Réuni en assemblée plénière, le Conseil économique social et environnemental de Mayotte (Cesem) a accueilli jeudi la délégation interministérielle qui doit établir un plan de développement pour Mayotte. Éducation, santé, ingénierie, immigration : de nombreux sujets ont été balayés. Morceaux choisis.
« C’est intéressant d’avoir le retour de personnes qualifiées », se réjouit Nicolas Clouet, inspecteur de l’administration de première classe et membre de la délégation interministérielle chargée d’élaborer un plan de développement pour Mayotte. Jeudi après-midi, cette dernière a dialogué avec les membres du Conseil économique social et environnemental de Mayotte (Cesem), réunis en assemblée plénière à l’hémicycle Bamana, à Mamoudzou.
Agriculture, économie, santé, mineurs isolés : pendant plus de deux heures, de nombreuses thématiques ont été abordées ; l’occasion pour la délégation d’apporter des précisions sur le plan qui sera présenté le 26 mai à Mayotte par la ministre des Outre-mer Annick Girardin.
« J’ai envoyé ce jour [jeudi, NDLR] une maquette de ce que pourrait être la plateforme d’ingénierie publique » qui ne s’inscrira pas « dans le fonctionnement habituel des services », souligne Nicolas Clouet. Le collectif d’agriculteurs et de pêcheurs pourra compter dessus pour mener à bien ses projets de deux abattoirs pour volailles, d’un abattoir pour bovins et d’un atelier de transformation alimentaire, cite en exemple l’inspecteur. « La plateforme a vocation à constituer les projets, à les accompagner (…) pour qu’ils puissent sortir le plus vite possible (…) Nous avons constaté que les fonds européens n’étaient pas suffisamment utilisés », précise-t-il.
Le double de voitures en 2030
« Ce territoire souffre d’un manque de pensée à long terme », ajoute Philippe Schmit, inspecteur général de l’administration du Développement durable. « Pour réussir à bâtir cette stratégie systémique (…) on est parti dans une réflexion à 2040. En 2030, c’est presque le double de voitures [sur l’île]. En 2040, c’est tout le nord de l’île qui ne bouge plus », expose-t-il, indiquant se baser sur une croissance démographique raisonnable. « On est resté sur 100 000 habitants de plus en 2040 (…) Le Premier ministre a annoncé un exercice de prospective territoriale. C’est une première en France selon moi. En 2040, on aura 100 000 actifs de plus. Ils vont faire quoi ? L’enjeu, il est là aussi (…) Nous allons mener cet exercice avec vous. »
La lutte contre l’immigration irrégulière a également alimenté le débat. Haoussi Boinahedja, membre du Cesem et représentant du syndicat CGT-Ma demande « un moratoire pour que les Mahorais puissent former demande à l’autorité de venir déloger sans qu’ils soient inquiétés » d’avoir, un temps, hébergé des clandestins. « Il y a peut-être un équilibre à trouver entre cet effort humanitaire (…) les Mahorais aident les autres, ils accueillent (…) et aujourd’hui la menace d’une sanction », abonde le président du Cesem, Abdou Soimadou Dahalani, occultant un certain nombre de situations où des propriétaires exigent une contrepartie financière ou un travail non déclaré en contrepartie de l’occupation d’un lieu. À la clé, une réponse sibylline de l’inspecteur général Philippe Schmit. « La question se pose de l’occupation illicite notamment lorsqu’elle est très récente. Je ne crois pas qu’il soit logique de scanner les terrains. Il y a à la fois un message à envoyer à la population qui croit que Mayotte est la solution et la question de l’éparpillement urbain » qui s’accompagne de brûlis et de déforestation, liste-t-il. « Il faut prioritairement qu’on essaie de stabiliser les zones d’habitation (…) Je suis frappé de constater une très rapide dégradation de la qualité de l’eau du lagon. »
Extension de la maternité
Côté santé, le docteur Grégory Emery, membre de la délégation interministérielle, rappelle la création prochaine d’une agence régionale de santé de plein exercice. Il appelle de ses vœux un « partenariat fort entre le centre hospitalier de Mayotte et des centres universitaires métropolitains pour faire venir des spécialistes (…) pour créer des ponts ». Le sous-directeur adjoint performance à la direction générale de l’offre de soins déclare aussi que la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a débloqué « une aide urgente de modernisation de 22 millions d’euros pour le centre hospitalier de Mayotte (CHM) dès 2018 » en vue d’une extension du bloc opératoire et de la maternité et « la constitution d’une réserve de 172 millions d’euros pour la modernisation du CHM. Ça n’est pas le chiffrage final » de ce projet d’ampleur mais une garantie minimum de fonds.
Sur le volet éducation, Pierre Lussiana, inspecteur général à l’inspection générale de l’Éducation nationale et de la recherche met en exergue la création d’un rectorat de plein exercice. « Ce qui est important, c’est surtout la transformation du département en académie. C’est à ce niveau-là que se situe le pilotage stratégique. » Puis d’ajouter : « Quand bien même une partie des élèves proviennent de l’immigration irrégulière – ils sont majoritaires dans certains collèges – il y a un droit à l’instruction. En termes de sécurité, un jeune en situation irrégulière, il vaut mieux qu’il soit scolarisé que déscolarisé. »
Côté économie, « nous avons demandé pour faire face à l’économie informelle des renforts (…) qui j’espère résoudront en partie ce développement », indique l’inspecteur Nicolas Clouet. Par ailleurs, « l’État perd huit millions d’euros de rentrée fiscale à cause de la grève (…) Actuellement est à l’étude par l’inspection générale des finances une forme de réintroduction du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) » qui pourrait se caractériser par une exonération des charges patronales.
S’exprimant à destination des chefs d’entreprise et à propos des prêts d’honneur à taux zéro accordés par l’État pour pallier les conséquences de la grève générale, Nicolas Clouet ajoute : « Vous dites +On est obligé de se rendetter pour repartir+. J’en ai bien conscience (…) Ça n’est peut-être pas suffisant. Encore un peu de temps, s’il vous plaît. Il y a encore des réunions interministérielles qui vont se tenir toute la semaine », précise-t-il jeudi.
Plan de développement : le Cesem regrette de ne pas être associé
Par voie de motion, le Conseil économique social et environnemental de Mayotte (Cesem) a regretté « que le gouvernement ait cru devoir limiter le dialogue ainsi instauré à Paris, le 19 avril courant, avec les seuls élus politiques de l’île en excluant totalement la société civile qui a conçu et réalisé l’actuel mouvement de protestation ». Le Cesem trouve « très regrettable que la revendication sécuritaire de la population n’a pu faire l’objet d’annonces crédibles à ce jour ». Le Conseil économique social et environnemental de Mayotte « rappelle aux pouvoirs publics [qu’il] constitue l’Assemblée représentant légitimement la société civile organisée [et] espère dorénavant [qu’il] sera associé aux travaux de recherche et de formulation des solutions aux problèmes soulevés par les Mahorais ».
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