Du blues dans les rangs de la police municipale de Dzaoudzi-Labattoir

Des départs de cadres vers d’autres collectivités locales, une grogne qui n’est plus cantonnée aux seuls couloirs de la municipalité, des policiers de Dzaoudzi-Labattoir font état d’un malaise palpable. Mikidache Houmadi, le maire, reconnaît qu’un rôle plus important en soutien des opérations de pacification des quartiers est demandé, mais refuse toute augmentation des salaires, arguant qu’il ne peut les revoir à sa guise.

Des agents de police municipale qui font part de leur désarroi à la presse, c’est un fait rarissime. Le service est le premier à faire les frais des luttes intestines qui secouent en interne la municipalité de Dzaoudzi-Labattoir depuis plusieurs mois. En interne, on estime que les recrutements ont été pour l’essentiel « le fait du prince ». Résultat des courses, c’est en bout de chaîne que les failles apparaissent et que les premiers craquements se font sentir. Après s’être fait reconduire par le maire dont ils dépendent directement sur le plan réglementaire, et après s’être confiés ici et là à des élus municipaux, y compris les membres de l’opposition, en vain, une partie des agents de la police municipale a décidé de crever l’abcès en étalant au grand jour les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien dans l’exercice de leurs missions.

« Nous n’avons plus rien à cacher parce que nous avons épuisé tous les recours possibles pour nous faire entendre de nos autorités tutélaires. Depuis le départ de l’ancien chef (N.D.L.R. l’ex-maire Saïd Omar Oili est devenu sénateur le 11 septembre 2023), nous sommes déconsidérés par nos responsables qui nous ignorent complètement. Si nous étions autrefois accusés d’être une garde prétorienne au service du maire, au moins nous évoluons dans un cadre de travail clair, ce qui n’est absolument plus le cas aujourd’hui. On ne sait même plus si la commune a encore une politique sécuritaire à proprement parler », confie un premier agent. Un deuxième dénonce une déviation de leurs missions premières au profit d’un rôle « de supplétifs de la gendarmerie nationale ».

Une nouvelle mission

Il explique que ses collègues et lui n’interviennent plus sur le terrain qu’en appui d’opérations de pacification de quartiers ou d’arrestations de bandes de délinquants, une mission qu’il considère pouvant être réalisée par les forces de gendarmerie sans besoin d’un grand renfort de policiers municipaux. Il poursuit que si la tâche est certes nécessaire, leur travail premier visant à rassurer les administrés de leur commune l’est tout autant. Contacté par nos soins, l’actuel maire de Dzaoudzi-Labattoir, Mikidache Houmadi, confirme une évolution des missions des policiers municipaux. Il a reconnu l’augmentation de la charge de travail dont il est fait état en raison des opérations conjointes de pacification de quartiers.

Autre élément expliquant le malaise, le départ de trois agents qui ont demandé à intégrer d’autres polices municipales en Grande-Terre. Une situation inquiétante pour d’autres cadres du service qui craignent un effet domino. « A chaque fois que nous essayons de sensibiliser le maire actuel sur cette réalité, il nous renvoie vers le conseiller municipal chargé de la sécurité et notre directeur actuel, seuls à avoir évoqué ces questions avec lui. Le souci est que nous savons pertinemment que le courant n’est pas au beau fixe avec le premier et que le second qui est un ancien gendarme n’est autre que le chantre de ce rôle de supplétif qui nous est désormais dévolu. Il oublie qu’il ne porte plus son ancien képi », regrette le même agent. Pour le successeur de Saïd Omar Oili, les faits soulevés ne sont pas suffisants à ses yeux pour parler de « malaise » dans sa police. Il estime par ailleurs qu’il est indélicat par les temps qui courent de court-circuiter son collègue en charge de la sécurité, pour cause d’instabilité de sa majorité actuelle. Il défend son le directeur de sa police municipale en qui « bénéficie de toute sa confiance ».

Une grogne sur les salaires

Dernier point, la grogne porte également sur des considérations salariales et d’heures supplémentaires qui ne suivent pas la surcharge de travail née de la multiplication des opérations de soutien aux gendarmes sur le terrain. « Lorsque nous lui parlons d’augmentation légitime de salaires, nos élus nous répondent augmentation de moyens matériels pourtant déjà à niveau optimal. » Sur ce sujet, le maire justifie son refus d’augmentations salariales par le fait qu’il est en présence de fonctionnaires soumis au respect d’une certaine grille salariale qu’il ne peut revoir à sa guise.

L’un des trois agents ayant préféré intégrer les services de police d’une autre collectivité reconnaît que la situation au sein des services de Dzaoudzi-Labattoir l’a poussée à partir. « Pensez-vous que j’aurais choisi de renoncer à travailler dans ma ville natale si je n’étais pas sujet à de véritables problèmes ? », demande-t-il, tandis qu’une deuxième à préférer s’abstenir de réagir, évoquant le souhait de ne pas se créer d’ennuis.

Un projet de fusion refusé

En parallèle de la situation des policiers de Dzaoudzi-Labattoir, il y a un autre sujet qui suscite le mécontentement, le projet « présenté » à l’approbation des élus communautaires visant à fusionner les polices municipales de Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi pour les placer sous l’autorité du président de l’intercommunalité de Petite-Terre, aujourd’hui Archadi Abassi. Côté Pamandzi toutefois, c’est un refus sans détour en raison de très nombreux aspects techniques et politiques. « La mission de police municipale est une compétence exclusive du maire qu’il exerce sur la base d’un plan de sécurité propre. Elle n’a pas à être déléguée à un président de l’intercommunalité qui n’a pas rang d’adjoint au maire », tranche El-Amine Abdouroihamane, l’élu en charge de la sécurité à Pamandzi.

Journaliste politique & économique

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