Au centre du jeu politico-médiatique, le chef de l’État, Emmanuel Macron, doit scruter les élections départementales et régionales avec une attention particulière. C’est un test pour le scrutin présidentiel qui aura lieu dans un an, en juin 2022 probablement. Or, les résultats ne sont pas bons, toutes tendances politiques confondues.
Une débâcle apparaît dès le premier tour des régionales pour les nombreux ministres candidats. Une quinzaine était en lice dans la bataille, mais les Français ont préféré leurs concurrents dans l’intégralité des régions, particulièrement en Île-de-France. Les grosses pointures affichent tous des scores médiocres, voire très mauvais dans certains cas, en dessous de 10% des votes. Si les membres du gouvernement n’ont pas été en réussite, le parti présidentiel a lui aussi souffert, ne recueillant que 10,6% des suffrages au niveau national, loin derrière LR (28,4%), le RN (19,2%), le PS (15,8%) ou les écologistes (13,2%). La droite est donc en position de force, LREM essuie un camouflet. Chez les LR, le désaveu n’est pas moins cinglant, ce qui donne une indication de l’impopularité des partis politiques, désormais réelle. La légende d’une désaffection des citoyens pour les joutes cède le pas à la réalité !
Le parti de Marie Le Pen, également présidentiable, n’arrive en tête qu’en Paca, mais il a peu de chance de remporter la région. La formation s’estime la principale victime de l’abstention. Au terme d’une campagne pourtant dominée par les questions sécuritaires, le réveil est brutal pour toutes les grandes figures. Le président de la France Insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon, ne décolère pas sur le recul du devoir civique en France métropolitaine : « Une démocratie sans électeurs, ce n’est plus vraiment une démocratie », déclare-t-il, parlant de « refus de vote », de « grève des urnes ». Selon lui, le gouvernement a une responsabilité éminente dans ce « désert électoral », dû à une carence de fonctionnement de l’État actuel, laminé par des décisions successives qui écornent les libertés individuelles et collectives.
Le bon exemple mahorais
À hauteur de 60%, le record d’abstention est battu, plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes, une première dans la Vème République. Pour expliquer cette fâcheuse tendance, la presse nationale a pointé du doigt deux bouleversements majeurs, à savoir l’influence des réseaux sociaux et la possibilité de mesurer en continue l’audience de ce qui est publié par les sondages d’opinion. Dans les milieux intellectuels, certains observateurs ne pensent pas toutefois que cette double bascule soit nécessairement génératrice du « désarroi abstentionniste ». Autant dire que la colère, perceptible sur Internet, ne mobilise pas pour les élections régionales.
Qu’en est-il à Mayotte ? Les électeurs et électrices semblent donner l’exemple, avec un taux de participation qui passe de 53% lors du dernier scrutin, en 2015, à 60% en 2021, soit 7 points de plus. Contrairement aux pronostics, le mauvais bilan de la départementalisation n’a pas eu d’impact sur la volonté des électeurs de contribuer à changer les choses par le vote, dans une société minée par de nombreuses crises : économique, sociale, sanitaire et sécuritaire. Le découragement présumé n’a pas eu lieu. La vieille génération, plus politisée, qui vote traditionnellement par fidélité, a rempli son devoir, soit directement dans l’isoloir, soit par procuration.
Au regard des chiffres officiels publiés par la préfecture, le scrutin est à l’image du dynamisme de la jeunesse mahoraise, laquelle représente 60% de la population. La tranche d’âge la plus nombreuse, entre 18 et 30 ans, a manifesté le désir d’imposer ses vues aux aînés. Certains vieux routiers ont d’ailleurs disparu de la scène, emmurés dans le silence à l’heure de la retraite politique. C’est le cas du président du conseil départemental, qui ne se représentait pas dans son canton de Chiconi. Idem pour son prédécesseur, Ahmed Attoumani Douchina, absent dans la circonscription de Bouéni. À Mamoudzou 2, Chihaboudine Ben Youssouf a choisi de soutenir un poulain qui a fait un score honorable.
Une nouvelle génération au pouvoir
Ces désistements montrent que le changement du personnel politique est à l’œuvre, des élus plus en phase avec les nécessités de leur époque moderne dessinent la nouvelle carte électorale. Excepté le repêchage du député Mansour Kamardine dans le canton de Sada-Chirongui, une nouvelle génération arrive au pouvoir pour parachever le combat de la départementalisation. C’est le principal enseignement qui se dégage du scrutin.
Cette évolution tant attendue est également perceptible au niveau des résultats du premier tour. Le binôme qui l’emporte à Labattoir en est l’exemple parfait. Les autres connaîtront leur sort dimanche prochain, à la suite de négociations de ralliement entre plusieurs formations très localisées. Les partis classiques (LR, MDM, Modem et ce qu’il reste du PS) sont menacés par des compromis difficiles à conclure dans un contexte de défiance envers leurs dirigeants. Les alliances risquent d’être fatales aux candidats sortants. Il est donc présomptueux, à ce stade, de dire qui sera le prochain président du Département, et quel parti sera en position de force pour constituer une majorité de gouvernance pour les six ans à venir.