Jordan Bardella : « il faut supprimer le droit du sol, pas qu’à Mayotte, sur tout le territoire »

En déplacement à Mayotte, ce jeudi 8 décembre, et avant de passer la journée de vendredi à La Réunion, Jordan Bardella a répondu aux questions de la presse devant le commissariat de police de Mamoudzou qu’il venait de visiter. Plus tôt dans la journée, le président du Rassemblement national et député européen est allé au centre de rétention administrative de Pamandzi.

Flash Infos : Vous venez pour la première fois à Mayotte. Quel est le but d’une telle visite ?

Jordan Bardella : Nous sommes là pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le calvaire que sont en train de vivre les Mahorais, qui sont submergés par une immigration massive venue des Comores. C’est une immigration de peuplement, voulue et décidée par le gouvernement des Comores, qui revendique la souveraineté territoriale de Mayotte. Mayotte, c’est la France. Les Mahorais ont évidemment les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes droits que les autres français. Nous sommes venus ici appelés au rétablissement de la paix et de l’ordre. Compte tenu de la situation aujourd’hui hors contrôle en matière sécuritaire, je crois qu’il est nécessaire que l’état d’urgence soir décrété sur le département de Mayotte.

F.I. : Est-ce que la lutte contre l’immigration ne passe pas aussi par la coopération régionale ?

J.B. : Il y a déjà une forme de coopération. La France donne 150 millions aux Comores. Mais si le gouvernement comorien n’est pas en capacité de protéger sa frontière et d’empêcher les départs, alors il faut remettre en cause l’attribution de ces fonds publics. Je pense qu’il supprimer définitivement le droit du sol, non pas seulement à Mayotte, mais sur l’intégralité du territoire français. Il faut instaurer la priorité nationale pour que les aides françaises soient réservées aux familles françaises et aux Mahorais qui sont dans une difficulté de plus en plus importante au regard de la situation économique et sociale de l’île. Et puis, il faut protéger nos frontières.

F.I. : Le Gouvernement a fait de la lutte contre l’immigration, au moins à Mayotte, une priorité avec davantage de moyens chaque année. Qu’est-ce que vous pouvez proposer de plus ?

J.B. : Il y a des moyens certes, mais ils sont aujourd’hui insuffisants. On n’a pas de drones aujourd’hui pour surveiller les frontières (N.D.L.R. outre des drones de renseignement qui maintenant survolent l’espace maritime mahorais, le prestataire Mayotte Fly Services intervient à raison de trois heures de vol par jour).  Il faut des moyens humains et matériels supplémentaires. Je crois qu’il est temps de déployer de manière plus importante la marine aux abords de Mayotte pour la protéger des arrivées de kwassas-kwassas. Il faut également raccompagner l’ensemble des délinquants et criminels étrangers, il faut rétablir la double peine. A chaque fois que quelqu’un arrive ici de manières légal ou illégale et commet un délit, il faut qu’il soit automatiquement renvoyé dans son pays de départ.

F.I. : L’immigration est due aux inégalités régionales. Si on ne participe pas au développement des Comores, n’y a-t-il pas le risque que les flux continuent dans le même sens ?

J.B. : Oui, mais ils viennent ici parce que la France est devenue un guichet social. Compte tenu de la situation économique de notre pays et de l’urgence économique, sanitaire et sécuritaire ici à Mayotte, nous n’avons plus les moyens de cette générosité octroyée à la terre entière. Donc c’est une politique dissuasive d’immigration qu’il faut mettre en place. Il faut accélérer les procédures pour renvoyer les clandestins dans leurs pays de départ qu’ils soient mineurs ou non. Il faut surtout toutes stopper les pompes aspirantes de l’immigration. Ils viennent ici en pensant que c’est l’eldorado. Or, ce n’est plus le cas. On est dans un département français aujourd’hui où les enfants se font taillader, où des bus scolaires se font attaquer à la machette, où les forces de l’ordre sont attaqués à coups de pierres par des bandes de délinquants qui ne devraient pas être sur le territoire français. 50% de la population est présente de manière étrangère, je crois que la paix civile est menacée à Mayotte. Donc il faut créer les conditions en matière de sécurité, d’immigration et de fermeté pour un retour de cette paix.

F.I. : Vous liez beaucoup immigration et insécurité, mais la délinquance ici concerne souvent les mineurs, dont une bonne partie sont nés à Mayotte. Par quels moyens peut-on éviter qu’ils tombent dans la délinquance ?

J.B. : Je pense que si l’on règle le problème de l’immigration, celui des Comores, on règle le problème de la sécurité à Mayotte. Si on avait que des Mahorais ici, on n’aurait pas de problèmes de sécurité. Elle est là la réalité. Une grande partie des faits de délinquance et de criminalité, que subissent les Mahorais, est soit liée directement à des clandestins comoriens soit directement à l’immigration par le biais des enfants et petits-enfants de familles qui sont présentes ici. Il y a trente ans, on ne parlait pas de ces phénomènes-là.

F.I. : Le projet de loi immigration et asile actuellement en débat à l’Assemblée nationale comportera sans doute des mesures spécifiques au territoire. Sur quoi le Rassemblement national peut-il s’entendre avec la majorité et quels amendements compte-t-il proposer ?

J.B. : Le jour où j’ai annoncé ma visite à Mayotte, on a appris quelques heures plus tard que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, viendrait en fin d’année (N.D.L.R. ce dernier avait promis en août qu’il reviendrait en novembre). Le score du Rassemblement national aux Européennes et Présidentielles, où je rappelle que Marine Le Pen avait 60% des voix au second tour, montre que ça attire l’attention des pouvoirs publics. Au sujet du projet de loi, nous verrons à quoi ressemblera le vote final après le débat parlementaire. Mais on va faire connaître toutes les propositions qu’on porte depuis des années, la fin du droit du sol, l’instauration de la priorité nationale, le retour de moyens humains et matériels pour protéger les frontières, le traitement du droit d’asile dans les ambassades et consulats des pays de départs, l’instauration de la présomption de majorité pour les mineurs parce qu’il n’y en a beaucoup qui se font passer pour des mineurs et qui bénéficient de l’aide à l’enfance. Il y a beaucoup de mesures, mais la première volonté politique est de rompre avec une politique d’immigration massive et incitative menée depuis trente ans.

F.I. : Vous avez rencontré des policiers. Quels moyens veulent-ils et qu’est-ce que vous leur avez promis ?

J.B. : On n’est pas venu ici pour faire des promesses. Je pense toutefois qu’il faut faire l’exact opposé de ce qui a été fait depuis des années, c’est-à-dire le laisser-faire, le laisser-aller, le laisser-passer, le laxisme en matière pénale. Ce que nous proposons, c’est un tour de vis en matière pénale. Il faut déjà soutenir nos policiers. Il faut mettre en place la présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre. Lorsqu’elles sont attaquées, elles devraient avoir la possibilité de se défendre lors que leurs vies ou celles d’autrui sont en danger, sans être ensuite inquiétées par la justice. Il faut renvoyer les délinquants et criminels étrangers, abaisser la majorité pénale, construire des places de prison, mettre fin aux remises automatiques de peines, rétablir les peines plancher. On est les seuls à porter cet esprit de fermeté.

F.I. : Outre la sécurité, les Mahorais attendent des actions concrètes sur d’autres sujets, particulièrement l’eau, la santé, le transport et l’éducation, quelles réponses pouvez-vous leur apporter ?

J.B. : Les moyens financiers, il faut les mettre. Vous pouvez envisager tout le développement économique et d’infrastructures que vous souhaitez, s’il n’y a pas la première condition qui est la sécurité, alors il n’y a aucun développement qui peut être mis en œuvre. Marine Le Pen a proposé pendant la campagne qu’il y ait un grand ministère d’État, capable peser dans les décisions. Et surtout de débloquer des fonds pour faire en sorte qu’il n’y ait plus ici à Mayotte un habitant sur trois qui souffre du manque d’eau, d’électricité. Donc il y a beaucoup à faire. Mais en vérité, depuis Jacques Chirac, aucun président ne s’est soucié de l’Outre-mer. Or, je pense que si Marine Le Pen est arrivé en tête en outre-mer, c’est qu’on ne considère pas les ultramarins comme des citoyens de seconde zone.

 

Un parti qui convainc peu localement

Malgré des scores flatteurs aux Européennes ou aux Présidentielles, le parti d’extrême-droite peine à s’imposer localement. « Nous souhaitons approfondir notre présence à Mayotte, pas seulement pendant les élections nationales, mais aussi les locales. Je pense aux élections municipales », reconnaît le président de la formation. « J’ai eu l’occasion de rencontrer l’ensemble de nos militants, de nos cadres départementaux. C’est une fédération qui se structure et qui a vocation à s’enraciner et approfondir son travail parce que je pense qu’on est pour les Mahorais la seule alternative. » Si le Rassemblement national a encore peu d’ancrage local, cela vient aussi des thèmes qu’il aborde. A Mayotte, beaucoup d’élus, même s’ils ne sont pas du même bord politique, prônent des discours semblables sur l’immigration et la sécurité. « En période d’élections, les autres sont souvent d’accord avec nous, notamment Les Républicains », fait remarquer Jordan Bardella. « Évidemment que Mayotte a des spécificités locales et qu’il faut prendre en compte l’avis aussi des élus locaux qui ne sont pas suffisamment valorisés par les gens qui sont au pouvoir. » Il rappelle ensuite que l’immigration est « un thème national » et que seul le RN, « qui arrivera au pouvoir après Emmanuel Macron », serait en mesure de lutter contre.

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