La commune de Chirongui aux abois financièrement
La mairie de Chirongui fait l’objet d’un rapport salé sur sa gestion. Les observations ont été faites sur la période entre 2018 et 2023.

Une crise politique et une difficile gestion de la compétence scolaire, voilà les deux éléments importants notés par la Chambre régionale des comptes La Réunion Mayotte dans son rapport sur la commune de Chirongui, rendu public ce mercredi. Les conclusions sur l’examen des comptes de cette collectivité, entre 2018 et 2023, y sont pour le moins très salées. Elles n’épargnent aucun des trois maires qui se sont succédé sur cette période.

Il était attendu depuis plusieurs semaines par les observateurs de la vie communale à Chirongui. Le rapport définitif de la Chambre régionale des comptes sur la commune du sud de l’île a été rendu public ce mercredi 28 août. Celui avait été fait à la demande du maire Bihaki Daouda, au lendemain de son investiture. Pour l’essentiel, les conclusions de la CRC confirment une situation inhabituellement compliquée, objet d’un feuilleton médiatique suivi par nombre de Mahoraises et de Mahorais avec la destitution sur décision de justice de Saïd Andhanouni, puis l’arrivée d’un nouveau maire rapidement en difficulté avec l’ancienne majorité.

La commune de Chirongui aux abois financièrement
Bihaki Daouda, l’actuel maire de Chirongui, et les anciens élus, Hanima « Roukia » Ibrahima et Andhanouni Saïd, ont répondu aux conclusions de la Chambre régionale des comptes de La Réunion-Mayotte.

Pour mémoire, à peine élu, ce dernier avait eu de la maille à partir avec ses alliés de circonstance estampillés LR, ceux-là mêmes qui avaient contribué à le faire élire en 2022 au cours d’une élection partielle. Pour avoir refusé d’accorder à certains les mêmes largesses que Saïd Andhanouni, il s’est très vite trouvé au centre d’une crise politique inédite sur le territoire, avec pour cerise sur le gâteau, ses prérogatives de maires réduites à peau de chagrin conseil municipal après conseil municipal jusqu’à une paralysie complète de sa collectivité locale. Dès lors, point de mystère pour qui que ce soit quant à l’état réel de la situation catastrophique dans laquelle était plongée la commune de Chirongui. « Le maire a perdu sa majorité et le conseil municipal a bloqué toutes ses propositions et décisions », constatent d’ailleurs les magistrats.  Ils précisent « qu’en décembre 2023, le maire s’est vu retirer provisoirement l’ensemble de ses délégations. Le fonctionnement courant de la commune s’en ressent au moment du contrôle ouvert par la chambre régionale des comptes », avec pour conséquences directes, l’impossibilité d’adopter les documents budgétaires, d’expédier les affaires courantes et d’engager des procédures de marchés publics « entachées d’irrégularités ».

Des titularisations massives en 2020

L’autre domaine dans lequel la commune de Chirongui se voit épinglée par la chambre régionale des comptes de La Réunion- Mayotte, c’est la compétence scolaire. Celle-ci évoque le cas d’un établissement de dix classes comptabilisant 2.179 enfants où elle a noté « des conditions d’inscriptions des enfants à l’école trop restrictives, mais la commune doit néanmoins recourir à des rotations pour près de la moitié des élèves (N.D.L.R. trois écoles étaient dans ce cas de figure au cours de cette rentrée). Le nombre d’enfants scolarisés, selon ces conditions dérogatoires qui empêchent notamment la mise en œuvre des rythmes scolaires, est en augmentation depuis 2018 ». Mais ce n’est pas le seul fait que relève la CRC, elle indique que les coûts de fonctionnement de cette compétence scolaire, pour le moins élevés, sont de 680 eruos par enfant sur l’année alors même que la commune aurait transféré la charge du périscolaire sur le centre d’action sociale (CCAS) sans qu’elle n’enregistre des charges importantes en matière de restauration scolaire. Selon ce rapport, 5 % seulement des enfants scolarisés ont droit à des repas chauds pendant la pause de midi, leurs 350 collègues restants devant patienter jusqu’à l’ouverture du réfectoire de Tsimkoura. Les conclusions définitives de la CRC estiment la valeur du patrimoine scolaire communal à 6,8 millions d’euros, acquis entre 2018 et 2023. « Les trois quarts, en volume financier, concernent le groupe scolaire de Chirongui pour la construction de six salles de classes de maternelle et le réfectoire de Tsimkoura. »

Toujours en parlant de gros sous, le rapport indexe la commune pour son non-respect des conditions dans la façon de présenter ses comptes. Il évoque une tenue des comptes insincère consécutive à une comptabilité d’engagement non exhaustive le manque de rattachement des charges et des produits à l’exercice correspondant. Il n’hésite pas à parler de gestion de recettes lacunaire avec cinq millions d’euros de recettes à classer en 2022. Mais ce n’est pas tout, il est fait état d’autres anomalies dans les budgets annexes (lotissement jugé budget dormant, le pôle culturel dont la compétence doit être détenue par la communauté de communes du Sud alors qu’il reste financé par la mairie sur des bases juridiques fragiles). Pire encore, la santé financière de la commune de Chirongui serait très pénalisée par un doublement de charges de personnel depuis 2018 et des titularisations massives auraient été notés entre les deux tours des élections municipales en 2020, soit avant qu’Hanima « Roukia » Ibrahima ne perde son mandat au profit d’Andhanouni Saïd. Cette dégradation financière rend impossible le dégagement d’une épargne suffisante pour couvrir la dette communale, sachant qu’elle ne peut non plus emprunter en raison d’une ardoise abyssale impayée auprès de l’Agence française de Développement (AFD) de 4,6 millions d’euros.

Le rapport de la chambre régionale des comptes se déclare très pessimiste quant à la capacité de la commune à pouvoir financer son ambitieux programme de constructions scolaires (quarante salles de classes) à l’horizon de 2035.