Dans un rapport rendu public le 14 août, la Chambre régionale des comptes de Mayotte critique la situation financière et la gestion du SIEAM (Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte), de 2013 à aujourd’hui. La juridiction dénonce une gouvernance marquée par une forte concentration des pouvoirs du président, un pilotage lacunaire et une situation financière dégradée.
Comme les dernières pénuries d’eau potable l’ont montré, le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) est confronté à des difficultés majeures dans le 101ème département. Raison de plus pour améliorer sa gestion, jugée « lacunaire », et revenir à l’équilibre financier, fait valoir l’antenne régionale de la Cour des comptes dans un rapport daté du 28 mai, résultant d’un contrôle ouvert au printemps 2017. Selon ce rapport – consultable en ligne -, « l’établissement est confronté à des enjeux majeurs liés, d’une part, à l’augmentation de la population et à l’urbanisation croissante du territoire qui font peser des contraintes sur le dimensionnement des systèmes actuels d’alimentation en eau potable et d’assainissements ». Les difficultés rencontrées lors des pénuries de fin 2016 ont notamment fait apparaître « l’absence d’anticipation et de gestion des équipements au regard des besoins croissants » de la part de l’organisme, déplorent les auteurs du rapport. À cet égard, « le respect des échéances relatives aux investissements nécessaires our se conformer à la directive communautaire sur les réseaux d’eaux usées (DERU), dont le coût oscille entre 700 et 800 M€, paraît difficilement atteignable » , selon le rapport. Depuis 2008, c’est la société SMAE (Mahoraise des Eaux, ex-SOGEA) qui gère l’exploitation du service de l’eau potable. Fin août 2017, le syndicat avait informé le délégataire de sa volonté de renégocier les termes du contrat. Le recours aux organismes extérieurs va croissant, relève par ailleurs la chambre régionale des comptes.
Un président trop puissant ?
Si sa situation financière fait l’objet de nombreuses recommandations de la part de la Chambre, le premier axe d’amélioration concerne la gouvernance et le pilotage du syndicat. Une gouvernance « caractérisée par une forte concentration des pouvoirs du président », selon les auteurs du rapport. L’utilisation des délégations de fonction et de signatures reste d’après eux marginale, et « aucune délégation n’est accordée au directeur général des services, qui apparaît écarté de l’équipe de direction », ce qui est « contraire aux pratiques générales », relèvent-ils, ajoutant que « l’organe délibérant s’apparente à une chambre d’enregistrement ». En effet, l’ensemble des délibérations adoptées par le comité syndical du SIEAM – qui comprend 34 délégués – le serait à l’unanimité, en moyenne à… 96% ! Par ailleurs, des irrégularités, erreurs matérielles portant sur les dates ou les conditions de quorum par exemple, entacheraient plusieurs d’entre elles. Autant de dysfonctionnements susceptibles d’entraver la mise en oeuvre efficace des missions confiées au SIEAM et de peser sur sa situation financière. La gouvernance de l’établissement est normalement placée sous la surveillance de quinze commissions d’instruction mises en place en 2014, afin de « contrôler annuellement les comptes produits par le délégataire, joindre les rapports de contrôles aux comptes de la collectivité », selon une délibération de 2016. Or, malgré le caractère obligatoire de ces commissions, « au cours du contrôle, le syndicat n’a présenté aucun document permettant d’attester du fonctionnement effectif des commissions d’instruction ni de leur contribution au pilotage de ses politiques publiques », relève le rapport.Et d’ajouter que « sans le démontrer, le président précise que ces commissions se seraient réunies en moyenne huit fois par an ».
Un risque de cessation de paiements
Malgré des ressources en progression de plus de 30% depuis 2013 (provenant de recettes d’exploitation ou de fonds propres), la situation financière du SIEAM s’est dégradée, « notamment entre 2016 et 2017 », indique la Chambre régionale des comptes. Les capitaux propres du syndicat intercommunal – composés pour plus 60% de subventions publiques – ne lui permettent pas de faire face à ses échéances. Aussi, « le SIEAM a recours à des financements externes comme l’emprunt et des concours financiers de l’Etat et de l’Union européenne ». L’excédent brut d’exploitation (à 3,5M€ en 2013) et la capacité d’autofinancement (à 3,1M€ en 2013) se sont « détériorés au fil des années », accusant une baisse respective de 88 et 94% en quatre ans. Ils s’élevaient fin 2017 à 0,4M€ et 0,18M€ fin 2017. Si la trésorerie du SIEAM est « en apparence positive » s’élevant à 17M€ fin 2017 au regard des comptes de gestion, « cette situation masque la réalité », indique le rapport, qui évoque une évolution « préoccupante ». Le niveau réel de la trésorerie en 2013 serait ainsi de -8,3 M€ et négative à hauteur de – 18 M€ en décembre 2017. Des lacunes que la souscription d’emprunts ne parviennent pas à combler. Le 25 mai 2018, la trésorerie disponible était négative à hauteur de -3,4 M€. « Au vu de ce qui précède, le syndicat pourrait être confronté à une cessation de paiements », alerte les auteurs, qui préconisent l’établissement d’ordres de priorité de paiements pour limiter le montant des intérêts de retard. Parmi les autres recommandations de la chambre, on notera également la mise en place des dispositifs de contrôle interne et de contrôle de gestion, la limitation du nombre de participants aux missions pour réduire le niveau des frais de déplacement, ou encore, la mise en place d’un programme de maintenance préventive des équipements de traitement des eaux usées, dont seulement … 20 % des stations (STEP) seraient en bon état, selon un prestataire cité dans le rapport.
28% des ménages privés d’eau potable
En 2013, seules 13% des habitations, soit 5710 abonnés dont près de 80% résidant dans la commune de Mamoudzou disposaient d’un système d’assainissement collectif. « L’effort restant à accomplir est majeur », souligne le rapport. Et de 2013 à 2016, le nombre d’abonnés n’a progressé que « d’à peine 1%, passant de 36 685 à 40 008 ». Une partie de la population ne dispose toujours pas de l’accès à l’eau potable, et quelque 15 000 logements privés, soit 28% des ménages, sont privés d’eau courante. Des lacunes mises en exergue par la dernière vague de pénurie d’eau. « Le contexte de crise relatif à la pénurie de l’eau potable, qui a débuté fin 2016 avec la période de sécheresse, semble témoigner d’une prise en compte insuffisante de la problématique de la fourniture de l’eau », par le SIEAM. La Chambre rappelle à ce titre qu’un « plan d’urgence eau » avait été signé fin février 2017 entre le syndicat, l’Etat, et les principaux bailleurs financiers constitués par la Caisse des dépôts et l’Agence française pour le développement (AFD) pour un montant qui s’élève aujourd’hui à 90 M€
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