Évolution institutionnelle en Outre-mer : offrir un cadre plus adapté et plus souple

Jeudi dernier, les délégations aux Outre-mer du Sénat et de l’Assemblée nationale se sont réunies pour échanger sur l’évolution institutionnelle dans les territoires ultramarins, en présence de Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d’appel de Paris, et de Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi les a fait réagir sur le statut actuel de Mayotte et sur la manière de réduire les inégalités avec les autres collectivités et la mère patrie.

À l’aune du bilan des dix ans de la départementalisation, les délégations aux Outre-mer du Sénat et de l’Assemblée nationale ont échangé ce jeudi 18 mars sur l’évolution institutionnelle dans les territoires ultramarins. Un rendez-vous qui n’a pas manqué de faire réagir le sénateur Thani Mohamed Soilihi. « La difficulté est due à un déséquilibre commencé à la fin des années 90 entre Mayotte et son voisinnage », a introduit le parlementaire, pour qui l’évolution statutaire du 101ème département est un faux débat dans l’absolu. « Ce n’est pas l’alpha et l’omega. »

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Selon lui, « nous nous interdisons d’aller au-delà de ce qu’ont voté les Mahorais en 2009 ». Au vu de ses caractéristiques, Mayotte n’a de département que son nom. Et est plutôt comparée à « la première collectivité unique, qui est censée exercer les compétences dévolues aux régions et départements d’Outre-mer ». Or, le terme de région prête à sourire tant les financements reçus ne sont que de la poudre de perlimpinpin compte tenu des compétences exercées.

 

Des institutions inadaptées

 

C’est tout l’objet de la discussion du jour, comme l’a rappelé Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV. À savoir, ne serait-il pas souhaitable d’avoir une cadre plus souple et actualisé que l’actuel pour permettre des évolutions sans nécessairement connaître les tensions de ces dernières années ? « Des institutions inadaptées ne contribuent pas au développement économique et social des territoires », a-t-il insisté. « Je serais tenté de penser que ces débats institutionnels sont indispensables. »

D’où l’idée du toilettage prôné par le sénateur Thani Mohamed Soilihi dans sa proposition de loi ordinaire relative au Département-Région de Mayotte déposée le 21 janvier 2019 au Sénat. « L’un des aspects qui pourrait être intéressant en cas de révision institutionnelle serait la modification des procédures existantes, pas toujours simples à mettre en œuvre, pour faciliter l’adoption de ces adaptations, à identité législative plus ou moins maintenue », a précisé pour sa part Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d’appel de Paris. « Les amendements sénatoriaux examinés en octobre dernier ne contraignent aucune collectivité à changer de statut. »

 

La crise sanitaire révélateur des inégalités

 

Le parlementaire a également profité de l’occasion pour évoquer la problématique des inégalités avec les autres collectivités et celles avec la mère patrie. « Comment pourrions-nous faire pour mieux [les] atténuer ? Pourrions-nous aller plus loin et plus rapidement avec des recours juridictionnels et des simplifications ? », a-t-il alors demandé aux deux experts. Des inégalités encore plus mises en exergue aussi bien à Mayotte qu’en Guyane en cette période de crise sanitaire. Et à cet égard, la formule d’Aristote – « la plus grande injustice est de traiter également les choses inégales » – prend ici tout son sens aux yeux de Ferdinand Mélin-Soucramanien.

Tandis que Stéphane Diémert a invité l’élu mahorais à « explorer la voie de la question prioritaire de constitutionnalité » pour savoir si le droit à l’égalité adapté de l’article 73 ou si le droit à un statut particulier de l’article 74 peuvent être invoqués au titre des droits et libertés garantis par la Constitution. Idem devant la convention européenne des droits de l’homme. « Des recours peuvent être engagés en invoquant la méconnaissance du principe d’égalité ou en tout cas d’éventuelles discriminations dans l’exercice des droits devant la Constitution que les traités internationaux garantissent. » Avant de tout simplement placer les décideurs politiques face à leurs responsabilités. « À statut constant, des progrès sérieux peuvent être encore faits, non pas pour la beauté du geste, mais pour faciliter l’exercice des droits fondamentaux des citoyens. » À commencer par l’alignement des droits sociaux, peut-être ?!

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