Selon les Etats-Unis, la démocratie recule aux Comores alors que la future élection présidentielle est prévue en 2024.

Contrairement à l’an dernier, aucun cas de disparition n’a été relevé aux Comores en 2022. L’impunité en revanche, surtout au niveau des forces de sécurité, police et militaire constitue toujours un problème, déplorent les États-Unis. Washington publie chaque année un rapport retraçant l’évolution des droits humains dans le monde.  

Le département d’État américain a publié le 20 mars son rapport de l’année 2022 sur les pratiques en matière de droit de l’homme. Ce document très attendu rassemble les données de près de 198 pays et territoires à travers le monde.  Aux Comores, le rapport dont les Nations Unies obtiennent copie est presque passé inaperçu. Pourtant, il a été très critique envers les autorités étatiques. En effet, le département d’Etat a passé en revue plusieurs volets de la liberté : les violations et abus des droits de l’homme, l’insécurité, le respect de l’intégrité physique de la personne, les droits des minorités entre autres. « Comparé aux années précédentes, aucun meurtre arbitraire ou illégal n’a été signalé. Pas de rapport non plus faisant état d’une disparition par ou au nom des autorités gouvernementales », a d’abord relevé l’équivalent du ministère américain des Affaires étrangères. Néanmoins, l’impunité était un problème dans les forces de sécurité tant au sein de l’armée que la police. Rappelons que pas plus tard que le 1er mars dernier, l’opinion était scandalisée après l’éclatement de l’affaire Aymane. Ce jeune de 24 ans est décédé alors qu’il se trouvait en détention. Le corps qui présentait des sévices avait été emballé dans des sacs plastiques quand les gendarmes le remettaient à ses proches. Sa famille a accusé les forces de l’ordre de l’avoir « torturé à mort ». Face à la gravité des faits, le délégué chargé à la Défense, Youssoufa Mohamed Ali, a annoncé l’ouverture d’une enquête au niveau de l’état-major. Mais personne n’a jusqu’à lors vu les conclusions de celle-ci.

Peur de critiquer le pouvoir

Le département d’Etat déplore aussi une dégradation des libertés civiles.  « Les individus ne peuvent pas critiquer le gouvernement ou soulever des questions d’intérêt public sans contrainte. Les autorités auraient détenu des personnes pour avoir fait des déclarations publiques, critiques à l’égard du président y compris en ligne », dénonce le rapport d’une vingtaine de pages. Parallèlement, dans les médias, tout comme il a été noté l’an passé, l’autocensure perdure. « Les médias indépendants étaient actifs et exprimaient une variété de points de vue, mais avec un niveau croissant de restriction et d’autocensure en raison des représailles du gouvernement. Certains journalistes, la pratiquent en raison du risque de violence et de harcèlement », nous apprend le rapport. Celui-ci, a souligné par contre, que le gouvernement n’a pas limité ou perturbé l’accès à Internet, ni censuré le contenu en ligne. Aucun rapport crédible n’a relevé une surveillance exercée sur les conversations privées en ligne bien que des soupçons, avaient été relayées. Quant à la liberté de se rassembler, le tableau n’est pas du tout reluisant. « La constitution et la loi prévoient la liberté de réunion, mais le gouvernement ne la respectait pas souvent. Les organisateurs étaient tenus d’obtenir des permis et d’autres approbations pour des manifestations de quelque nature que ce soit sans oublier le risque potentiel d’être arrêté pour avoir organisé une manifestation illégale », dénonce le département d’Etat. Le cas cité est celui de la marche que des citoyens ont voulu organiser au moins de juin 2022 pour protester contre la cherté de la vie, notamment la hausse des prix des carburants.

Harcèlement des journalistes

Après avoir délivré son autorisation, le préfet de la capitale Moroni a sorti une autre note la veille, interdisant la tenue du rassemblement pour des raisons de sécurité. Le lendemain, les forces de l’ordre ont quadrillé la place de l’Indépendance, où la population devait se retrouver. « Un journaliste qui tentait de couvrir la manifestation a vu son téléphone portable détruit par la gendarmerie. Les autorités ont par la suite arrêté temporairement un étudiant qui a publié sur sa page Facebook des remarques sur cet acte », ont relevé les auteurs du rapport, dont les données sont compilées par les ambassades et consulats américains à l’étranger, et des responsables gouvernementaux étrangers. Dans la même période, les avocats du barreau de Moroni avaient été empêchés d’organiser un sit-in en soutien à un confrère suspendu suite à des propos tenus à l’endroit du chef du parquet. Sur la participation au processus électoral, il a été constaté que des partis d’opposition n’étaient pas libres d’organiser de rassemblements publics. Des pratiques qui restent toujours d’actualité. Malgré la publication fin avril d’une note du ministère de l’Intérieur assurant la levée de ces verrous, l’opposition était obligée de réunir ses troupes le 27 mai dernier dans un foyer pour dénoncer la politique d’Azali Assoumani et l’opération Wuambushu actuellement en cours à Mayotte.

Arrestations arbitraires

Dans les régions reculées, l’armée empêchait même les sympathisants de regagner Moroni. Le département d’État a épinglé également l’Union Comores pour son manque de transparence au sein du gouvernement. « Le personnel résident des diplomates, des Nations unies et des agences humanitaires a déclaré que la corruption était monnaie courante à tous les niveaux. Les citoyens paient des pots-de-vin pour se passer de la règlementation douanière, éviter des arrestations ou obtenir des rapports de police falsifiés », rapporte le document. Les arrestations arbitraires qui pourtant sont interdites par la constitution avaient été relevées en 2022. « Il y a eu des rapports faisant état de personnes détenues temporairement pour avoir organisé des manifestations politiques, exprimé leurs opinions politiques ou critiqué le gouvernement. En octobre, les gendarmes ont arrêté le militant politique Hachim Said Hassane à la suite de sa rencontre avec une délégation étrangère », a énuméré le bureau de la démocratie et des droits de l’homme du département d’État qui produit tous les rapports.

Dans le milieu carcéral, les conditions de la prison et du centre de détention sont restées difficiles et mettent la vie en danger, en particulier dans la prison d’Anjouan, en raison du surpeuplement et l’absence d’eau, et d’installations médicales adéquates.