Laurent Wauquiez : « La remise en cause profonde du droit du sol que nous avons obtenue est un préalable »

Ce jeudi, lors de leur niche parlementaire, Les Républicains (LR), ont fait adopter à 162 voix contre 93 la proposition de loi portée par le député de la 1ère circonscription de la Manche, Philippe Gosselin, visant à restreindre davantage le droit du sol à Mayotte. Un vote qui s’est déroulé dans une ambiance extrêmement tendue à l’Assemblée nationale. Laurent Wauquiez, président du groupe LR, revient sur cette proposition de loi, qui doit maintenant passer par l’examen du Sénat.

Flash Infos : Lobtention de la nationalité française par le droit du sol était déjà restreinte à Mayotte depuis 2018. Pour rappel, à Mayotte, pour bénéficier du droit du sol, il est exigé qu’un des parents ait été en situation régulière au moins trois mois au moment de la naissance de l’enfant qui demande la nationalité. Que change la proposition de loi adoptée lors de la niche parlementaire de LR (Les Républicains) ce jeudi ? 

Laurent Wauquiez : Le sens de notre proposition de loi est de supprimer le droit du sol pour les immigrés illégaux à Mayotte. Aujourd’hui, on peut bénéficier du droit du sol pour acquérir la nationalité française si l’un des deux parents est en situation régulière depuis au moins trois mois au moment de la naissance. Notre proposition initiale est de durcir les conditions en instaurant des règles plus strictes : deux parents en résidence régulière, et ce avec un délai d’au moins un an.

F. I. : Pourquoi était-il important pour vous et pour LR de faire adopter une loi en ce sens ? Depuis combien de temps votre groupe travaille dessus ?

L. W. : Le soutien à nos compatriotes Mahorais est un engagement de longue date de notre famille politique. Nous échangeons et travaillons sur ces sujets en lien avec les élus du territoire, que ce soit Mansour Kamardine (ex-député LR de la 2ème circonscription de Mayotte, NDLR), Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou, ou encore le président du conseil départemental Ben Issa Ousseni. Il suffit de se rendre à Mayotte pour mesurer le poids de l’immigration illégale dans toutes les difficultés que connait l’archipel avec une pression démographique hors de contrôle qui déstabilise et fragilise l’ensemble des services publics. Cela fait des années que la question du droit du sol est sur la table. Des années que les Mahorais nous demandent d’agir. À la suite du cyclone, la situation de Mayotte a été remise en lumière au niveau national. On a débattu sur le fait qu’il y ait ou non une « submersion migratoire », s’il s’agissait d’un « sentiment » ou d’une réalité. Nous avons considéré que nous avions eu assez de débats. Il y a urgence. Le projet de loi d’exception pour reconstruire Mayotte ne traitait pas la question de l’immigration illégale. La Droite Républicaine a donc décidé d’inscrire la limitation du droit du sol dans sa journée d’initiative parlementaire. Nous n’avons plus besoin de bonnes intentions. Il était temps de passer des paroles aux actes.

F. I. : Que pensez-vous de lamendement du groupe d’Éric Ciotti adopté « par erreur » lors dune séance mouvementée au parlement, rallongeant la période de régularité des parents dun à trois ans ? Cela met-il en danger votre proposition vis-à-vis du Conseil constitutionnel ?

L. W. : Ce que révèle ce vote, c’est l’immense confusion qui régnait dans l’hémicycle avec une extrême-gauche qui a usé de tous les artifices pour faire obstruction à l’adoption de ce texte. Leur comportement indigne a installé une atmosphère chaotique au sein même de l’Assemblée nationale. Nous parlons quand même de députés français qui en sont à défendre le droit d’immigrés illégaux au détriment de citoyens français et à soutenir les prétentions territoriales d’un État étranger sur une portion du territoire national. Nous n’avons rien cédé et nous sommes parvenus à faire voter ce texte malgré leurs invectives et les méthodes. Nous allons maintenant travailler avec nos collègues sénateurs dans la poursuite du processus législatif. Notre priorité est de parvenir à l’adoption effective d’un texte qui soit applicable le plus rapidement possible et donc, bien sûr, conforme à la Constitution.

F. I. : Lefficacité des restrictions du droit du sol en place depuis 2018 à Mayotte na pas été démontrée depuis. Thani Mohamed Soilihi, lancien sénateur à lorigine de ce durcissement de la loi, a lui-même admis quil ne sagissait pas dune solution miracle. Ici, la population continue de se plaindre dune immigration clandestine grandissante, au point davoir bloqué le département avec des barrages lannée dernière. En quoi pensez-vous que les restrictions renforcées par votre proposition de loi peuvent permettre un résultat différent ?

L. W. : C’est précisément parce que les restrictions actuelles ne sont pas assez efficaces que nous voulons les renforcer. Quel est l’objectif de ce texte ? Casser l’appel d’air créé par les possibilités d’acquisition de la nationalité. Avec cette nouvelle loi les immigrés illégaux ne pourront plus obtenir le bénéfice du droit du sol, puisqu’il faudra que les deux parents soient en situation régulière au moment de la naissance. Cela étant dit, nous sommes très lucides. Il ne s’agit pas d’une mesure miracle. Il y a encore beaucoup à faire dans la lutte contre l’immigration illégale. C’est une première avancée.

F. I. : Au début de lannée 2024, les Forces Vives, mouvement populaire à lorigine des barrages et, dans lensemble, soutenu par la population, a essentiellement revendiqué la suppression du titre de séjour territorialisé, propre à Mayotte. La fin du droit du sol ou son durcissement ne faisaient pas partie de leurs revendications initiales. Pourquoi ne pas avoir proposé une loi allant vers la fin de la territorialisation du titre de séjour dans le département ?

L. W. : Je vous l’ai dit : c’est une première étape. La remise en cause profonde du droit du sol que nous avons obtenue est un préalable à l’ensemble des mesures que nous pouvons prendre à l’avenir pour lutter contre les flux d’immigration illégale à Mayotte.

F. I. : Ici, il est constaté sur le terrain que la plupart des immigrés, en arrivant à Mayotte, viennent davantage pour avoir de meilleures conditions de vie (accès à la santé, à l’éducation, fuir des régimes politiques oppressants), que pour obtenir la nationalité. Certains arrivent même sans savoir que le droit du sol existe. Cest dailleurs ce qui a rendu dubitatifs sur lefficacité de la fin du droit du sol certains habitants de l’île lorsque cette promesse a été faite par Gérald Darmanin en 2024, au moment des barrages, et que la revendication de la fin du titre de séjour territorialisé a été maintenue. Votre proposition de loi va vraisemblablement bénéficier dun accueil favorable sur le territoire, allant dans le sens de restreindre limmigration clandestine. Mais la crainte dune partie des Mahorais ici est que Mayotte soit utilisée politiquement, avec des mesures peu adaptées aux problématiques du département, pour ensuite faire passer ce type de loi au niveau national. Que répondez-vous aux Mahorais qui craignent cela ?

L. W. : Ne nous trompons pas de débat. Nous assumons clairement que le sujet de la limitation du droit du sol, et plus largement de la lutte contre l’immigration illégale, est une réflexion que nous devons avoir à l’échelle du territoire national. La question de la régulation de l’immigration concerne la France entière mais il est évident qu’elle se pose dans une proportion sans commune mesure à Mayotte, avec en plus l’enjeu immédiat de la reconstruction après le cyclone. Pour nous il n’y aucune ambiguïté. L’objet de cette proposition de loi est clair : répondre à l’urgence à Mayotte. C’est ce que nous avons défendu tout au long des débats dans l’hémicycle.

F. I. : Quel travail compte mettre en place votre parti politique pour continuer de lutter contre limmigration clandestine à Mayotte ?

L. W. : Premièrement nous allons nous assurer que cette loi aboutisse et entre en vigueur dès que possible. Ensuite, nous allons poursuivre le travail de fond avec des députés de notre famille politique qui se sont particulièrement engagés sur la situation de Mayotte, à commencer par Philippe Gosselin qui a porté notre proposition de loi. Le gouvernement a annoncé déposer un nouveau texte dans les prochaines semaines qui aborderait cette fois-ci la question de l’immigration. Ce sera l’occasion de défendre nos propositions et d’obtenir de nouvelles avancées.

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

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