Les trois cantons de Mamoudzou sont probablement le plus disputés durant ces élections départementales à Mayotte. La commune divisée par trois, compte à elle seule 20 binômes, soit 40 candidats pour le premier tour. Les électeurs ont fait leurs choix, il ne reste plus que six duos. Tous affirment être le bon choix pour Mamoud-zou et pour Mayotte. Ils ont des priorités différentes, mais pour l’heure ils jouent tous au jeu des négociations pour parvenir à leurs fins.
Mamoudzou 3
Ils ont réussi à se hisser à la première place des binômes plébiscités par les électeurs de Mamoudzou 3. Sidi Nadjayedine et Hélène Pollozec arrivent en tête avec 28,1% des votes. Et le binôme n’est pas surpris du résultat. « Nous nous y attendions parce que nous avons travaillé pour avoir cette place. C’était un travail difficile, mais quand nous nous en-gageons en politique ou dans un combat, il faut y croire. Et nos meetings nous donnaient déjà une idée », assure Sidi Nadjayedine. C’est donc tout naturellement que le duo part une nouvelle fois au front plein d’assurance. Ils doivent sceller des alliances et mener une campagne intense afin de convaincre les plus réticents.
Pour ces candidats étiquetés du centre, les pourparlers ont commencé dès dimanche soir dernier. « Nous sommes allés voir les différentes personnes. Nous sommes beaucoup dans le dialogue et certains ont déjà répondu favorablement et veulent soutenir notre projet », affirme Hélène Pollozec. Parmi leurs alliés, on compte le binôme Mariame Saïd et Cheih Ali ainsi que celui de Marie Boura et El-Had Mascati. Les négociations ont duré toute la semaine ! Les nuits sont courtes et les journées très longues… Alors la fatigue se fait parfois ressentir, mais Sidi Nadjayedine et Hélène Pollozec n’en sont pas à leur première campagne électorale. « Il y a moins d’un an, nous étions en campagne municipale, nous sommes donc rodés. Notre essence,c’est la population qui a besoin de nous, celle qui nous encourage tous les jours et nous félicite », précise Sidi Nadjayedine.
Pour ratisser large, le binôme a l’intention de se démarquer de leurs adverses en jouant la carte de la proximité avec la population. Il maintient donc la même stratégie depuis le début, mais cela sera-t-il suffisant ? L’équipe adverse va également au plus près des habitants du canton de Mamoudzou 3 et c’est là tout l’enjeu puisque dans les villages du canton, tout le monde se connait. « À Mamoudzou, beaucoup de candidats sont issus du même quartier. Pour le premier tour, nous étions quatre venant du même quartier, c’était donc compliqué de convaincre et d’avoir une force unie à Mamoudzou », admet Hélène Pollozec. Pourtant, les électeurs de Mamoudzou village sont probablement ceux qui feront la différence, entre les partisans de Saoudat Abdou et Hélène Pollozec, toutes deux originaires de Mamoudzou.
Alors oui, les négociations vont bon train, mais hors de question pour les candidats de perdre de vue leur projet et leurs priorités. S’ils sont élus, ils promettent de mettre l’accent sur la création d’emplois. « Nous avons le poumon économique de Mayotte sur notre canton, nous allons l’utiliser à bon escient. Nous soutenons les entreprises créatrices d’emplois en renforçant l’économie sociale et solidaire, en mettant en place l’insertion par l’activité économique », explique Hélène Pollozec. Mais pour soutenir financièrement les entreprises, encore faudrait-il régler les dettes de la collectivité dues aux entreprises mahoraises. « Quand nous allons arriver au Département, c’est la première chose que nous allons faire. Nous allons payer les entreprises qui ne l’ont pas été parce que le développement économique n’est pas possible si nous les payons pas », continue la candidate. La création d’emplois passera également par la mise en application de toutes les études qui sont encore dans les tiroirs du conseil départemental depuis des années. « Il faut booster la commande publique. Nous ne pouvons pas passer une mandature à faire des schémas. Il faut lancer les chantiers et ainsi donner du travail aux entreprises », soutient Sidi Nadjayedine. Ce dernier et sa binôme sont conscients qu’ils devront mener tous ces projets en collaboration avec les autres élus des deux autres cantons de Mamoudzou, qu’importe les gagnants.
Malgré nos multiples sollicitations, nous n’avons pu joindre le binôme adverse, Ali Debré Combo et Saoudat Abdou.
Mamoudzou 2
Dans le canton de Mamoudzou 2 arrive en première position l’équipe LR menée par Zaidou Tavanday et Zakia Mambo et en deuxième position les représentants de Mamoudzou c’est nous aved Elyassir Manroufou et Laini Abdallah-Boina. Si le deuxième binôme ob-tient un score plus qu’honorable de 34,35%, il aurait espéré faire mieux. « Nous nous attendisions à avoir la première place pour cette élection. Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé… Nous avons comptabilisé plus d’une centaine de procurations qui n’ont pas pu être utilisées. Nous ne remettons pas en cause la régularité des élections, mais il y a eu des petits couacs… Des personnes ont été délibérément découragées de ne pas aller voter alors que nous savions pour qui elles voteraient », sous-entend Elyassir Manroufou. Mais force est de constater que les problèmes de procurations ont pénalisé tous les candidats, y compris ceux soutenus par le maire de la commune. « Mon équipe en a aussi fait les frais. Nous n’avons pas pu utiliser plus de la moitié de nos procurations. Malgré tout, je ne pense pas qu’il y ait eu manœuvre de la part de l’administration communale. Je parlerai plutôt de manquement », ajoute Zaidou Tavanday. Les deux équipes espèrent pouvoir utiliser cette force de frappe lors du second tour, car ces centaines de documents pour-raient faire toute la différence.
Les priorités
Les Républicains ont élaboré un projet territorial que chaque conseiller départemental encarté du parti devra traduire dans son canton. Il y figure une formule qui a fait écho tout au long de la campagne électorale : un jeune, une formation, un diplôme, un emploi. « Il faut un pilote politique qui dynamise la formation professionnelle et les filières d’excellence à Mayotte. Le conseil départemental doit jouer son rôle de chef de file », souhaite Zaidou Tavanday, ancien président de la mission locale de l’île. Cet ex footballeur du territoire met également un point d’honneur à placer le sport au centre des priorités de son canton. « Mayotte a un calendrier, celui des jeux des îles. Il faut donc mettre les moyens et piloter tout cela. Former les sportifs et construire les infrastructures nécessaires », précise-t-Il. Le binôme des LR du canton de Mamoudzou 2 a l’ambition de faire développer Mayotte à travers les subventions européennes. « Notre département est le territoire qui en reçoit le moins et pourtant les élus n’arrivent pas à utiliser l’intégralité des sommes envoyées… Nous devons avoir un plan musclé pour pouvoir gérer les subventions. Pour cela, il faut un pilote politique averti et j’ai envie d’être celui-là », déclare Zaidou Tavanday.
Du côté de leurs adversaires, la priorité réside dans l’entente avec les autres conseillers départementaux des différents cantons de Mamoudzou. « Nous voulons faire en sorte que les trois cantons de Mamoudzou parlent d’une seule et même voix au sein de la majorité qui va siéger au conseil départemental. Plus du tiers de la population de Mayotte réside sur notre territoire et les conseillers départementaux du chef-lieu se retrouvent souvent exclus des décisions alors que la majorité des problématiques sont concentrées chez nous », rappelle Elyassir Manroufou. Ce dernier désire un représentant fort qui parle au nom des habitants de Mamoudzou au sein du Département, mais il devra aussi composer avec l’actuel maire de la ville. Pour rappel, Elyassir Manroufou se trouve actuellement dans l’opposition au sein de la mairie de Mamoudzou, alors que Zaidou Tavanday est le directeur de cabinet d’Ambdilwahedou Soumaila. « Si c’est l’autre, qui est dans l’opposition du maire, qui gagne, il y a un risque élevé à ce qu’il y ait un combat de coqs au détriment de la population comme nous le voyons aujourd’hui entre la Cadema et la ville de Mamoudzou », estime Zaidou Tavanday qui semble bien informé.
Les alliances
À Mamoudzou 2, les deux finalistes ont essayé par tous les moyens de convoiter le binôme de « Ra Tayari », composé de Mohamed Hamissi et Ambaria Madi, qui a terminé en troisième position avec plus de 18% des voix. Leur appui pourrait donc faire pencher la balance de manière considérable. Mais le mouvement a décidé de se positionner pour aucun des deux duos encore en lice. Aucune consigne de vote n’a donc été donnée, un manque à gagner pour ceux qui sont encore dans la course. Ils repartent en campagne, dans l’espoir de conquérir les électeurs indécis ou ceux qui ont préféré s’abstenir. « Nous continuons la campagne avec les meetings et le porte-à-porte », indique Zaidou Tavanday. Ce dernier assure avoir le soutien de Hakim Nourdine qui est arrivé en quatrième position lors du premier tour. « Nous partageons les mêmes valeurs. Nous sommes des enfants et petits-enfants de Sorodats, nous avons voulu la municipalité actuelle et avons fait cam-pagne ensemble. Il pense que ma victoire peut être utile à la ville de Mamoudzou », précise le candidat.
En parallèle, Elyassir Manroufou et Laini Abdallah-Boina espèrent se rallier à ceux du MDM. « Je suis issu d’une famille politique qui est fortement rattachée aux valeurs du MDM. Suite aux difficultés qu’il y a eu au sein du mouvement, nous avons décidé de prendre un peu nos distances, mais toujours est-il que nous gardons cet attachement très fort avec le MDM. Nous avons appelé à la mobilisation de notre famille politique d’origine », annonce Elyassir Manroufou. Ils peuvent déjà compter sur le soutien du groupe Imani qui a obtenu la dernière place dans le classement.
Mamoudzou 1
Hassana Ahmed Houmadi et Said Malidi Mlimi forment le binôme qui est arrivé en tête dans le canton de Mamoudzou 1. Ils sont aussi investis par le LR et s’inscrivent donc dans le projet territorial élaboré par le parti. Mais pour Said Malidi Mlimi, actuellement ad-joint au maire de Mamoudzou en charge de la sécurité, une priorité se démarque des autres. « Si nous avons la chance d’être élus, l’une de mes principales batailles sera la sécurité. Nous savons que c’est l’une compétence de l’État, mais je pense que c’est l’affaire de tous. » Selon lui, le conseil départemental devra jouer la carte de la proximité avec la population pour y arriver. Cela passera également par un changement des méthodes de travail du conseil cadial. « Il doit être plus efficace et impliqué dans les questions de sécurité parce que je considère qu’à l’heure actuelle il joue le rôle de pompier de service.. Quand il y a le feu, nous les emmenons pour l’éteindre alors que ces membres doivent travailler en amont pour trouver des solutions durables », détaille Said Malidi Mlimi.
Leurs adversaires, El Anrif Hassani et Farianti M’dallah, estiment qu’il est primordial de faire partie de la prochaine majorité du conseil départemental. « Cela ne sert à rien d’être dans l’opposition parce que cela serait mettre des bâtons dans les roues. Le plus important est de faire avancer le territoire », indique El Anrif Hassani. Pour cela, il se focalisera sur le rôle des associations. « Il manque beaucoup d’encadrants. Nous devons les former pour qu’ils puissent ensuite s’occuper des jeunes », précise-t-il. Le candidat fait notamment allusion aux structures sportives et éducatives.
Les alliances
Les deux binômes n’ont qu’un objectif pour le moment : ils doivent rassembler le maximum de voix. Si le porte à porte et les meetings ont été organisés durant toute la semaine, le plus important est d’avoir l’appui des candidats qui n’ont pas passé l’épreuve du premier tour. Mais le jeu des coalitions peut être cruel. « Je ne vous cache pas que c’est difficile. Le partenaire sur lequel nous comptions beaucoup, le binôme du MDM, nous a dit qu’il préfère ne pas donner de consignes de vote », indique Said Malidi Mlimi. Malgré tout, sa binôme et lui préfèrent voir les choses de manière positive. « Le champs est libre, nous sommes à même de pouvoir travailler encore plus et avoir plus d’énergie pour convaincre les électeurs qui n’ont pas voté au premier tour, mais aussi celles et ceux qui soutenaient d’autres binômes », relativise le candidat.
En face, El Anrif Hassani et Farianti M’dallah peuvent compter sur le soutien de Jacques-Martial Henry et de Mahamoud Sidi Moukou qui ont été classés en troisième et cinquième position. « Les LR disent qu’il faut absolument élire un conseiller LR, sinon il ne pourra pas travailler avec le maire de Mamoudzou, c’est une aberration ! », s’indigne El Anrif Hassani qui veut dépasser les clivages politiques et s’inscrire dans la continuité de ce qu’ont fait les conseillers départementaux sortant.
Dans les trois cantons de Mamoudzou, la compétition est rude. Les jeux sont faits, et dimanche soir chacun saura s’il a misé sur le bon binôme.
Pendant ce temps-là à Sada…
Tous les regards se tourneront également vers le canton de Sada-Chirongui dimanche prochain. Le candidat Mansour Kamardine attire la curiosité de tous. Sa binôme et lui arriveront-ils à gagner contre Mariam Said Kalame et Mohamed Abdou ? Pour l’heure, aucune certitude n’est garantie puisque les deux duos sont au coude à coude. Seulement un point les départage. Ils auraient pu compter sur le soutien des autres candidats perdants, mais la majorité d’entre eux a décidé de ne pas se positionner. « Les candidats Nomani Ousseni, Rahmatou Bamana, Anchya Bamana, Adams Ridjali, Kourati Youssouf-fa, Hamada Binali, soutenus par leurs partis et mouvements politiques respectifs […] ont pris la décision de ne pas donner de consignes de vote pour le second tour dans le canton 12 », peut-on lire dans le communiqué qu’ils ont envoyé. Les électeurs seront donc plus libres de leurs choix et la bataille d’autant plus intrigante et incertaine.