Le projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé a été voté à l’unanimité, ce mercredi soir, au Sénat. Il inclut un changement pour les Outre-mer, celui d’un délai de flagrance en cas de nouvelle installation illégale porté à 96 heures. Car, pour l’instant, un propriétaire a 48 heures pour demander l’intervention des forces de l’ordre (qui doivent elles agir en 24 heures).
Avant que la loi d’urgence pour Mayotte ne change quoi que ce soit, une première demande des élus mahorais a été satisfaite lors d’une séance au Sénat, ce mercredi soir. Il s’agit de modifier le délai de flagrance en lien avec l’installation de nouvelles constructions sur un terrain à l’insu du propriétaire. A Mayotte et en Guyane, celui-ci est de 48 heures pendant lesquelles le propriétaire des lieux peut solliciter la mairie, qui elle-même fait appel à la préfecture pour que les forces de l’ordre fassent cesser la construction. A charge de la police ou de la gendarmerie d’intervenir dans les 24 heures suivant la décision préfectorale. Sauf que ce délai est « insuffisant », a considéré le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Le parlementaire est intervenu par deux fois, les mardi et mercredis soirs, lors des débats sénatoriaux sur le projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé. La rapporteure, Amel Gacquerre, a expliqué que la préfecture de Mayotte, interrogée en amont, avait exposé des difficultés liées au respect du délai actuel : « les locaux étaient édifiés le week-end ou le lundi matin, à l’abri des regards ».
« Un risque d’augmenter les personnes à la rue »
Pour contrer cela, l’article 3 ter du projet de loi prévoit que le délai soit porté à 96 heures. Une modification qui n’est pas sans risques pour le groupe écologiste. « Soyons clairs, nous ne nous satisfaisons évidemment pas du développement de l’habitat informel, qui cause à la fois des problèmes d’urbanisme, du droit de propriété et de qualité de vie au sein du logement. Néanmoins, nous ne pensons pas que multiplier les destructions de cet habitat soient une solution. Le fait de réduire de nouveau les délais d’évacuation de personnes mal logées en outremer n’aboutit qu’à renforcer la violence de leur expulsion et à les placer dans des situations encore complexes. Il risque d’augmenter le nombre de personnes à la rue », a défendu Guillaume Gontard, le sénateur de l’Isère et président du groupe. « Vous condamnez à l’errance des personnes sans solutions. Ce n’est pas ainsi que vous rassurerez nos concitoyens, même si la présence de bidonvilles est insupportable et inacceptable dans la septième puissance mondiale », a renchéri Marianne Margaté, sénatrice communiste de Seine-et-Marne.
Des arguments qui ne passent pas pour le sénateur mahorais présent (Saïd Omar Oili était à la réunion des élus mahorais et de la ministre Marie Guévenoux, ce mardi). « Les collègues qui ont présenté ces amendements (N.D.L.R. de suppression) font un raisonnement à l’envers. Je rappelle que le département de Mayotte est peuplé de plus de la moitié d’étrangers. La première chose à faire, c’est de faire en sorte que le département ne soit plus attractif pour les migrants en situation irrégulière. Ce n’est pas rendre service à ces populations. Ces bidonvilles tuent », a rétorqué Thani Mohamed Soilihi, prenant comme exemple le décès dans un coulée de boue d’une mère et ses quatre enfants, en janvier 2018, à Koungou. « Ce que l’on conteste, c’est la procédure qui est mise en place et l’absence de solutions apportées suite aux destructions », a répondu le sénateur écologiste.
Du relogement sans permis de construire
Guillaume Gontard a jugé la modification du délai « prématurée » parce que les logements qui pourraient accueillir les personnes décasées (c’est obligatoire dans une opération loi Elan pour ceux ayant la nationalité française ou les étrangers en situation régulière) « ne sont pas là actuellement ». Le président du groupe écologiste a fait également référence ici aux deux amendements similaires présentés par le gouvernement et des élus ultramarins (dont les sénateurs mahorais). Adopté, l’amendement 136 a été en effet annoncé en juillet 2023 lors du conseil interministériel des Outremer. Des logements, comme les modules vus à Majicavo-Koropa, pourraient ainsi voir le jour sans permis de construire préalable que ce soit à Mayotte ou en Guyane. « Cette nouvelle forme d’habitat ne serait devenir la forme prédominante de l’habitat social dans ces territoires », a prévenu cependant Amel Gacquerre.
« Ces deux territoires sont confrontés à une crise de logement. On a tout laissé faire pendant des années. On a là un dispositif qui permet d’accélérer des logements décents », estime Thani Mohamed Soilihi, qui disait attendre avec impatience une loi dédiée aux logements outremer. Car les deux dispositions propres à la Guyane et à Mayotte font partie des rares véritablement dévolues aux territoires ultramarins dans ce projet de loi destiné à « réagir plus fermement et rapidement aux situations d’habitat dégradé » et « favoriser les grandes opérations d’aménagement ». On peut citer quand mêmes des peines plus dures vis-à-vis des marchands de sommeil, comme l’interdiction d’acquérir un bien immobilier (autre que la résidence principale) pendant une durée de quinze ans.
Le recours à l’IVG bientôt dans la Constitution
Une nouvelle étape a été franchie, mercredi soir, avec le vote du Sénat concernant l’inscription du recours de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française. Celle-ci doit permettre de rendre irréversible ce droit, même en cas d’arrivée des extrêmes au pouvoir. Adopté à l’Assemblée nationale, le 30 janvier, avec 493 voix pour et 30 contre, le projet de loi qui consiste à modifier l’article 34 de la Constitution pour y inscrire que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse [IVG] » l’a été aussi par le Sénat. 267 sénateurs ont approuvé le texte, contre 50 oppositions. Concernant les parlementaires mahorais, la députée Estelle Youssouffa, les sénateurs Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili ont voté en faveur de la modification. Mansour Kamardine n’a pas pris part au vote du 30 janvier.
Il ne reste que le vote du congrès, soit l’approbation des 3/5e de l’ensemble des sénateurs et des députés, pour que l’inscription soit effective, et ce, pour la première fois dans un pays. Le scrutin est fixé au lundi 4 mars.