Interpellé par la députée mahoraise Estelle Youssouffa, Jean-François Carenco est intervenu à l’Assemblée nationale, ce mardi, au sujet de la pénurie d’eau à Mayotte. Le ministre délégué aux Outre-mer a tenté de défendre la relance de projets structurants grâce au contrat de progrès de 411 millions d’eau signé en août 2022 et a annoncé avoir demandé un prix de la bouteille d’eau « à prix coûtant ».
« Mayotte paie des factures d’eau pharamineuses pour des robinets désespérément vides », a clamé Estelle Youssouffa, au sein de l’Hémicycle, ce mardi, lors de questions au gouvernement. La députée de la première circonscription réagissait au plan national anti-sécheresse voulu par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, en faisant un parallèle avec Mayotte touchée actuellement par la pénurie. Elle n’a pas manqué d’égratigner le contrat de progrès signé par l’État avec le syndicat Les Eaux de Mayotte. En effet, la somme de 411 millions d’euros devait remplir plusieurs objectifs dont l’accélération des investissements. « Rien n’a été décaissé, rien n’est opérationnel. La campagne de prospection des forages n’a toujours pas commencé. Oserez-vous commettre un plan national eau sans rien prévoir pour Mayotte ? », a déploré la parlementaire.
Lui-même signataire du document en août 2022, Jean François Carenco a pris le micro pour défendre tant bien que mal le gouvernement. Concernant la troisième retenue collinaire d’Ourovéni et la deuxième usine de dessalement d’eau de mer, « les procédures sont aujourd’hui débloquées. J’attends les arrêtés d’utilité publique le plus rapidement possible », répond le ministre délégué aux Outre-mer. Et pour l’usine dessalement d’eau de mer de Pamanzi, la seule de l’île, il promet 2.000 m3 par jour supplémentaires une fois les travaux en cours terminés. Pour rappel, celle-ci produit péniblement 1.300 m3 par jour alors qu’elle devait en fournir 4.700 m3. Une rallonge précédente de huit millions n’avait pas donné grand-chose.
« Aucune marge sur l’eau »
« Sur la sécheresse actuelle, nous devons réagir, nous y travaillons depuis quinze jours, depuis qu’on sait qu’elle arrive », a admis le ministre. La Mahoraise a rappelé, que les coupures d’eau, et c’est encore plus vrai pendant le ramadan, faisaient souvent grimper le prix des packs d’eau dans les magasins de l’île. Elle a évoqué ainsi l’exemple des prix allant jusqu’à « 10 à 12 euros pour six bouteilles ». Là-dessus, Jean-François Carenco « a demandé aux deux grands distributeurs présents de vendre de l’eau à prix coûtant sans aucune marge dans les prochains mois. Un des deux [lui] a déjà donné son accord ». « D’ici quinze jours, grâce à la mobilisation de la sécurité civile et sur instruction du ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, 400 m3 jour seront disponibles gratuitement pour les plus démunis », a-t-il ajouté, espérant que le quota journalier atteigne rapidement 900 m3.
Ces mesures ne sont qu’un petit aperçu de ce que prépare l’État dans les semaines à venir. D’autres, cette fois plus drastiques, sont attendues.
Anchya Bamana défend l’exploitation de l’eau de mer
Présidente de Maore Solidaire, Anchya Bamana milite pour la construction rapide d’usines de dessalement. L’ancienne maire de Sada rappelle que « la population mahoraise vit, désormais, un stress hydrique permanent ! ». Si le réchauffement climatique et la très sèche saison des pluies sont bien sûr en cause, elle pointe aussi « l’explosion démographique, la déforestation massive, l’artificialisation des sols, l’assèchement des zones humides, la croissance des besoins en eau pour les activités humaines et économiques…Les mesures déployées de lutte contre l’immigration irrégulière, de lutte contre la déforestation et de la dégradation de l’environnement, de diversification des sources de production d’eau ne répondent pas aux enjeux du développement du territoire. »
Selon elle, la solution la plus approprié serait « la construction en urgence de l’usine de dessalement, car l’eau de mer est disponible. Comme tant d’autres, ce projet est prévu dans les investissements en cours au syndicat des eaux depuis 2017 et une enveloppe d’environ 55 millions d’euros serait nécessaire pour sortir les habitants de la misère hydrique ». Sada, Longoni ou Ironi Bé étant les trois lieux susceptibles d’accueillir ce type d’équipement, elle ne prend pas parti pour tel ou tel site. « L’essentiel aujourd’hui réside en sa concrétisation dans un contexte d’urgence. En conséquence, nous demandons une accélération des procédures pour sortir enfin le projet de terre. »