Estelle Youssouffa et Théophane Narayanin, probablement le duel que personne n’attendait pour ces élections législatives à Mayotte. Collectif des citoyens de Mayotte pour l’une, entreprise du BTP pour l’autre, les deux n’ont aucune expérience en politique, réussissant pourtant là où de nombreux politiciens ont échoué. Candidats à la première circonscription de Mayotte, les finalistes sont déterminés à être le ou la prochaine député·e du 101ème département de France, et cela coûte que coûte.
Flash Infos : Vous avez battu des politiciens de longue date et des candidats soutenus par des partis politiques. Est-ce une surprise pour vous ?
Théophane Narayanin : Non pas du tout ! Je l’ai dit dès le premier jour que j’y arriverai. La surprise est d’être face à Madame Youssouffa. Je pensais plutôt être en face d’Issihaka Abdillah ou Ahamadi Boura. Mais dans tous les cas, je me voyais au deuxième tour, au regard de l’engouement de la population pour ma candidature. Je rappelle que je ne suis pas un politicien et que nous avons fait seulement deux semaines de campagne contrairement aux autres. Nous avons fait en deux semaines ce que certains ont fait en deux mois, cela montre déjà une certaine efficacité. Nous nous parlons aux gens, nous leur parlons d’économie. Nous leur disons que ce n’est pas avec un carton de mabawas ou un billet de 50 euros que l’on fait une vie. Il faut au moins un salaire dans les foyers, il faut du travail et c’est ce que les gens ont beaucoup apprécié. La population veut retrouver sa dignité à travers le travail.
Estelle Youssouffa : Depuis le départ, depuis que je suis en campagne nous travaillons pour que je sois élue. Notre espoir et toute notre stratégie c’est pour me mener à la victoire. C’est aussi le travail de terrain qui paye. C’est une campagne qui est orientée vers la proximité et qui répond à nos enjeux, c’est-à-dire la cherté de la vie, les infrastructures, la lutte contre la violence qui transforme Mayotte en enfer. Nous sommes dans le concret. Je pense que c’est un message qui fait écho et qui répond à ce que les Mahorais attendent. Nous sommes honorés de la confiance qu’ils nous accordent. Ce qui a fait la différence avec les autres, c’est le travail de terrain et le travail de longue haleine. Nous ne pouvons pas faire une campagne éclair sur des sujets aussi importants. Aller à la rencontre des électeurs et les écouter ça prend du temps, ça ne se fait pas en quelques jours. Il faut construire un programme cohérent et ancré dans le réel.
FI : Le 12 juin, les électeurs se sont fortement abstenus. Comment procédez-vous pour les inciter à aller voter pour vous le 19 juin ?
T.N. : Je pense que c’est psychologique. Les gens ne voient plus l’intérêt d’aller voter. Aujourd’hui, voter est devenu accessoire, contrairement aux générations de nos parents. C’est à nous de les mobiliser, de faire en sorte qu’ils s’intéressent à notre programme. Mais je pense que ce fort taux d’abstention aurait pu être évité s’il n’y avait pas tout ce désordre entre Majicavo, Koungou, Trévani, etc. Ça a été une semaine très difficile. Quand nous faisions nos meetings, pour rentrer à Longoni nous devions passer par Tsingoni, donc les personnes qui voulaient assister aux meetings n’allaient pas faire le tour de l’île pour venir nous écouter. Ces affrontements ont perturbé la campagne, cela a créé beaucoup de psychoses et je pense que ça justifie en partie l’abstention.
E.Y. : Nous avons lancé un appel massif à la mobilisation. Nous organisons des meetings pour mobiliser, rassembler et marteler la question des enjeux de cette élection. Sur les cinq prochaines années vont être débattues les questions de l’avenir du port de Longoni, le positionnement de Mayotte sur le projet gazier, les retraites, la vie chère, la santé… Je pense qu’en prenant le temps de parler aux électeurs et d’expliquer les enjeux nous pouvons mobiliser. Il faut aussi dépasser cette attitude de ne pas faire campagne ou de faire campagne à moitié. Mon électorat s’est mobilisé parce que nous travaillons. De plus, les enjeux de cette élection ont changé avec Monsieur Narayanin au second tour.
FI : Que pensez-vous de votre adversaire ?
T.N. : Les gens qui me manquent de respect, je ne les aime pas. On m’a appris à respecter les autres et je le fais, mais à partir du moment où quelqu’un ne me respecte pas je l’évite et je ne l’aime pas. C’est le cas avec Madame Youssouffa. Je souhaite qu’elle se rattrape parce qu’elle est vraiment mal partie. Si elle avait été correcte avec moi, j’aurais même pu envisager un désistement. Mais je n’aime pas sa façon de faire, elle s’est fâchée avec tout le monde, elle s’est donnée en spectacle quand le président de la République est venu à Mayotte. Aujourd’hui, elle vend un fantasme qu’est la vague migratoire. Je pense qu’elle a fait le plein des voix. Je promets ma victoire et je suis tellement sûr de moi que je sais que je vais gagner avec au moins 1.000 voix d’écart. Elle a retourné la population contre elle, son arrogance et son assurance artificielle ne peuvent pas prospérer. Je pense que je suis beaucoup plus mahorais qu’elle. Je l’ai beaucoup aidée, à un moment donné ça frisait la raquette et j’ai dit stop. Être face à elle n’est pas du tout ce que je souhaitais, je me voyais bien face à Issihaka Abdillah, qui est un homme propre et intègre. Maintenant, je suis face à elle, j’accepte, nous ferons les choses proprement.
E.Y. : Je n’ai pas de commentaire à faire sur Monsieur Narayanin. C’est un repris de justice, il a un casier judiciaire et il se présente à l’élection pour obtenir l’immunité parlementaire. Il est mis en examen pour association de malfaiteurs. Je pense que Mayotte mérite mieux et certainement pas un patron qui veut faire avancer ses affaires au palais Bourbon. Il est important de rappeler que La Réunion n’a pas besoin d’avoir un député supplémentaire. Mayotte, par contre, a besoin d’avoir un enfant du pays pour défendre ses enjeux.
Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le numéro 1004 de Mayotte Hebdo.