Laïcité, immigration, développement économique… Le député européen Les Républicains François-Xavier Bellamy, en visite d’une semaine sur l’île aux parfums, revient sur l’actualité européenne et nationale, qui trouve un écho jusqu’à Mayotte. Avec en ligne de mire, l’immigration clandestine, sujet majeur dans le 101ème département et qui arrive justement sur les bureaux des parlementaires de Bruxelles.
Flash Infos : Pouvez-vous expliquer les raisons de votre venue à Mayotte aujourd’hui ?
François-Xavier Bellamy : Le grand regret que nous avons eu pour la campagne des élections européennes c’est de ne pas avoir eu le temps de faire le déplacement dans les Outre-mer. Mais j’avais pris l’engagement de venir pendant la mandature. Ces territoires font partie de la France, Mayotte est un département français, et à ce titre, aussi, un territoire européen. Et il me paraît très important d’être présent sur le terrain. Qui plus est ici, sachant toutes les problématiques spécifiques de cette île sur des sujets qui sont aussi très liés à l’Europe. Je pense, bien sûr, à la question migratoire, qui arrive justement sur la table à Bruxelles, avec les discussions sur le nouveau pacte migratoire de la commission européenne. Mon choix s’est aussi porté sur Mayotte pour ce premier voyage dans les Outre-mer car, d’après la statistique officielle, il s’agit de la région la plus pauvre d’Europe. Donc je ne pouvais faire l’impasse sur cette visite, pour voir sur le terrain quelles réponses étaient attendues par la population. Enfin, c’est une manière de pouvoir porter le témoignage en métropole et aussi en Europe du potentiel extraordinaire que représente ce département pour le développement futur du pays et de l’Union européenne. Mayotte aujourd’hui fait face aux questions les plus urgentes. Certes, tous les Outre-mer ont leurs atouts, leurs difficultés. Mais sur la question de la sécurité, sur la question du développement économique, sur la question migratoire, Mayotte est à la croisée des chemins.
FI : Dans un entretien que vous avez accordé au Point en réaction aux polémiques liées à la mort de Samuel Paty, vous dites que “notre problème, c’est la rencontre de l’islam avec un monde pétri de christianisme”. Justement, Mayotte, le plus jeune département français, a une population à 90% musulmane. Comment pensez-vous que l’on puisse conjuguer cette appartenance nationale et cette culture spécifique ?
F-X. B. : Quand nous abordons l’attentat qui a visé Samuel Paty, il y a en toile de fond cette idée de la laïcité. Notre histoire républicaine, avec son idée de la laïcité et de la liberté, se fonde sur l’Histoire de la France et de sa propre maturation. Je crois que Mayotte illustre très bien cette richesse née du temps que les sociétés passent à construire leur équilibre et leurs principes. En France, cette idée de la laïcité est difficile à partager : je l’ai vécu moi-même, en tant que professeur de philosophie en terminale. J’ai enseigné pendant dix ans comme jeune professeur dans des établissements avec une population très majoritairement issue de l’immigration, et je peux vous dire qu’il n’est pas simple de partager et de faire comprendre ce principe à des jeunes qui sont marqués par un islam venu du Maghreb notamment et qui n’intègrent pas cette notion. Ici, à Mayotte, ce que j’ai trouvé très marquant dans ma rencontre avec le Cadi à la mosquée de Tsingoni, c’est de voir à quel point cet équilibre s’est construit depuis longtemps. Quand le conseil cadial demande de plus un État fort dans ses missions régaliennes, et travaille main dans la main avec le Département et les parlementaires, cela renforce cet équilibre. Or je l’ai dit et je le répète, tout l’enjeu c’est de garantir à la majorité des musulmans qui veulent pratiquer paisiblement leur religion de pouvoir le faire dans le cadre de notre vie républicaine. Je pense qu’à ce titre, nous pouvons donc apprendre de cet équilibre qui s’est créé à Mayotte au fil du temps.
FI : Cet équilibre aujourd’hui est mis à mal, comme l’évoquait le Grand Cadi, par ces vagues d’immigration que nous connaissons depuis plusieurs années à Mayotte. Partagez-vous cette analyse ?
F-X. B. : Tout à fait ! Nous le constatons ici à Mayotte comme en métropole : pour réussir le défi de cet équilibre, et j’ai déjà eu l’occasion de le souligner dans le débat public, il nous faut absolument apporter des réponses fortes sur le sujet migratoire. Nous ne réussirons pas à préserver l’équilibre de notre société si nous n’absorbons pas cette immigration massive qui met en péril toute possibilité d’intégration et d’assimilation. Et le sujet est bien évidemment central ici et nous n’avons pas le droit de tourner le dos, de feindre de ne pas voir ce que vivent les Mahorais, victimes de cette situation d’mmigration incontrôlée qui pénalise toutes les dimensions de l’activité et de la vie sociale. La situation est littéralement intenable. Il y a urgence à déterminer une bonne fois pour toute une politique migratoire pour mettre fin à ces flux incontrôlés.
FI : Ce sujet de l’immigration clandestine figure d’ailleurs au coeur de votre visite, puisque vous prévoyez notamment de visiter le CRA.
F-X. B. : En effet, nous avons beaucoup travaillé sur la question migratoire avec le préfet évidemment, et avec le député Mansour Kamardine, qui porte régulièrement ce combat à Paris. Nous allons visiter le centre de rétention administrative et nous allons aussi aller sur le terrain avec la police aux frontières, pour voir concrètement le travail qui est mené. Ce sujet, comme je l’évoquais, arrive sur le bureau des parlementaires européens, nous commençons à travailler sur le nouveau schéma migratoire de la commission européenne. Or, il y a pour moi deux sujets majeurs : savoir comment conduire efficacement ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire français d’une part ; mais aussi, d’autre part, savoir comment éviter tout simplement le franchissement de la frontière, comment dissuader les candidats de l’immigration clandestine. Nous savons qu’il s’agit d’une clé pour rétablir un équilibre, et ici, pour protéger la population mahoraise contre cette tension et cette violence que crée une immigration incontrôlée. Enfin, il y a un enjeu crucial : celui de préserver les personnes victimes du trafic des passeurs. Ce business énorme profite de la misère des gens, il faut que cela cesse. Nous ne pouvons pas laisser prospérer plus longtemps une situation qui ne profite qu’aux trafiquants et aux passeurs. La France est une grande puissance et l’Europe est capable de déterminer les actions efficaces pour la maîtrise de nos frontières.
FI : Outre cette question migratoire, il y a d’autres sujets de débat à Bruxelles qui ont un impact direct sur Mayotte, région ultrapériphérique d’Europe. C’est le cas pour la possible réduction du budget du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) pour la période 2021-2027 qui, si elle était adoptée, aurait des conséquences directes pour les agriculteurs et les éleveurs ultramarins. À Mayotte, le manque à gagner est estimé à 800.000 euros… Comment défendez-vous le territoire en tant que député européen ?
F-X. B. : Je me suis justement mobilisé avec des députés de tous les bords politiques pour dénoncer cette baisse inacceptable du budget du POSEI, aujourd’hui négociée au conseil européen et qui fragiliserait profondément les Outre-mer. Les RUP ont un rôle à jouer dans le développement de l’Europe, elles ont des problèmes spécifiques, et il faut leur apporter une aide spécifique. À la commission de la pêche que je préside, nous défendons aussi d’octroyer des moyens spécifiques pour les RUP. Nous le constatons à Mayotte, la départementalisation a fait rentrer le territoire dans les règles européennes alors que la pêche mahoraise n’était pas encore au niveau de ces exigences, en termes de matériel, de formation. Cela suppose donc de donner les moyens aux pêcheurs mahorais de s’équiper et d’investir pour pouvoir répondre à ces nouvelles exigences. L’idéal d’égalité implique aussi d’accorder une attention particulière à ceux qui ont des besoins particuliers. C’est tout le sujet du budget du POSEI, qui est encore en discussion entre le conseil et le parlement, et c’est aussi l’une des raison de ma venue à Mayotte, pour porter ce message de manière plus forte à Bruxelles. L’Europe aujourd’hui paraît encore éloignée des citoyens français et encore plus peut-être ici, à Mayotte. Il faut que nous arrivions à créer ce lien, à nous rencontrer entre élus nationaux, locaux et européens. J’ai rencontré le maire de Mamoudzou, j’ai échangé avec ses services, je vais pouvoir rencontrer le président du Département et j’entretiens un lien particulier avec Mansour Kamardine. C’est important que les Mahorais sachent que ce contact s’établit pour pouvoir servir la cause de leur département, de leur île, jusqu’à Paris et à Bruxelles pour que leur voix soit entendue.
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