Le Département de Mayotte à la peine dans la gestion des PMI

Depuis 2006, les PMI (protection maternelle et infantile), ces structures qui font le suivi des grossesses et de la santé des jeunes enfants, sont du ressort du conseil départemental de Mayotte. Une compétence qu’il a dû mal à assumer du fait de moyens limités et d’un manque de structuration, estime le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes.

Avec presque 11.000 naissances par an et une natalité largement supérieure à la métropole, les 17 PMI (protection maternelle et infantile) de Mayotte sont toujours aussi fréquentées et s’avèrent une charge importante pour le Département de Mayotte. La Chambre régionale des comptes de La Réunion-Mayotte vient une nouvelle fois d’en démontrer la preuve dans son dernier rapport. Elle y pointe encore des manquements à différents niveaux, comme l’absence d’un schéma directeur. « Le défaut de formalisation par le Département d’une vision pluriannuelle en matière de PMI s’accompagne d’une absence d’évaluation des actions conduites. L’estimation des besoins des populations n’est pas réalisée et aucun plan d’actions n’est défini pour les prochaines années », déplore l’organe qui évalue la conduite des politiques publiques. Elle en veut pour preuve les centres d’accueil qui attendent toujours leur reconstruction. « L’offre ne cesse de se contracter depuis 2007, année où il y avait alors 27 centres. En quinze ans, plus de 40 % des centres ont donc été supprimés. » Cependant, ce qui rassure la CRC, c’est que « la présentation du schéma aux élus départementaux, initialement prévue avant la fin 2022, a été reportée à la fin du premier trimestre 2023 »

Dans son fonctionnement, les PMI peinent aussi à assurer leurs missions. « L’offre de prestations de la PMI est loin des standards nationaux : trois consultations de grossesse au lieu de six, dépistage insuffisant des handicaps et de la malnutrition, traitement des maladies sexuellement transmissibles (MST) non proposé, etc. », est-il noté. L’instance donne toutefois des circonstances atténuantes à la collectivité. « Le Département de Mayotte n’est pas pour l’heure en mesure de relever seul ces défis. Il a besoin d’un accompagnement, d’autant plus que ses difficultés sont liées en partie aux effets d’un contexte migratoire sur lequel il n’a aucune prise. »

Une compensation douze ans après

Si l’argent est le nerf de la guerre, la responsabilité de l’État dans les difficultés des PMI n’est pas non plus écartée par l’instance. « La compensation tardive par l’État du transfert de la compétence PMI peut expliquer en partie les difficultés du Département de Mayotte à fixer ses objectifs et structurer l’exercice de ses missions en la matière », fait-elle remarquer. En effet, il a fallu douze ans pour que la France octroie 105,7 millions d’euros au Département au titre de la période 2009-2017. Et depuis 2018, une dotation annuelle de 14,5 millions est versée au budget annexe du CD.

En 2021 par exemple, les dépenses du budget SPE (PMI + Aide sociales à l’enfance) représentent ainsi près de 14 % de celles du budget consolidé du Département de Mayotte. En moyenne annuelle, les dépenses réelles de fonctionnement de la PMI, durant la période 2018-2021, représentent quinze millions d’euros. La dotation de l’État devrait normalement compenser ces dépenses, sauf que l’aide sociale à l’enfance (environ 28 millions d’euros par an) plombe le budget commun car l’ASE n’est financée que d’un tiers par l’État. Ces derniers mois, le conseil départemental de Mayotte n’a cessé d’alerter cette situation, menaçant de refuser l’accès de ses PMI aux non assurés sociaux. Ben Issa Ousseni, son président, souhaite ainsi pousser l’État à mettre davantage la main à la poche pour lui venir en aide.

La Chambre régionale des comptes partage le même avis dans son rapport. Toutefois, « si le Département de Mayotte venait à négocier et obtenir une nouvelle aide exceptionnelle pour la PMI, cette aide devrait en tout état de cause, selon la chambre, être subordonnée et conditionnée à l’amélioration de sa gestion, via un accompagnement formalisé par un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens faisant l’objet d’un suivi régulier, rigoureux et effectif », prévient-elle.

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