux côtés des Mahorais pour lutter contre la délinquance », indique le ministre de l’Intérieur et de l’Outremer sur X. Ces 72 militaires s’ajoutent aux quatre escadrons permanents sur l’île et au cinquième venu en renfort à la rentrée.