Il visait la présidence du Département, il devra se contenter du siège de conseiller départemental du canton de Sada-Chirongui. Le député Mansour Kamardine n’a pas fait l’unanimité lors du fameux troisième tour et a dû revoir ses ambitions à la baisse. La campagne et l’élection n’ont pas été de tout repos pour celui qui en ressort avec des regrets. Il dénonce certains acteurs économiques d’avoir influencé les votes. Alors que d’autres accusent son parti d’être à l’origine de nombreuses irrégularités. Mansour Kamardine revient pour Flash Infos sur cette période électorale qui lui laisse un goût amer.
Flash Infos : Dans vos communiqués, vous affirmez que des « puissances finan-cières » ont mené un combat contre vous afin d’influencer les votes et vous empê-cher de les gagner. À qui faites-vous allusion ?
Mansour Kamardine : Je n’ai cité personne en particulier, mais je parle d’acteurs économiques influents qui cherchent à influer sur un vote démocratique dans un pays démocratique. Ce n’est pas acceptable. Nous le voyons, nous avons plusieurs témoignages de gens, soit des bénéficiaires des généreuses donations soit des acteurs qui sont sur le terrain et que nous avons vus devant les bureaux de vote en train de distribuer des billets pour acheter des électeurs. L’achat d’électeurs est une réalité que personne ne peut soupçonner.
Nous avons vu également les primo votants, des Français d’origine étrangère, qui ne résident pas forcément dans certaines communes et qui sont pourtant inscrits dans ces communes là. Ils prétendent demeurer chez un tel, sans que nous ne vérifions jamais si ces jeunes habitent réellement à l’adresse indiquée. C’est une véritable fraude électorale organisée, qui n’est pas de nature à respecter les règles électorales et démocratiques.
FI : Une plainte et un recours ont été déposés par vos adversaires, dénonçant des irrégularités de votre côté. Allez-vous faire la même chose ?
M. K. : Nous, nous n’avons pas à porter plainte. On nous a annoncé un contentieux parce qu’on nous accuse d’avoir triché et notamment d’avoir refusé de faire voter les ordonnances. Nous attendons avec beaucoup d’intérêt le recours parce que ce sont des affabulations. Et puis il y a effectivement une plainte, toujours concernant ces fameuses ordonnances et nous allons nous associer à la plainte pour demander au procureur de vérifier qui a triché. Rira bien qui rira le dernier.
FI : Ben Issa Ousseni vous a accusé à la télé de vouloir l’« assassiner politique-ment ». On vous pensait broyés, mais finalement lors du troisième tour vous avez décidé de vous rallier à lui. Pour quelles raisons ?
M. K. : Je ne sais pas si c’est moi qui me suis rallié à lui ou si c’est lui qui s’est rallié à moi… Ce qui est certain, c’est que pendant la campagne, je m’étais battu pour dire toute mon opposition à l’idée de voir le port entre les mains d’acteurs économiques qui font la loi. Je ne voulais pas que le conseil départemental tombe dans le même panneau que le port. Je souhaitais avoir une collectivité qui soit lucide, responsable, capable de porter les intérêts de Mayotte. J’ai constaté que je n’avais pas les moyens de constituer une majorité la plus large possible comme je l’avais souhaité, compte tenu des enjeux du territoire. Et entre les différents candidats qu’il y avait, j’ai accepté et appelé à ce que nous nous mobilisions tous pour Ben Issa Ousseni. J’ai considéré que les propos qu’il avait tenus retournaient de l’émotion de son succès. Il n’avait pas su les gérer et il a dit des choses que personne ne pouvait croire. J’ai apporté la démonstration en votant pour lui et en demandant à tous ceux qui pouvaient me suivre de voter pour lui. Nous ne construisons pas un pays avec des rancœurs et des haines. Il faut savoir tourner les pages en politique. J’avais souhaité construire un projet qui parle à l’ensemble des Mahorais. Le président Ben Issa Ousseni s’inscrit dans cette direction donc je me retrouve pleinement dans son discours.
FI : Alors pourquoi ne faites-vous pas partie des vices-présidents ?
M. K. : Parce que la majorité est à quatorze et il y a sept vice présidents. Nous avons con-venu que chaque binôme désigne un vice-président. J’ai souhaité donné la primauté à ma binôme, Tahamida Ibrahim. C’est une femme douée d’intelligence avec des capacités de développement considérables. Elle doit s’affirmer et je lui ai laissé la chance de pou-voir le faire. Durant toute ma carrière politique, à chaque fois que j’ai eu l’occasion de favoriser l’émancipation de la femme mahoraise, je l’ai fait. C’était un moyen de prouver que je peux me mettre derrière Tahamida Ibrahim et participer à cette aventure.
FI : Le parti des Républicains avait investi neuf binômes à Mayotte, seulement trois sont élus. Est-ce que les LR, tel qu’ils sont actuellement, ont encore leur place à Mayotte ou envisagez-vous des changements ?
M. K. : Seuls les LR étaint un parti organisé. Nous avons certes perdu les élections, nous ne pouvons pas dire le contraire, mais nous avions un projet commun qui pouvait parler à l’ensemble de Mayotte. Alors que les autres n’avaient pas véritablement de projet. Sur ce territoire, les partis politiques sont éclatés, nous nous résistons, et il faudra que nous continuions à faire de la résistance et à nous organiser davantage. Même si nous avons perdu, nous sommes de loin la seule formation politique organisée et ce n’est pas par hasard si nous avons réussi à construire cette majorité. Le rôle des LR au sein de cette majorité a été extrêmement bénéfique pour l’ensemble du groupe parce que dans les allers et venus de certains, ceux qui sont restés ensemble et soudés étaient les LR.
FI : Entre les trahisons et les coalitions, quels enseignements retenez-vous des semaines de campagne et des résultats des élections ?
M. K. : Nous avons eu un environnement malsain composé de gens et d’acteurs économiques qui n’avaient rien à voir dans cette campagne. C’est un regret. J’observe égale-ment que la quasi totalité des candidats soutenus par les maires élus il y a un an ont été battus. C’est surprenant, et c’est sujet à des interrogations. Je regrette également les valses des élus du troisième tour. Nous avions la majorité le matin, nous la perdions l’après-midi, avant de la récupérer le soir… Et ainsi de suite. Ce troisième tour a été un véritable naufrage de la démocratie locale. Cette situation ne doit plus se reproduire. Pour cela, il faudrait modifier le mode de scrutin de façon à être plus transparent auprès des électeurs. Dès le départ, ils doivent savoir qui sera président si telle liste gagne.
J’ai également un sentiment de regret, car les jeunes nous ont épatés pendant la campagne en parlant d’intérêt général, et par la suite nous avons constaté que la traduction de l’intérêt général était de savoir s’ils allaient être président ou vice-président. En réalité, l’intérêt général était de l’intérêt personnel. Je souhaite appeler solennellement cette jeunesse à redéfinir l’intérêt général. Dès mon jeune âge, j’avais acquis comme leçon de principe que lorsque mon intérêt personnel était en conflit avec l’intérêt général, ma personne devait passer en second plan. C’est ce que j’ai fait en portant mon soutien à Ben Issa Ousseni. Il ne peut avoir d’intérêt général quand chacun pense uniquement à soi, c’est ce qui a causé le naufrage électoral.
L’autre leçon que doivent retenir les jeunes c’est qu’une démocratie vivace et vivante se traduit par une majorité et une opposition. Une majorité qui décide et une opposition qui rend compte à la population des décisions prises par la majorité. Hors, ce que nous avons vu dans les valses politiques, c’est que tout le monde veut être dans la majorité simple-ment parce qu’on a peur de son électeur. Je n’ai pas peur d’être dans l’opposition, pendant très longtemps je l’ai été et j’ai construit des choses. Si nous voulons construire Mayotte, il faut que nous acceptions qu’il y ait une majorité et une opposition. Malgré tout ce qu’il s’est passé, je tiens à remercier toutes celles et ceux qui nous ont soutenu. Ma binôme et moi étions surpris, mais heureux de voir cet engagement de jeunes qui nous ont accompagnés.