Mis à part l’Italie, qui a félicité le président sortant avant la publication des résultats définitifs, aucune démocratie européenne n’a jusqu’à lors adressé ses félicitations à Azali Assoumani, confirmé pourtant par la Haute cour. Un silence qui donne lieu à de nombreuses interprétations.
Après la bataille des urnes, place à la bataille diplomatique. Deux semaines après la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle, l’opposition comorienne refuse toujours de reconnaître la victoire d’Azali Assoumani, déclaré vainqueur dès le premier tour avec 57,2% des suffrages exprimés. Si l’Union africaine, dont la présidence ne sera plus assurée dans quelques jours par l’Union, a félicité le chef de l’État sortant, les pays de l’Union européenne ont jusqu’à lors gardé un silence qui interroge. A commencer par la France, première partenaire bilatérale des Comores dont l’absence de réaction est considérée par des opposants comme une « non-reconnaissance » du scrutin du 14 janvier. « C’est avec une note d’espoir que nous partageons la nouvelle que la France longtemps considérée comme caution morale du colonel Azali a aujourd’hui choisi de se ranger du côté du peuple comorien à travers la non-reconnaissance jusqu’à lors du hold-up. Cette évolution marque le début d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays », écrivait Daoud Halifa, le mandataire du candidat Bourhane Hamidou et non sans exprimer sa gratitude envers le gouvernement pour cette « attitude » de fraternité. Toutefois, à la surprise générale, ce communiqué attribué aux cinq candidats qui défiaient Azali Assoumani a été démenti, ce mardi, par Aboudou Soefo, arrivé lui à la sixième position. Ce dernier, qui s’identifie comme le porte-parole du collectif des candidats de l’opposition, a déploré la publication à leur insu d’un faux communiqué qui félicite le gouvernement français. « Sa teneur précède une position non encore prise, à notre connaissance, par Paris qui a, à juste titre, la maîtrise de son propre calendrier pour se définir face aux mascarades électorales honteusement issues d’un coup d’État électoral du colonel Azali Assoumani », a poursuivi le leader du Mouvement Tsassi, en sa qualité de doyen des opposants.
Deux semaines en 2019
Pour cette raison, l’ensemble des candidats à la présidentielle et toute la quasi-totalité des candidats au poste des gouverneurs ont présenté leurs excuses à ceux que le communiqué diffusé lundi aurait embarrassés. De l’avis de certains, ces dissensions au sein même des opposants montrent à quel point la diplomatie française est dans une posture délicate. Paris va-t-elle reconnaitre Azali Assoumani en lui accordant une caution morale au moment où le processus ayant conduit à sa réélection est entaché dès le départ de plusieurs irrégularités ? En 2019, le président Emmanuel Macron avait mis deux semaines après la publication des résultats définitifs avant de féliciter l’ex-putschiste alors que toutes les missions d’observation, notamment l’Union africaine ont noté le manque de transparence. L’organisation des Nations Unies (Onu) avait également indiqué prendre acte des résultats le jour-même de la publication par la cour suprême. Pour le récent scrutin, la victoire d’Azali Assoumani a été validée depuis le 24 janvier mais ni la France, ni l’Union européenne, encore moins les États-Unis n’ont fait de déclaration jusqu’à nos jours. Pourtant, le 1er décembre 2023, à Madagascar, où l’élection avait été boycottée par l’opposition qui n’a pas battu campagne, près de neufs organisations internationales et chancelleries occidentales, dont l’UE, le Japon, et l’Allemagne avaient dans un communiqué commun « dit prendre acte » de la publication quelques heures plus tôt, des résultats de la Haute cour qui a accordé à Andry Rajoelina 59% des voix.
Pourquoi les occidentaux hésitent encore à se prononcer sur les Comores ? D’aucuns pensent que ce silence est la suite logique des communiqués de contestation ayant suivi la publication des résultats provisoires dont les chiffres étaient jugés incohérents. Les États-Unis, l’Union européenne tout comme le Royaume-Uni avaient demandé des clarifications. Des doléances visiblement ignorées puisque la cour suprême n’a pas levé les ombres entourant le scrutin.
En tout cas, si Paris n’a pas félicité Azali Assoumani, d’autres pays l’ont déjà fait. C’est le cas de la Turquie, la Chine, le Brésil et de la Russie, mais pas seulement. Toujours est-il que les autres pays ont jusqu’au jour de l’investiture pour le faire.