Les ministres des Outre-mer et de l’Intérieur ont atterri samedi matin à Dzaoudzi, pour un voyage de quatre jours sur l’île aux parfums. Ce week-end, le ton était donné en matière d’insécurité et d’immigration clandestine. Plusieurs enveloppes doivent être débloquées par l’État avant même la loi Mayotte.
Enfin ! Il aura fallu trois meurtres en Petite-Terre, un nouveau confinement, deux lycéens tués et un nouvel anniversaire de la départementalisation pour voir à nouveau un ministre fouler le sol de Mayotte. Les ministres des Outre-mer et de l’Intérieur, Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin, ont atterri ce samedi sur l’île au lagon avec un programme chargé pour ces quelques jours. Au menu : gerbe de fleurs, immigration clandestine, sécurité et insertion.
Si les colliers de fleurs ont manqué à leur arrivée, une poignée d’élus était bien présente, en rang d’oignons sur le tarmac pour leur réserver un accueil républicain, avant la cérémonie du Monument aux morts en présence de la Légion étrangère, place de France à Dzaoudzi. Des moments solennels… mais qui étaient aussi l’occasion pour certains de rappeler d’ores et déjà les attentes fortes du territoire, notamment en matière de délinquance. “Nos attentes, ce sont les attentes des Mahorais, surtout la question de l’insécurité et de l’immigration, mais aussi au niveau des collectivités un accompagnement plus accentué, et pour le conseil départemental nous les attendons sur la compétence régionale”, a réagi le président du Département Ben Issa Ousséni.
Plus d’effectifs et un effort “à prolonger”
Sur les deux premières au moins, l’élu aura obtenu quelques annonces concrètes dès ce samedi. Après des visites à la nouvelle caserne de gendarmerie d’Hajangoua, à la police municipale de Dembéni et au commissariat de police de Mamoudzou, le ministre de l’Intérieur a annoncé un renfort de 40 policiers et gendarmes pour cette année. “Depuis l’élection du président de la République, il y a eu une augmentation continue des effectifs ici, de plus de 400 policiers et gendarmes. Aucun autre territoire de la République en proportion de sa population n’a reçu cet effort consenti par le gouvernement”, a rappelé Gérald Darmanin. “Cet effort est à prolonger”, a poursuivi le premier flic de France, avant d’évoquer la thématique de l’immigration clandestine.
Parmi les promesses fortes de cette première journée, on retiendra donc également la livraison de deux intercepteurs, un pour la police et un pour la gendarmerie. Le locataire de la place Beauvau a aussi confirmé la pérennisation de la surveillance aérienne entre Mayotte et Anjouan, financée par son ministère à hauteur de quatre millions d’euros pour l’année prochaine. Un dispositif mis en place depuis le 23 janvier 2021 par l’ancien préfet Jean-François Colombet, à l’origine à titre “exceptionnel et temporaire”, pour faire face aux arrivées de kwassas-kwassas en pleine vague épidémique aux Comores. Enfin, Gérald Darmanin a promis une enveloppe d’un million d’euros pour financer la vidéoprotection pour les collectivités locales, une compétence qui revient normalement aux communes. “La mairie de Mamoudzou va mettre en place 122 caméras supplémentaires, en plus des 60 existantes, qui seront ainsi subventionnées par l’État”, a félicité le ministre de l’Intérieur, après un entretien avec le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla dimanche. À l’issue de cette rencontre, l’ancien maire de Tourcoing a aussi évoqué sa volonté de mettre en place un système d’information unique pour l’état civil à Mayotte, afin de lutter contre la fraude, une proposition qui devrait être intégrée au projet de loi Mayotte attendu en conseil des ministres pour janvier 2022.
10 millions d’euros pour la jeunesse dès cet automne
Voilà pour l’aspect répressif. Mais face à des fauteurs de trouble qui ont parfois “14, 13 voire même 8 ans”, les deux ministres se sont aussi engagés à mettre les moyens sur l’aval et la prévention. “Sans attendre la loi Mayotte, dans le projet de loi de finances que le gouvernement va présenter cet automne au Parlement, pratiquement 10 millions d’euros seront débloqués pour la jeunesse”, a garanti Sébastien Lecornu. En visite au régiment du service militaire adapté (RSMA) à Combani dimanche, le locataire de la rue Oudinot a confirmé sa volonté de créer une nouvelle compagnie pour former 120 jeunes supplémentaires. Par ailleurs, le ministère des Outre-mer souhaite aussi expérimenter au régiment un bâtiment mère-enfant muni d’une garderie, pour permettre aux mères célibataires d’accéder elles aussi à cette offre de formation de la seconde chance, une première pour le SMA.
Les entreprises ont bon dos
Interrogé sur les débouchés de ces formations, alors que le département connaît toujours un fort taux de chômage, Sébastien Lecornu souhaite que les entreprises “jouent aussi le jeu”. “Il faut lutter contre le travail illégal, dans le bâtiment notamment, les entreprises ont bénéficié des aides du plan de relance qui leur permet d’avoir un carnet de commandes rempli”, a-t-il cité en guise de démonstration. Reste à faire passer la pilule aux patrons, eux aussi éprouvés par la crise, la vie chère et la délinquance, alors qu’à plus moyen terme, le projet de loi Mayotte, censé notamment répondre aux attentes de la population en matière de convergence sociale, risque bien de faire peser une charge supplémentaire sur leur dos… Les deux VIP du week-end devaient justement rencontrer ces “forces vives” lors d’un déjeuner dimanche. Peut-être pour tenter (un peu) d’arrondir les angles… Dur, dur d’être un ministre !
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.