Les territoires ultramarins permettent à la France métropolitaine d’être présente dans tous les océans du monde à l’exception de l’Arctique. Alors du point de vue de la stratégie maritime nationale, que peuvent offrir les Outre-mer à la Nation ? C’est toute la question que se pose la délégation sénatoriale aux Outre-mer qui mène actuellement une étude sur le sujet. Éléments de réponse ce jeudi avec l’audition de trois spécialistes.
Sur divers points de vue, les territoires ultramarins offrent un panel d’opportunités à la France. Et les décideurs politiques basés à Paris sont bien forcés de s’intéresser aux réalités locales. Car oui, les Outre-mer concentrent 80% de la biodiversité française, « un trésor de faune et flore marine », insiste Cyrille Poirier-Coutansais, le directeur de recherches au centre d’études stratégiques de la Marine, invité à s’exprimer ce jeudi devant la délégation sénatoriale aux Outre-mer, dans le cadre de son étude sur la place des Outre-mer dans la stratégie nationale maritime. Ces territoires présentent de facto des atouts non négligeables dans les domaines de l’aquaculture, de l’algoculture et du cosmétique. Mais également des freins importants tels que les coûts de transport, la dépendance énergétique ou encore la difficulté à attirer des fonds d’investissement.
En soi, un long chemin reste encore à parcourir. Exemple avec l’aquaculture, dont la production totale est inférieure à 2.000 tonnes, alors qu’elle « peut avoir un bon succès à l’export ». Aux yeux de l’expert, le mal vient notamment de l’absence de structuration de filières « pour que cela décolle » et surtout de la mise en avant des ressources, des entreprises et des potentiels à destination des financeurs privés, qui n’ont pas pris le relais des pouvoirs publics. « Il y a un manque de connexion entre ces possibilités et les acteurs », regrette-t-il, avant de fonder quelques espoirs d’exposition grâce aux Assises économiques de l’Outre-mer organisées le 7 décembre prochain.
Les Outre-mer fragiles face aux menaces
Cette présence aux quatre coins du globe assure à la France une présence militaire sans égal ou presque, qui lui permet de contribuer « aux flux et aux partages d’informations de surveillance maritime » et de contrôler « les zones économiques exclusives » afin de protéger les ressources halieutiques. Toutefois, pour Yann Briand, l’un des membres du cabinet du chef d’état-major de la Marine au ministère des Armées, « les faits géopolitiques et l’émergence de nouvelles puissances en mer font que les Outre-mer sont assez fragiles face à ces menaces », en raison principalement d’un matériel vieillissant et pas assez nombreux pour éviter les pillages par des navires prédateurs. L’espoir d’un redressement vient peut-être des efforts financiers inédits consentis au profit des armées, notamment sur les patrouilleurs en Outre-mer.
Face à l’interrogation des sénateurs sur l’engagement discontinu, voire aléatoire, dans les territoires ultramarins, le capitaine de vaisseau se défend à l’aide d’un exemple. « Déployer en permanence une frégate de premier rang à La Réunion, dans une région assez excentrée de certaines zones de crise, c’est perdre un moyen dont nous aurions besoin en Atlantique Nord pour pister des sous-marins nucléaires russes. » Clair comme de l’eau de roche !
Avec un tel constat, comment inverser la tendance pour une meilleure prise en compte ? Le dérèglement climatique dans les bassins régionaux peut éventuellement rebattre certaines cartes. En effet, selon Mikaa Mered, un spécialiste de géopolitique de la chair Outre-mer de Sciences Po, la multiplication des risques environnementaux va « induire un besoin de la Marine nationale et de d’autres organismes de sécurité et d’assistance environnementale ». Malheureusement, les nouveaux bâtiments de soutien Outre-mer n’ont pas la capacité amphibie de ses prédécesseurs pour ravitailler les territoires en cas de catastrophes naturelles à en croire Yann Briand… Si toutes les pistes évoquées par les trois auditionnés du jour restent une manière d’éclairer les parlementaires ayant un attrait pour les Outre-mer, la décision finale sera toujours entre les mains de la sphère politique basée à Paris, où la compétition est rude pour se faire entendre.