Abdullah Mikidadi est un candidat qui n’a pas froid aux yeux. Il se présente dans le canton de M’tsamboro dans le seul objectif d’être le nouveau président du Département. Candidat sans étiquette, il s’inscrit dans la mouvance « Mouvement pour le développement du canton de M’tsamboro » avec son binôme Antufiya Hamidi. Il promet notamment d’attribuer à Mayotte toutes ses compétences régionales pour un réel développement économique.
Flash Infos : Pour quelles raisons vous présentez-vous à ces élections cantonales ?
Abdullah Mikidadi : Ce n’est pas la première fois que je me présente à des élections locales. Je me suis présenté aux municipales de 2008 et de 2014. Cette fois-ci, je suis candidat aux cantonales car j’ai l’intention d’aller plus loin et de briguer la présidence de la prochaine mandature du conseil départemental. J’estime que Mayotte traverse une crise institutionnelle. L’île n’a pas pu avoir toutes ses compétences, une partie a été confisquée par l’État. Mayotte est un DROM (département et région d’Outre-mer) mais en réalité il manque le R. Il faut que nous ayons deux chambres : une départementale et une régionale. Le conseil départemental a une compétence sociale. La région a une compétence de développement économique. Ce que nous n’avons pas ! Donc il faut commencer par là. Il faut que l’État nous rende les compétences qu’il nous a confisquées. Et tout transfert de compétences est accompagné par les moyens, c’est la loi. Il faut simplement faire appliquer les lois et c’est le rôle des élus, notamment du président du Département, de sonner l’alarme.
FI : Estimez-vous donc que si cela n’a pas été fait c’est par manque de volonté politique ?
A. M. : Par manque de volonté politique oui, et surtout pas manque de courage des élus locaux ! Si nous ne réclamons pas notre dû, quelqu’un qui n’a pas l’habitude de payer ses dettes ne le fera pas. Nous avons absolument besoin de cette compétence régionale pour le développement de Mayotte. Je vous donne un exemple : aujourd’hui, nous sommes en train de créer le « Grand Paris ». Est-ce que ce Grand Paris est porté par un Département en particulier ? Non ! C’est la région Île-de-France qui le développe. C’est la même chose pour Mayotte, il faut que nous nous dotions de la région pour développer l’économie de Mayotte. Il faut mettre les choses dans l’ordre.
FI : Comment pouvez-vous nous garantir que vous allez mettre les choses dans l’ordre si vous êtes élus ?
A. M. : Une fois élu, je remettrai en cause le GIP et dirai à l’État que nous voulons être une région à part entière. Au moment de la départementalisation, ils ont fait une expérience à Mayotte sur l’assemblée unique. Ils ont mis une assemblée à compétences régionales et départementales. Force est de constater que cela n’a pas fonctionné. Au lieu de rectifier le tir, on nous le laisse. Il faut absolument enlever cette assemblée unique et faire comme dans les autres territoires. C’est ce que je vais demander en premier lieu. Puisque cela fonctionne ailleurs, cela fonctionnera chez nous. Aujourd’hui, nous nous trouvons avec une préfecture qui est la plus puissante de France. C’est une réalité et cela ne doit plus durer.
FI : Dans votre profession de foi, vous parlez de Mayotte dans sa globalité mais jamais de votre canton alors que pour siéger au Département, il faut d’abord être élu dans son canton. Est-ce réellement une bonne stratégie ?
A.M : Pour quelqu’un qui aspire à être président du Département, j’étais obligé d’aller dans ce sens-là. Je ne veux pas botter en touche mon canton, mais il y a tellement à faire au niveau départemental ! Lorsque les choses seront en règle au niveau du territoire, à ce moment-là tous les projets découleront dans tous les cantons. Concernant mon canton, il est la porte d’entrée pour l’Afrique et l’Arabie. Un port maritime est donc indispensable à M’tsamboro. Je vais dans le sens du désenclavement pour développer le tourisme, et le port de M’tsamboro est essentiel pour cela. Nous ne sommes qu’à 70 kilomètres d’Anjouan : en deux heures de temps, nous pouvons y passer le week-end. Dar Es Salam est à 400 kilomètres, en cinq heures, nous y sommes en bateau. Nous avons donc besoin d’un port. De manière générale, le Nord doit être développé parce qu’il est complètement oublié. Vous avez vu le plan de relance ? Il n’y a aucun projet pour cette partie de l’île alors que le développement doit être équilibré partout.
FI : Vous briguez déjà la présidence du Département, n’êtes-vous pas en train de mettre la charrue avant les bœufs ?
A. M. : Non, parce que depuis Monsieur Bamana, la présidence s’est toujours jouée à la roulette russe… Certains se sont retrouvés « président » sans l’avoir demandé. Cela été le cas de Said Omar Oili, qui voulait juste être vice-président. Vous avez vu les conséquences…. Quand vous n’avez pas préparé les orientations du pays et que vous n’avez pas eu le temps d’établir un vrai cabinet digne de ce nom qui va vous accompagner pour atteindre vos objectifs, rien ne va ! Cela a été la même chose pour Monsieur Douchna et Monsieur Zaïdani. Pour ce dernier son poste s’est carrément joué dans la cuisine de la maman de Roukia Lahadji. Je vous assure, je connais bien le dossier. Donc si le destin de notre île se joue comme cela, ne vous étonnez pas après du résultat. Il faut donc se préparer en avance et mettre des orientations pour être à la hauteur de cette tâche et de ce grand défi qui nous attend. On ne s’y prépare pas au dernier moment.
FI : Êtes-vous sûr que les alliances politiques vous permettront d’accéder à la présidence du Département ?
A. M. : J’en appelle à la responsabilité de chacun. Aujourd’hui, Mayotte est à genou. La population va donner une mandature de six ans pour avoir une équipe compétente, capable de relever le défi. Il faut que les futurs élus comprennent cela et ne votent pas par copinage. Nous ne pouvons pas mettre n’importe qui à la présidence et passer encore six ans à se demander s’il y a un pilote dans l’avion. Nous voulons faire une rupture avec le passé. La prochaine mandature doit être une nouvelle ère pour Mayotte !
FI : Vous évoquez également la création d’un nouvel aéroport en Grande-Terre. Le foncier étant un problème sur le territoire, où le placerez-vous ?
A. M. : Deux études ont été réalisées : l’une à Bandrélé, l’autre à Majicavo. Les deux ont été validées à l’époque mais ont ensuite été mises à l’écart. Je ne dis pas qu’il faut fermer l’aéroport de Petite-Terre, au contraire. Il servira pour les vols de moins de trois heures. Mais il faut faire un grand aéroport en Grande-Terre, ce qui permettra d’avoir une synergie entre les deux aéroports. Le nouvel aéroport favorisera la concurrence et d’autres compagnies viendront. À Mayotte, il n’y a pas de tourisme parce que nous n’avons pas réussi le désenclavement. La ligne Mayotte-Paris est trop chère parce qu’il y a les lobbies réunionnais. Les Réunionnais sont conscients des avantages géographiques de Mayotte et de la beauté de notre lagon. Nous pouvons facilement leur faire concurrence sur le domaine du tourisme. Quand le billet Mayotte-Paris sera à 300 euros, nous pourrons enfin parler de tourisme.